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Santé des populations : Prévenir ou guérir ?

Publié le mardi 29 août 2006 à 07h15min

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On ne peut parler de bien-être ni de confort que lorsque l’on est en bonne santé. La prévention sanitaire est, de ce fait, une nécessité à prendre en compte. Ainsi se justifie l’avènement du « Génie sanitaire » qui est à la fois une science, une vision et une démarche permettant de détecter la source des maladies dans l’environnement pour la supprimer.

« La santé n’est pas seulement l’absence de maladie. Elle est un état de bien-être ». Cette affirmation est de M. Dénis Zoungrana, enseignant et responsable du Master spécialisé en « Génie sanitaire » et environnement, à l’Ecole inter-Etat de l’eau et de l’équipement rural (EIER).

M. Zoungrana, en expliquant le rôle du « Génie sanitaire » note que ce dernier met une barrière entre la maladie et l’individu, par la gestion du risque (de la maladie). Dans ce sens, il a souligné que le « le « Génie sanitaire » se trouve au croisement des domaines de la santé et de l’environnement. Son rôle est de mettre les sciences et techniques au service de la santé, de façon générale.

Mais de manière spécifique, le rôle du « Génie sanitaire » est de concevoir, mettre en œuvre et contrôler les mesures préventives et curatives visant à améliorer et protéger la santé des populations contre les risques liés à l’environnement et aux comportements des populations elles-mêmes. Il s’agit d’un professionnel dont les compétences s’appuient sur les éléments de culture, de l’environnement y compris sa gestion durable. Dans une telle stratégie, ses domaines d’intervention sont l’eau, l’assainissement dans ses trois (03) composantes (eaux usées et excretas, eaux pluviales, déchets solides), le contrôle et la qualité de l’eau et des aliments, l’air, le bruit et l’hygiène du milieu naturel ou construit tels que les établissements recevant du public.

En outre, le « Génie sanitaire » participe à des études (04) épidémiologiques ou spécifiques en vue de prendre des mesures pour juguler une crise sanitaire ou restaurer un milieu contaminé.

Après sa formation, il peut travailler dans le secteur public et privé. Concernant le premier secteur, il s’agit des ministères chargés de l’Eau, de l’Environnement, de la Santé, les Collectivités locales, établissements publics. Le second cas concerne les entreprises de service d’eau, d’assainissement, de bureaux d’études, d’expertise, de conseils et de contrôles.

En Europe où l’investissement en infrastructures ne peut plus apporter une amélioration significative à la santé, les centres de formation en « Génie sanitaire » sont surtout orientés vers la prévention et la gestion du risque.

En revanche pour les pays en voie de développement où le déficit en infrastructures est criard, il faut prendre en compte les approches en cours pour optimiser l’impact des investissements et la mesurer. Dans cette logique, M. Zoungrana a souligné que pour le cas spécifique du « Génie sanitaire » et environnement dont il assure la responsabilité au sein du groupe EIER-ETSHER, plusieurs modules sont enseignés.

Il s’agit de l’approche multidisciplinaire et la planification stratégique pour les services d’eau et d’assainissement, l’approche écosystemique et santé pour la qualité de l’ environnement et l’hygiène du milieu, l’audit environnemental et le système de management de la qualité de l’environnement pour le suivi et le contrôle.

La nécessité de la prévention

Dans leur domaine d’intervention, les professionnels du « Génie sanitaire » sont souvent, d’une certaine manière en compétition avec les médecins de la santé publique. Et ceci parce qu’ils visent le même but : la santé des populations. Dans cette optique, la vingtaine de « Génies sanitaires » que compte le Burkina Faso, avec pour objectif la prévention sanitaire, retrouve dans le système sanitaire, l’hygiène publique, l’alimentation en eau et l’assainissement, la réalisation des projets, la gestion de l’environnement, le contrôle sanitaire.

Cependant, ces « Génies sanitaires » restent confrontés à de sérieux problèmes. Entre autres, la hiérarchisation des besoins qui met la priorité sur l’urgence, ce qui fait que la prévention vient en dernière position. D’après M. Denis Zoungrana, une étude américaine a montré que 90% des progrès potentiels sur la mortalité et les principales affections sont liés à des facteurs relevant de l’environnement, le comportement et la biologie humaine.

