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Accident de l’avion présidentiel à Garango : A quand la fin du calvaire pour les ayants droit ?

Publié le mercredi 12 juillet 2006 à 07h04min

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Jeudi 29 mai 1986. Il est 10h, les membres du CNR (Conseil national de la révolution), au grand complet sont accueillis en grandes pompes sur la piste d’atterrissage de Garango, bourgade coincée entre Tenkodogo et Béguédo, à 22 km de Komtoèga.

Et comme pour satisfaire à un rite obligé, tout le monde a le poing levé et scande des slogans révolutionnaires. Subitement, cette liesse populaire se transforma en spectacle d’horreur et de consternation avec l’accident d’un avion. Le décompte macabre est sans appel : 22 morts sur-le-champ, et plusieurs blessés. 20 ans après ce drame, les ayants droit et les blessés n’ont pas encore été dédommagés, même si la promesse leur avait été faite par les autorités de l’époque.

Aujourd’hui, est en train de s’instaurer un véritable dialogue de sourds entre le délégué provincial du Médiateur du Faso basé à Tenkodogo, et les ayants droit.

C’est une pluie bienfaisante qui nous a accompagné ce 5 juillet 2006 jusqu’à Garango. Le visiteur qui arrive dans cette commune rurale de 30 000 âmes est d’abord frappé par le nombre croissant de somptueux bâtiments en construction.

Le marché grouille de monde. Les étales croulent à ce moment-là sous le poinds des légumes verts et, surtout, les arachides fraîches. Mais là n’est pas notre propos. Ce qui nous préoccupe ici, c’est cette rencontre initiée par le Naba Koom de Garango en vue de mieux expliquer le contenu de la lettre que le délégué provincial a adressée aux ayants droit des victimes de l’accident de 1986.

D’entrée de jeu, c’est le chef coutumier qui prend la parole pour lire à haute voix ladite correspondance. Que dit cette note d’information ? Le représentant du Médiateur du Faso dit « disposer désormais d’informations fondamentales sur l’accident... » Aussi, « ces informations, de par leur nature, sont susceptibles d’amener le Médiateur du Faso à reconsidérer les termes de la lettre n°-2006-01/Média-FA/SG/D.ESC portant clôture du dossier n°-03-0084/AESC/OS/OA. » « En vue d’un traitement global du dossier, il est cependant souhaitable que toutes les réclamations soient diligentées et déposées auprès du délégué provincial du Médiateur du Faso ».

Cette dernière phrase est diversement interprétée.

Pour les blessés et les ayants droit, ce n’est ni plus ni moins qu’une reconstitution du dossier.

Or, dans la lettre datée du 23 janvier 2006, et signée du Médiateur du Faso, on pouvait lire : « N’ayant pas constaté de dysfonctionnement au sens de l’article 11 de la Loi organique n°22/94/ADP du 17 mai 1994 portant institution d’un Médiateur du Faso, je vous informe de la clôture de votre dossier de réclamation, au niveau de mes services, pour défaut de base légale. » Pour les rescapés, il n’est pas question de reconstituer quoi que ce soit. Ils vont même jusqu’à parler de "sabotage" du travail abattu depuis 3 ans par leur défenseur, en la personne M. Zacharie Sorgho, agent d’affaires judiciaires de son état.

M. Sorgho, qui était de la rencontre, tente une explication. Il s’en est suivi une empoignade verbale entre lui et le chef.

Vous défendez à quel titre ? "Etes-vous avocat ? Ce n’est pas parce qu’on a fait des études en médecine qu’on peut forcément soigner", lance le chef.

Les esprits étaient, à la limite, surchauffés. Après 2 heures de discussion, les protagonistes ne sont pas parvenus à un accord. C’est ainsi que les blessés et ayants droit se sont retirés, accompagnés de leur défenseur pour se concerter.

Au cours de ce "huis clos", a été unanimement désapprouvée la démarche du chef. De sources généralement bien informées, le Naba Koom serait, aujourd’hui, pris entre deux feux particulièrement nourris. D’un côté, il y a le groupe des ayants droit, pour qui seul l’agent d’affaires est habilité à défendre leur cause. Ils ajoutent même que c’est leur lettre ouverte adressée au chef de l’Etat et publiée dans nos colonnes du quotidien ("Le pays" N°3646 du 20/06/06) qui est en train de porter fruit, et qu’il faut continuer la lutte.

De l’autre, le délégué provincial du Médiateur du Faso qui demande au chef d’user de son poids coutumier pour convaincre ces ayants droit de l’illégalité des démarches jusque-là entreprises. En tout cas, à écouter certains survivants du drame, qui en portent encore les séquelles encore, leur cas est sérieux pour être pris à légère. Beaucoup parmi eux, éprouvent encore, 2 décennies après, les douleurs d’un traitement de choc. Ce sont au total 6 personnes, vu la gravité de leur cas, qui ont été évacuées à l’extérieur (4 en Algérie, 2 en Libye). 1 des 2 évacuées en Libye est mort à Tripoli. Le second est décédé quelques années après, alors qu’il ne jouissait plus de ses facultés mentales.

