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Rapport 2005 du REN-LAC : Un pessimisme grossier

Publié le jeudi 3 août 2006 à 06h50min

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Pour la sixième fois, le REN-LAC a publié son rapport 2005 sur cette année, l’état de la corruption au Burkina Faso. C’était le mercredi 26 juillet 2006.De manière générale, la conclusion qui ressort de ce rapport c’est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption qui existe bel et bien dans notre pays.

Mais au-delà de cette conclusion somme tout à fait justifiée, le REN-LAC utilise un aspect au niveau formel qui fait perdre toute crédibilité à ce rapport 2005.

Le rapport 2005 a le mérite, il faut le reconnaître, d’être le fruit d’un sondage qui a couvert l’ensemble des treize régions du Burkina Faso. Ce qui devrait être un motif de satisfaction dans la mesure où ce rapport pourrait être dans une moindre mesure l’expression de la volonté d’une partie de la population. Rappelons que le sondage a été effectué pour savoir quelle pourrait être la perception que se font les Burkinabè de la corruption dans leur pays. A en croire les responsables du REN-LAC les données recueillies ont fait l’objet d’un traitement par une équipe de vingt enquêteurs dont la compétence et la capacité ne sont pas à mettre en doute.

A ce sujet le rapport précise qu’ils ont un niveau universitaire minimal de BAC + 3 et qu’en plus ils ont été formés par le REN-LAC. Ce sondage complété par d’autres informations recueillies de part et d’autres ont permis d’élaborer le rapport de 2005 sur l’état de la corruption au Faso et d’autres facettes de celle-ci dans l’administration.

D’une manière générale, le rapport se présente en quatre points qui font ressortir : l’analyse globale des résultats du sondage, le visage de la corruption dans l’enseignement, la lutte contre la corruption en 2005 et les perspectives et enfin les recommandations.
Ainsi le rapport issu du sondage permet de constater que de par le pays, les populations s’accordent à reconnaître que le phénomène est réel.

A cela, le REN-LAC fait ressortir des tableaux récapitulatifs traduisant en fonction des régions la perception de la corruption. Aussi, il cite nommément des personnes qui se sont rendues coupables de cas de corruption. Dans les cas à ce niveau il n’y a pas à redire, le REN-LAC a fait, comme l’a dit son secrétaire exécutif, Moctar ZONOU, « son activité phare ». Mais en fait, le rapport 2005 du REN-LAC regorge en lui-même les germes de son propre discrédit.

Un rapport alarmiste en déphasage avec la réalité.

Dans son discours liminaire au lancement du rapport 2005 du REN-LAC, le secrétaire exécutif affirme que ce rapport est à l’intention des « institutions sous-régionales, inter-africaines et internationales ». Cette destination de ce rapport devait inciter ses rédacteurs à plus de rigueur et de conformité avec les autres instruments de ce genre qui sont établis au niveau international. Cela pourrait à n’en point douter renforcer la crédibilité et l’utilisation à titre de référence par d’autres institutions.

A en croire le rapport, la corruption serait la chose la mieux partagée au pays des Hommes intègres.
Pour corroborer cette situation, le rapport du REN-LAC énumère des faits qui sont de nature à confirmer l’existence de ce phénomène dans notre pays. Il serait ici prétentieux, voire irrationnel de dénier à cette assertion une véracité. Dans la mesure où il est évident, tellement évident qu’il serait de trop de consentir des moyens aussi colossaux pour aboutir à ce que tout le monde sait déjà. Du reste le Burkina Faso n’est pas le seul pays sous les tropiques à connaître ce phénomène dans son administration.

Des institutions au niveau international comme Transparency international produisent à cet effet chaque année un rapport qui classe les pays en fonction de leur niveau de corruption. Ce qui a d’ailleurs valu à cette structure sa popularité de par le monde et est aujourd’hui une référence en la matière. « Comparaison n’est pas raison », cet adage que nous pensions connu et accepté de tous semble avoir été écarté lors de l’élaboration de ce rapport. En effet, le REN-LAC comme preuve d’engagement du gouvernement à lutter contre la corruption au Burkina, exhorte ce dernier à agir comme ce qui a été fait au Bénin. Ainsi les autorités de ce pays auraient « tapé dans la fourmilière de la justice ».

