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Dépistage du VIH : Il faut revoir les stratégies de sensibilisation

Publié le samedi 8 juillet 2006 à 09h49min

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Avec plus de quatre cent associations et personnes morales diverses intervenant dans la lutte contre le VIH/Sida, le Burkina Faso est l’un des pays où la conscience d’un front commun contre cette pandémie est la plus visible et la mieux élaborée.

Bien sûr, il y a l’altruisme et le souci du devenir collectif qui entrent en ligne de compte mais pour certains intervenants, il y a aussi l’argent.

Moyennant donc des ressources, des degrés d’engagement et des disponibilités intellectuelles disparates, la lutte contre le Sida agrémente le paysage médiatique d’initiatives certes, menées de bon cœur, mais dont la pertinence n’est pas toujours évidente pour le public cible qui est visé. Le résultat est que la lutte contre la pandémie qui devrait avancer à la vitesse grand V à cause de la multiplicité des associations qui y sont impliquées avance plutôt à la sinistre petite vitesse d’un corbillard.

En effet, les stratégies de sensibilisation ne sont pas convergentes et tout se passe comme si chacun de son côté concoctait un message de son cru puis le balançait dans les médias sans autre forme de procès. C’est toujours une dépense de justifiée pourrait-on penser.

Le mal est pourtant une réalité et la nécessité d’en faire un objet de préoccupation pour toute la population demeurera vivace tant que perdurera le phénomène. On ne peut donc, face à de tels enjeux et à une telle urgence, tolérer des tire-ailleurs, même par inadvertance, parmi ceux qui ont en charge l’éducation et la sensibilisation de leurs concitoyens.

Il faut revoir les différentes stratégies de sensibilisation en cours sur le Sida et, si cela n’est pas encore fait, regrouper la totalité des initiatives sous la supervision d’un seul coordonnateur qui se dotera au préalable d’un comité d’éthique soigneusement composé. En effet, certains messages supposés lutter contre le Sida sont au bout du compte une invite à la sexualité la plus débridée à une seule condition ; porter la capote. D’autres messages, eux, sont si neutres et si inexpressifs qu’en fait, ils ne servent strictement à rien. Prenons deux exemples très simples.

Irréalisme et absurde sont trop constants dans nombre d’initiatives contre le Sida

Un spot radiophonique qui fait enrager nombre de citadins est conçu à peu près de cette manière. "On entend retentir une sonnerie de téléphone. Quelqu’un décroche et une voix de femme dit : Allô ! Aussitôt une voix d’homme réplique".

- C’est toi mon amour ? As-tu reçu mon message ?

(la voix de femme répond)

- Oui, je m’apprêtais même à te répondre. Si c’est pour notre sortie de ce soir, il n’y a pas de problème à condition que tu mettes une capote.

(la voix masculine réplique alors)

- Moi utiliser une capote ? tu ne m’as pas regardé ?

(l’interlocutrice raccroche et son correspondant rappelle)

- Chérie, je n’ai pas eu le temps de parler et tu raccroches. Si c’est pour la capote, je suis d’accord avec toi à 200 %...

A écouter ce spot on a tout de suite l’impression que tout rapport entre homme et femme se résume à une vile affaire de fornication, l’essentiel étant de porter une capote. Il faut d’abord savoir que la capote elle-même a un taux d’échec de 17 % et que donc techniquement il y a 17 % de risque d’attraper le Sida même dans des rapports dits protégés. Ensuite, un tel message sera diversement interprété selon les couches sociales. Si, pour des adultes, le problème des dépassements ne se pose pas en revanche pour de jeunes adolescents immatures d’esprit et en pleine phase d’éclosion sexuelle, c’est à la limite une autorisation officielle à la débauche portée à bout de bras par la sacro-sainte capote.

Il faut être plus subtil que cela et il y a donc lieu de concevoir les messages en gardant en mémoire les caractéristiques des groupes cibles et en analysant au préalable les possibilités d’interaction avec d’autres acteurs qui seront touchés au passage.

Autrement, la vulgarité et la platitude qui caractérisent certaines formes de sensibilisation constituent le moyen le plus sûr de rendre celles-ci inopérantes. Un second exemple peut être celui de ce grand panneau sur lequel on voit un jeune éphèbe qui déclare : "Faites votre test". Ici également, ce panneau n’a aucun sens. Il eût été plus parlant si en lieu et place d’une photo et d’une banale invite, il énumérait les adresses complètes de certains endroits où un tel dépistage est possible et à quelle condition. Ce message n’étant couplé avec rien de concret et de tangible, personne ne peut se sentir interpellé pour cause d’extrême neutralité.

Beaucoup de chemin reste à faire et il faut espérer qu’une révision des méthodes d’acquisition des objectifs rendra la lutte contre le Sida, plus vivante, plus percutante et mieux en conformité avec la réalité.

Luc NANA

L’Hebdo

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