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Production des manuels scolaires : L’expérience du ministère de l’éducation de base

Publié le lundi 14 août 2006 à 07h12min

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Nous avons reçu les résultats d’une recherche sur la production des manuels scolaires par le MEBA. Si cette étude fait ressortir les progrès réalisés dans l’édition, il n’en demeure pas moins qu’elle met à nu d’énormes difficultés.

Cette recherche est l’œuvre de Mme Soulama née Coulibaly Zouanso, docteur en Sciences de l’Education et attachée de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS/CNRST).

C’est maintenant un lieu commun de dire qu’après l’enseignant, le manuel scolaire est l’élément le plus important dans le processus d’enseignement et d’apprentissage.

Et pourtant, la couverture scolaire en manuels pour les élèves et en manuels - guides pour les enseignants est loin d’être satisfaisante. Les autorités ont tenté d’améliorer la situation par la création d’un service d’édition et d’impression au sein du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA), du ministère des Enseignements secondaire, Supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS) et de l’Institut national d’alphabétisation (INA) afin de répondre à leurs besoins respectifs.

Ayant choisi de poursuivre nos investigations dans le secteur primaire, nous avons donc porté notre attention sur la direction de l’édition scolaire du MEBA qui relève de l’Institut pédagogique du Burkina (IPB) et qui est devenue la Direction de la production des moyens pédagogiques (DPMP), depuis 1997. Comment ce service fonctionne-t-il ? Quelles sont ses difficultés majeures ?

Et quels sont les acquis de cette expérimentation ? Pour répondre à ces interrogations, les données disponibles dans les documents des projets éducation, les mémoires d’étudiants et études réalisées par des consultants ont été complétées par les données recueillies auprès de quelques personnes ressources de l’IPB. Ce travail décrira le fonctionnement de l’ensemble des services de la chaîne éditoriale. Il fera ensuite l’examen des difficultés de fonctionnement et, présentera enfin, les acquis de cette expérimentation.

La chaîne éditoriale du MEBA

Les problèmes d’ordre pédagogique ou culturel ont occasionné certaines adaptations au niveau des programmes de l’enseignement. Par exemple au primaire, l’enseignement de la lecture en français est passé de la méthode « Davesne » méthode dite syllabique, plus connue à travers le livre de lecture intitulé « Mamadou et Bineta » héritée de la colonisation, à la méthode « CLAD » dite globale, proposée en 1971 par le Centre de Linguistique Appliquée de Dakar, qui montra aussi ses limites. C’est alors que les réflexions portèrent sur l’adoption de la méthode mixte. Par ailleurs, le coût élevé (entre 2 500 et 3 000 F CFA) de ces manuels totalement importés fait que beaucoup de parents ne pouvaient les procurer à leurs enfants. C’est pour toutes ces raisons à la fois pédagogiques, culturelles, politiques et économiques, que la décision de produire les manuels scolaires au Burkina a été prise en 1986 dans un contexte sociopolitique particulier marqué par la volonté de « produire et consommer burkinabé ». Ainsi, la première édition du livre de lecture du CP intitulé « Lire au Burkina » a été réalisée sous la direction de l’Institut Pédagogique du Burkina. Trois structures différentes du MEBA sont impliquées dans cette politique des manuels scolaires : l’Institut Pédagogique du Burkina (lPB) est chargé de la conception des manuscrits, le Bureau des projets éducation (BPE) s’occupe du financement de la production de ces manuels et la Direction des affaires administratives et financières (DAAF) en assure la distribution. Examinons plus en détails le rôle de chacune d’elles.

Le service de l’édition a en charge la conception des manuscrits. Pour réussir sa mission, des cellules de rédacteurs ont été créées. Le contrôle de la qualité des manuscrits a été confié à un comité de lecture composé d’inspecteurs et de conseillers pédagogiques de l’enseignement primaire. Ils doivent veiller au respect du programme, de la méthode, du niveau d’étude de la classe concernée, etc. De même, une équipe de dessinateurs a été constituée pour effectuer les illustrations. Mais ceux-ci ont été tout simplement choisis parmi les enseignants doués en dessin, sans aucune formation spécialisée. C’est après la réalisation de ces différentes étapes de la production du manuel que l’on aborde la phase technique de la production, à savoir l’édition finale, la production de la maquette et l’impression. Une autre équipe est donc chargée du suivi de l’exécution de ces tâches en collaboration avec la maison d’édition étrangère qui est choisie par le Bureau des projets éducation (BPE).

Le Bureau des projets éducation (BPE)

Le Bureau des Projets éducation (BPE) gère le financement des marchés d’édition et d’impression des manuels scolaires du primaire. L’impression des manuels destinés aux élèves se fait par appels d’offres internationales afin de jouer sur la libre concurrence pour obtenir des coûts avantageux. Par contre, l’impression des manuels guides destinés aux enseignants étant moins coûteux, est réalisée au niveau local par le service de l’édition de l’IPB. Les ressources financières du Bureau des projets éducation (BPE) proviennent majoritairement de la Banque mondiale. Aussi, un fonds de l’édition a été créé par Arrêté n°28-089/MEBA/SG du 92/07/1992 dans le but d’assurer à long terme un autofinancement de la production des manuels. Ce fonds est alimenté par les produits de la vente des manuels, les frais de location, les droits d’auteurs payés au MEBA par les maisons d’édition, les subventions de l’Etat évaluées à 6% du budget annuel du MEBA, les dons, subventions et legs. Après la production des manuels, commence la phase de distribution et de commercialisation.