Le service de médecine curative n’y participe qu’a hauteur de 10%. Selon cette étude, il a été démontré que moins de 10% de moyens techniques et financiers sont consacrés à ces facteurs du progrès sur la mortalité et les maladies. Mais M. Zoungrana estime que : « Cette étude ne remet pas en cause l’institution sanitaire mais indique l’effort à fournir et dans quelle direction ».

De son avis, il revient aux populations et aux autorités gouvernementales de faire le choix entre la prévention et les soins curatifs. Certes, l’urgence fait que l’on gère la maladie mais c’est bien mieux de se positionner pour gérer le risque des maladies à venir. « Le plus visible de ce risque est la pathologie des poumons, compte tenu de la pollution de l’air », a-t-il fait remarquer.

L’insuffisance de la démarche institutionnelle est aujourd’hui, un autre problème que vit le « Génie sanitaire ». Une insuffisance qui justifie les problèmes budgétaires s’opposant au développement des activités du Génie sanitaire.

Gestion de l’environnement

Le Génie sanitaire évolue. Dans le temps, il s’occupait des ordures, des eaux pluviales etc. Mais de nos jours, il est préoccupé par l’impact des ordures et saletés sur la santé, voire la gestion de l’environnement. Ce sont là des confidences du M. Abdoulaye Koné, un ingénieur sanitaire, ayant assuré la direction de l’ONEA, de l’assainissement et actuellement, consultant indépendant. M. Koné pense que la propreté est un moyen efficace pour combattre la maladie. « Certaines maladies ont disparu grâce à la propreté », a-t-il-dit.

Dans cette même lancée, il a ajouté qu’en Europe, les règles d’hygiène sont beaucoup plus respectées. Personne ne peut uriner sur un mur, ou cracher au hasard sur la voie, ou encore jeter un mégo de cigarette à terre. Cela n’est pas le cas au Burkina Faso, malgré la politique nationale d’assainissement, une situation que déplore M. Koné. « L’assainissement est une question de dignité et le non-assainissement se paie par la mort ! » a-t-il souligné. « Mais on ne peut forcer quelqu’un à être propre. C’est une question de persuasion et c’est pour cette raison que les Génies sanitaires travaillent de plus en plus avec les sociologues », a-t-il revélé.

Prévoir une ligne budgétaire pour l’assainissement

« Nous sommes dans un contexte de concurrence entre l’eau potable et l’assainissement sans lequel les impacts des investissements en eau potable seront faibles ». Pour justifier ces propos, M. Koné a dit que les ouvrages d’assainissement sont le plus souvent mal vus (wc, latrines...). On les cache dans un coin alors qu’ils sont plus importants dans un milieu de vie.

Cependant, M. Koné confirme que les autorités politiques aiment inaugurer les choses visibles telles que les grands bâtiments, les châteaux d’eau... tandis que le plus important, ce sont les canalisations qui sont sous terre et donc, pas visibles. « Nous nous occupons des choses qu’on ne voit pas et c’est pour ça que l’assainissement est en retard par rapport à l’eau potable et d’où tous les difficultés que rencontre le « Génie sanitaire », clame M. Koné. Celui-ci a soutenu qu’en dehors de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou, il y a pas de ligne budgétaire pour l’assainissement et tout le monde se plaint du manque de caniveaux.

« Pire encore, dans les constructions de maison, on ne songe aux latrines et fosses sceptiques qu’au dernier moment, alors que sans ça, on ne peut vivre ». Certains ont construit d’une certaine façon si bien qu’il est très difficile de pouvoir faire le vidange. M. Koné reconnaît, tout de même, que partout dans le monde, l’assainissement est venu au dernier moment. Même les grands hôtels n’échappent pas à la règle ; cependant les promotteurs de ces édifices ne sont pas enclins à faire le changement, du fait que cela demande qu’ils refassent les latrines, voire même recommencer à zéro, toutes les constructions.