Nous avons également rencontré au secteur 1 de Tenkodogo, quartier Goumissi, la veuve de Yamba Robert Amga, le policier qui, le jour de l’accident, a tenté de ramener un écolier imprudent dans les rangs et aurait été heurté par l’aile droite de l’avion.

Selon Mme Amga, née Billa, au décès de son mari, celui-ci avait 6 épouses, dont 2 concubines. Le nombre de ses enfants est de 25. Parlant de la pension de son mari, elle affirme avoir touché 50 000 F CFA pour la première fois, ensuite 20 000 F CFA. Depuis, la pension qu’elle perçoit est de 13 000 F CFA tous les 3 mois. Dolotière, elle passe son temps entre l’église et son lieu de travail. « Au départ, on a pensé que j’allais me suicider. Je n’ai pas pu identifier mon mari, ce n’était que des morceaux de chair qu’on nous a montrés" (elle commence à verser des larmes).

Quant au fameux écolier imprudent, devenu aujourd’hui enseignant à Fada, nous avons, sans succès, tenté de le joindre.

Aux dernières nouvelles, et à en croire le représentant des ayants droit des victimes, qui nous a joint au téléphone, le délégué provincial du Médiateur est venu à Garango le 6 juillet dernier les supplier de choisir 5 représentants pour la constitution du dossier.

Tous lui auraient opposé un niet catégorique.


Témoignages de quelques rescapés

Jérôme Bambara (atteint de surdi-mutité du fait de l’accident) :

"Le 29 mai 1986, j’étais à l’aviation comme tout le monde. J’avais garé ma mobylette "3 vitesses" juste à côté de la foule. Au moment où l’aile de l’appareil heurtait le policier, j’ai tenté de me frayer un passage. C’est à ce moment que j’ai été atteint. Je me suis évanoui. Et lorsque j’ai repris connaissance, c’est Sankara (NDLR : le défunt président Thomas Sankara) que j’ai vu en train de me devêtir car tous mes vêtements étaient ensanglantés."

Salif Billa :
"Ce jour-là, j’étais avec un ami. Je m’en suis tiré avec une cuisse fracturée. Mais mon ami a été tué sur le coup et a été complètement défiguré."

Souleymane Zaré n°2, dit Alger :

"Quand nous avons été évacués à Ouaga, à la date du 29 mai, nous n’avons pas été soignés ce jour-là, car les infirmiers étaient en grève. Avant notre départ pour Alger, Thomas Sankara et Blaise Compaoré sont venus à 2 reprises nous rendre visite."

Vieux Lingani (l’oncle du capitaine Jean-Baptiste Lingani) :

"Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo, Pierre Ouédraogo étaient là pour présenter leurs condoléances à notre famille après la mort brutale de mon frère. Leur ami Jean-Baptiste Lingani les avait devancés la veille. C’est donc au moment de repartir que le drame est survenu."

Sorgho Zacharie (agent d’affaires judiciaires et défenseur des victimes) :

"Très souvent, les gens confondent agent d’affaires et homme d’affaires. Un agent d’affaires est un défenseur légalement reconnu. La seule différence avec un avocat, c’est qu’il n’est pas inscrit au barreau. J’ai obtenu l’arrêté ministériel autorisant à exercer ce métier depuis 1996."

Propos recueillis par Ben Ahmed Nabaloum

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 12 juillet 2006 à 12:55 En réponse à : > Accident de l’avion présidentiel à Garango : A quand la fin du calvaire pour les ayants droit ?

    Et comme pour satisfaire à un rite obligé, tout le monde a le poing levé et scande des slogans révolutionnaires.
    JE RELEVE CETTE PHRASE POUR VOUS DIRE SIMPLEMENT QUE JE ne LA COMPRENDS PAS est-ce de l’ironie et pourquoi ou c’est sacrifier au traditionnel jet de pierre a tout ce qui a trait a l’époque revolutionnaire ?

    mais là n’est pas mon propos principal, c’est de dire que c’est difficile de comprendre comment un tel dossier ait pu trainer depuis si longtemps et qu’ont fait les ayant droit et pire pourquoi un avocat dument patentés ne s’st pas occupé de ce dossier d’autant plus que l’on sait que ce sont surtout des paysans sans moyen. Il apparait que les autorités de l’époque n’avait pas fait mystere quant a leurs responsabilités et comment cela a-t-il pu tant duré ? Et maintenant c’est une gueurre pour savoir qui va s’en occuper ? Et les journalistes n’etaient-ils pas au courant ? C’est pas clair tout ca.
    mahdou

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