Cette comparaison apparaît comme une invite au gouvernement à s’immiscer dans la justice pour sanctionner des magistrats sur la base des résultats d’un sondage faisant ressortir leur état de corrompus. Le REN-LAC a quelque peu manqué de tact dans l’élaboration de son rapport en atteste le manque d’humilité et de concordance de ses analyses. Ainsi certains faits ont été rapportés dans le rapport sans avoir pu être vérifiés par lui. Dans l’affaire du ministre Mathieu OUEDRAOGO, le Premier ministre en son temps avait annoncé la mise en place d’un organe afin d’établir des audits au sein de ce ministère pour situer par la suite les responsabilités.

En attendant les résultats et les actions du gouvernement, le REN-LAC interprète cela comme étant du laxisme. Ainsi pour nommer le président du Faso, chef de l’Etat, incarnant le pouvoir exécutif, Blaise COMPAORE, les rédacteurs du rapport n’ont utilisé aucune forme de procédure. Ainsi nous pouvons lire à la page 100 du rapport « le capitaine Blaise COMPAORE ».

Dans un document publié par la Banque mondiale il ressort ceci « la Banque mondiale a soumis 45 pays à une évaluation de leurs gestions sur la base de critères tels que la gestion macro-économique, la transparence, la corruption et la responsabilité. Avec une moyenne de 3, 8 sur 5 le Burkina a été classé 4e ». C’est-à-dire le 4e pays le moins corrompu des 45 évalués. Pour plonger ainsi dans la comparaison, appréciez par vous-même le rapport de la Banque mondiale et celui du REN-LAC.

Le manque de volonté politique ?

Le maître-mot du rapport 2005 du REN-LAC, c’est sans équivoque le manque de volonté politique du gouvernement dans la lutte contre la corruption. En cela il reprend des propos de certaines personnalités qui y ont consenti. Ainsi le présumé silence du gouvernement vis-à-vis des rapports de certaines institutions publiques intervenant dans la lutte contre la corruption.

En fait, cette interprétation se situe en aval des actions du gouvernement. Parce que si l’on se situe en amont on constate que c’est la volonté politique qui a conduit à l’institution de plusieurs institutions étatiques comme le Comité national d’éthique (CNE), la Haute autorité de coordination de lutte anti-corruption (HACLAC).

N’est-ce pas la volonté politique qui a conduit à la mise en place du REN-LAC ? Aussi n’est-ce pas cette volonté politique qui a conduit à l’adoption par le parlement d’instruments juridiques internationaux (convention des Nations-unies contre la corruption ; convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption) ?
Le rapport du REN-LAC taxe de manque de volonté politique la non-sanction par des peines sévères des cas de corruption au niveau de la justice.

Cette dernière volonté du REN-LAC ne saurait être réaliste dans la mesure où l’Etat de droit dans lequel nous sommes commande une séparation de pouvoir entre l’exécutif, le législatif et le juridictionnel. Demander au gouvernement de faire injonction à la justice, de sanctionner tel ou tel cas serait une atteinte grave à la démocratie. C’est le lieu de rappeler que la lenteur de certains dossiers soumis à la justice n’est pas un manque de volonté politique mais plutôt lié aux exigences de la procédure au niveau de la justice. Il faut reconnaître que le gouvernement a consenti beaucoup d’efforts en attestent les cas de sanctions pris en Conseil des ministres pour les cas de fraude avérés. Toute chose que reconnaît d’ailleurs le rapport du REN-LAC.

En tant que structure qui veut se positionner comme un acteur sérieux et crédible dans la lutte contre la corruption, le REN-LAC devrait plutôt faire des propositions pertinentes. Des propositions réalistes dans le sens de l’éveil du civisme des populations. Parce que quelle que soit la bonne volonté du gouvernement, la lutte contre la corruption ne saurait être menée et gagnée par le seul fait du politique.

Aussi au lieu de taxer les institutions étatiques « d’institutions créées juste pour séduire la communauté internationale », il faudrait plutôt œuvrer pour une synergie d’actions avec elles. Enfin en tant qu’institution de la société civile, la crédibilité ne se trouve pas forcément dans le dénigrement des efforts du gouvernement, elle peut se trouver aussi dans la reconnaissance et l’accompagnement des efforts de ce dernier.

Par S. Daouda (stagiaire)

L’Opinion

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