Concevoir désormais des ouvrages de qualité

La technologie pour améliorer la santé de la population tient compte d’un certain nombre d’éléments. Ce sont notamment l’intégration de l’ouvrage dans l’urbanisme, la gestion urbaine, l’amélioration de la santé, la protection des ressources en eau... Des critères de sélection s’imposent. Entre autres, la densité de la population, la typologie de l’habitat, l’accès à l’eau potable, la géologie, l’environnement physique, le pouvoir épurateur de sol, etc.

Mais au-delà de tous ces éléments, M. Koné affirme qu’il faut d’abord faire l’analyse de la situation et au besoin, réaliser une étude sur la volonté de payer de la population, en vue de savoir ceux qui peuvent payer pour bénéficier d’un ouvrage (WC, latrines...). C’est seulement après cette étude qu’il faut concevoir les ouvrages en faisant de telle sorte que chacun, riche ou pauvre, ait un système d’évacuation des déchets car, si un seul n’en a pas, il peut contaminer tout le monde.

Des mesures préventives

En plus de la conception d’ouvrage de qualité, le Génie sanitaire prend en compte l’effet sociologique, la santé, l’impact sur l’environnement et toutes les conséquences qui en découlent. L’exemple du barrage d’Assouan en Egypte qui a provoqué la bilharziose chez toute la population riveraine est éloquent à ce propos. De même, avant de construire un dispensaire selon les Génies sanitaires, il faut réunir toutes les conditions (déplacement, voies praticables, accès aux médicaments) pour que la population puisse venir. A ce propos, M. Koné révèle qu’avant de mettre un ouvrage à la disposition d’une population quelconque, il faut non seulement connaître la sociologie du village mais aussi les besoins de la population. Vu sous cet angle, le Génie sanitaire est un domaine incontournable pour la science et la technique.

Mais pour faire carrière dans un tel domaine qui est une spécialisation intervenant à la fin des études supérieures, il faut avoir étudié le génie civil, la chimie, la biologie ou la santé. Du point de vue de Adama Sawadogo, stagiaire et étudiant en diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en génie sanitaire et environnement, le Génie sanitaire veille à la prise en compte des objectifs du ministère de la Santé dans les politiques d’aménagement et d’équipement et à la maîtrise des perturbations chroniques ou accidentelles des milieux de vie ou lieux d’habitation.

Entre autres, il aide les entreprises de production ou de traitement de denrées alimentaires à la mise en place d’un auto-contrôle. Dans cette démarche, le génie sanitaire oriente les pouvoirs publics à prendre en compte des mesures préventives pour protéger les consommateurs contre les produits avariés et les aliments intoxiqués, contaminés par des germes microbiens. Ces mesures préventives visent non seulement à protéger la santé humaine mais aussi celle animale. D’où les actions d’éducation sanitaire qu’assurent aisément les Génies sanitaires dans les entreprises de production d’aliments.

Le service d’hygiène public et de l’éducation n’est pas en reste. Dans cette logique le directeur dudit service, M. Yaya Ganou explique : « Pour que les unités de production répondent aux normes, nous tenons compte de leurs emplacements, des conditions d’hygiène et bien d’autres critères ». Il y a aussi le laboratoire national de santé publique qui fait des prélèvements et délivre des certificats sanitaires. M. Ganou se réjouit des décisions prises pour la sécurité des consommateurs. « D’ici là, il y aura des services d’hygiène dans toutes les municipalités. De plus, le ministère de la Santé est en train de former des techniciens supérieurs en Génie sanitaire. Quand ceux-ci seront mis à la disposition des municipalités et si chacun joue sa partition, on devra pouvoir améliorer la qualité de la santé de la population », estime-t-il.

Il a, en outre révélé que la réglementation a prévu un code d’hygiène public voté par l’Assemblée nationale et une police de l’hygiène. Une réglementation que M. Ganou salue à sa juste valeur, en ces termes : « L’hygiène c’est la vie et mieux vaut prévenir que guérir ».

Aimée Florentine KABORE (kaborette@yahoo.fr)

Sidwaya

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