Abedi Pélé et la Coupe du Monde : "On veut retirer une place à l’Afrique"
L’ancien international footballeur ghanéen, Ayew Abedi Pelé est un homme qu’on ne présente plus au public sportif burkinabè. Présent à Ouagadougou pour un séjour de 72 heures, nous avons pu échanger avec lui sur certaines questions du football, avant son retour sur l’Allemagne où il doit suivre la finale de la Coupe du monde.
Le Pays : Que devient Ayew Abedi Pelé aujourd’hui ?
Ayew Abedi Palé : Je mène plusieurs activités dans le milieu du football. Depuis sept ans maintenant, je suis le 2e vice président du Comité de campagne de l’Afrique du Sud pour la coupe du monde 2010, que nous avons obtenue avec beaucoup de bonheur pour notre continent. J’ai créé une école de football à Accra, le FC Nania qui fonctionne très bien. Au sein de la FIFA, je suis aux côtés du président Sepp Blatter et j’ai été nommé avec les anciens footballeurs Pelé, Beckenbauer et Eusebio, ambassadeurs de la FIFA pour la lutte contre le racisme dans le football.
Peut-on connaître les raisons de votre séjour au Burkina ?
Cela fait près de quatorze ans maintenant que je viens régulièrement au Burkina, parce que j’y ai un ami avec lequel je m’entends très bien. Nous partageons beaucoup de choses ensemble dans les domaines politique, sportif, économique, social. Je n’aime pas trop parler de mon ami qui est un chef d’Etat.
Vous avez sans doute des projets avec lui...
Notre projet, c’est la vraie amitié où le matériel ne prend pas le dessus. Nous sommes deux amis qui s’apprécient mutuellement.
Qu’est ce que vous projettez faire pour le Burkina ?
Le domaine que je maîtrise le mieux, c’est le football. Et comme mon ami adore le football, je crois qu’un jour, nous allons faire quelque chose de bien au Burkina.
Les bruits de Ouagadougou vous annonçaient comme l’entraîneur des Etalons. Pourquoi cela n’a pas marché ?
Rires ! Non non, ce n’était pas vrai. Je ne veux pas gâter cette amitié que j’entretiens avec mon ami et le peuple burkinabè qui m’apprécie. Je ne veux pas m’engager dans une situation qui peut avoir des répercussions négatives sur mes relations avec les Burkinabè.
Quelle appréciation faites vous de cette coupe du monde qui s’achemine vers la fin en Allemagne ?
Il faut rappeler que la Coupe du monde 2002 au Japon et en Corée a été fantastique. La FIFA a toujours voulu placer le barre très haut et c’est ce qui explique qu’en Allemagne, nous avons une coupe du monde où les stades sont pleins et il y a du football spectacle. C’est ce que nous recherchons. Vous avez par exemple suivi le match d’hier entre l’Allemagne et Italie (NDLR : l’entretien a eu lieu le lendemain de cette demi-finale) où il y avait le suspense du début à la fin. Il en fut de même pour Allemagne # Argentine. Je crois qu’il faut dire merci au président de la FIFA, Sepp Blatter, qui fait beaucoup pour le développement du football.
A cette coupe du monde, j’ai beaucoup apprécié les équipes africaines. Nos équipes ont bien joué et produit un football complet. Il y a une vingtaine d’années, les équipes étaient battues sur des scores fleuves mais aujourd’hui, avant que la France ne batte une équipe comme le Togo, elle doit sortir ses tripes. Tout cela est à mettre à l’actif du président Blatter, qui a mis en place le projet Goal dont l’objectif vise à la formation des talents et permet aux fédérations d’être un peu plus indépendantes dans leur fonctionnement. On constate actuellement qu’il y a un certain nivellement en matière de fonctionnement des fédérations sportives entre l’Amérique du Sud, l’Europe et l’Afrique. Dans les années à venir et surtout dans quatre ans, en Afrique du Sud, il faudra compter avec le continent africain.
Si vous êtes satisfait des équipes africaines, les Africains sont pour la plupart déçus du comportement de leurs équipes.