En 2000, au nombre des documents imprimés, l’Institut Pédagogique du Burkina comptait « 20 titres de manuels destinés aux élèves et 24 titres de manuels destinés aux enseignants » (Commission nationale de concertation sur le livre, juin 2000. Avant Projet de politique nationale du livre, p 23). La distribution de ces manuels est assurée par le Service de Gestion des Manuels Scolaires (SGMS) de la DAAF/MEBA créé en 1989. Ce service dispose d’un magasin central, de trois magasins régionaux (Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Kaya) et de deux camions pour le transport. Dans la perspective d’une plus grande décentralisation, la construction de trois autres magasins est prévue à Dédougou, Diébougou et Koupèla.

Le SGMS est aussi responsable de la collecte des fonds provenant de la vente et de la location-vente des manuels scolaires et du reversement de ces sommes au Fonds de l’Edition qui est géré par le Bureau des projets éducation (BPE).

Comme vous pouvez le constater, l’édition des manuels scolaires est un long processus dans lequel, les difficultés ne manquent pas. Quelles sont ces difficultés ?

Les difficultés de fonctionnement

Les difficultés relevées sont multiples. Comme d’autres auteurs ayant réalisé des études sur l’édition (ESOP, DUFRESNE Charles, etc.), nous ne comprenons pas cette dispersion au sein même du MEBA des services responsables de l’édition et de la distribution des manuels.

Cette organisation crée des lourdeurs administratives et des difficultés de coordination des activités qui entraînent des retards à tous les niveaux dans l’exécution des projets d’édition. Par ailleurs, pour les affectations des agents dans les services, on ne s’est pas toujours préoccupé de leur qualification par rapport aux tâches qui leur sont demandées, Par exemple, des agents ont été affectés dans les cellules de rédacteurs en tant que fonctionnaires de l’Etat, « sans considération de leurs aptitudes ni de leurs motivations ; ce qui a créé de nombreux blocages dans le fonctionnement du service ». (Commission nationale de concertation sur le livre, 2000, op. cit. p 22). Aussi, pendant la phase d’exécution du Projet Education IV (1992 - 1998), une deuxième approche a été adoptée. Il s’agit du recrutement sur test de rédacteurs privés. Ceux-ci sont sélectionnés au regard des critères prévus dans les cahiers de charge pédagogiques.

Mais en dépit des progrès enregistrés notamment dans les domaines de la motivation et même dans la formation des rédacteurs à travers les séminaires ateliers, on note toujours des insuffisances dans la réalisation des manuels. Elles sont dues à l’inexpérience des auteurs, à leur ignorance des techniques de rédaction et à la rareté des illustrateurs, graphistes et maquettistes professionnels. Pour ce qui est de la distribution des manuels, on note de nombreux retards de livraison des manuels dans les écoles à la rentrée scolaire et des problèmes de stockage des manuels dans les inspections primaires. Ceux-ci sont parfois gardés dans des conditions qui accélèrent leur détérioration avant même leur utilisation dans les classes. Des difficultés existent également au niveau de la collecte des recettes de vente et de location (vente des manuels) puisque cette tâche dans les inspections revient souvent à un enseignant et non à un gestionnaire professionnel. N’ y a-t-il pas lieu de créer un poste de comptable au niveau de chaque circonscription d’enseignement primaire ? En somme, toutes ces insuffisances constatées au niveau de la coordination des activités, de la conception et de l’édition des manuels, de la distribution et de la collecte des fonds de la vente montrent qu’on est bien loin d’une vraie « chaîne éditoriale » des manuels scolaires du primaire.

Que retenir de la politique de production des manuels ?

La politique nationale de production des manuels a permis d’adapter les contenus au nouveau programme d’enseignement, aux réalités socio-culturelles des élèves et de baisser sensiblement les coûts de production du fait qu’une partie du travail est réalisée au niveau local. Par la même occasion, le MEBA possède désormais un service d’édition et d’impression et un service de distribution des manuels. En particulier le service d’édition et d’impression dispose de l’équipement nécessaire à la fabrication d’un manuel, même s’il est encore embryonnaire pour assurer des tirages en grand nombre. Le renforcement de ces équipements est donc une priorité. Il y a aussi le fait que cette expérimentation a permis un développement progressif de compétences nationales dans le domaine de l’édition et de l’impression. Une trentaine d’agents (Commission nationale de concertation sur le livre, 2000. P 13) ont bénéficié de formations spécialisantes. Par ailleurs, le Fonds de l’Edition créé afin d’assurer le réinvestissement dans le processus d’édition et de production des manuels, des recettes de vente et de location (vente des manuels) pourrait ainsi favoriser la pérennisation de l’approvisionnement des élèves en manuels. La recherche d’une plus grande autonomie du MEBA dépendra d’un meilleur recouvrement de ces recettes.

Pour conclure, disons que c’est dans le souci de produire des manuels conformes au programme d’enseignement, en quantité suffisante et à des prix acceptables par la majorité des parents d’élèves, que le MEBA a créé un service d’édition et d’impression des manuels scolaires au sein de l’IPB.

Après vingt ans de fonctionnement, les objectifs ne sont pas totalement atteints, compte tenu des difficultés inhérentes aux différents services impliqués dans cette chaîne de production et de distribution des manuels. Néanmoins, les acquis d’ordre pédagogique, financier, matériel et professionnel ne sont pas négligeables. Pour l’avenir, il serait peut-être judicieux de renoncer au morcellement des différents services d’édition et d’impression de l’Etat et de procéder plutôt au regroupement des équipements et des ressources humaines afin de bâtir une véritable industrie nationale du livre capable de résister à la concurrence étrangère et de satisfaire à la fois les besoins en manuels de l’enseignement primaire, du secondaire et de l’Institut national d’alphabétisation (INA).

SOULAMA/COULIBALY Zouanso
Attaché de recherche
en Sciences de l’Education
INSS/CNRST
03 BP : 7047 Ouagadougou 03
Tél : 50 - 36 - 07 - 46

Sidwaya

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