Les gens sont déçus, parce qu’ils ne comprennent pas le mécanisme du football mondial. Je le dis, puisqu’aujourd’hui, nous avons un challenge vis-à-vis de l’Asie et de la CONCACAF et non de l’Europe et de l’Amérique du Sud. Il y a quelques années, l’Asie et la CONCACAF étaient derrière l’Afrique mais maintenant, ils ont atteint notre niveau et même qu’ils sont devant nous au niveau de la formation. Au sein de la FIFA, il y a un débat qui veut qu’on retire une place à l’Afrique au bénéfice de la CONCACAF ou de l’Asie. Nous discutons très fort à la FIFA sur ce sujet et à cette coupe du monde, aucune équipe de ces deux confédérations n’a pu franchir le cap du premier tour. Sepp Blatter s’est félicité du comportement des Africains qui ont réussi à travers le Ghana, à être au deuxième tour. Ce débat va être rangé au placard pendant encore un bout de temps.
Comment avez-vous trouvé votre pays le Ghana à cette coupe du monde ?
Le Ghana a fait un très bon match face à l’Italie même s’il a raté de nombreuses occasions de buts. L’équipe a fait un bon résultat malgré la défaite (0 à 2) quand on voit le niveau auquel l’Italie se trouve à ce stade de la compétition. Les Black stars ont aussi joué contre le n°2 mondial, la République Tchèque et les Etats-Unis qui ont toutes été battues. Au deuxième tour, nous sommes tombés face au Brésil qui a produit un football pas comme celui que nous connaissons. Le Ghana a eu plus de possessions de balle mais à la fin, trois occasions pour le Brésil et trois buts. Mais il faut souligner que l’équipe a permis au peuple Ghanéen de vivre des moments de bonheur et beaucoup de choses ont changé.
Qu’est ce qui manque à l’Afrique pour être parmi les meilleures équipes au monde ?
C’est l’argent et la formation des jeunes. Aux Etats-Unis, le football est classé pratiquement comme l’une des dernières disciplines parmi les plus populaires. Mais avec les moyens qu’ils ont et le travail qui s’y fait, le football de ce pays est en net progrès. Notre continent est par contre confronté à des difficultés tels que les conflits, la pauvreté et cela ne nous aide pas à mieux développer notre potentiel non seulement en football mais dans tous les domaines. J’insiste beaucoup sur la formation des jeunes et à ce niveau les Français sont les meilleurs. Les résultats l’attestent aujourd’hui.
Où en êtes vous avec vos ambitions d’être entraîneur de l’équipe du Ghana et président de la fédération ?
Ces projets demeurent toujours. Ce sont les dirigeants du football ghanéen qui veulent que je m’occupe de la sélection nationale mais, pour l’instant, je n’ai pas accepté. J’attends le bon moment pour faire le bon choix, parce qu’avec nous les Africains, il faut être sûr de ce que vous voulez entreprendre. Présentement, cela ne m’arrange pas, puisque je m’occupe de beaucoup de choses à la FIFA et j’ai aussi mon école de football. D’ailleurs, les présidents sud-africains Nelson Mandela, et Thabo M’Béki et des responsables du comité d’organisation Sud africain dont moi-même, allons recevoir officiellement de la FIFA ce vendredi 7 juillet 2006 à Berlin, le mandat de l’organisation de la coupe du monde 2010. Il y a tellement de choses à faire, que je dois faire attention aux décisions à prendre et ne pas faire de faute. Il en est de même pour mes ambitions de briguer la présidence de la fédération ghanéenne de football. Ce sont des projets qui font partie de ma vie.
Vos relations avec les premiers responsables de la CAF étaient tendues, qu’en est-il aujourd’hui ?
Il est vrai que ce fut à un moment, des relations très tendues et on ne s’entendait pas du tout, parce que j’ai soutenu Sepp Blatter contre Issa Hayatou pour la présidence de la FIFA. Aujourd’hui, le président Issa Hayatou et moi, nous nous appelons régulièrement. Je l’ai rencontré en Allemagne et il a suivi et soutenu le Ghana jusqu’au bout. Tout va pour le mieux dans nos relations présentement.
Propos recueillis pas Antoine BATTIONO
Le Pays