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Médicaments contrefaits : La mort est dans le médicament

Publié le mardi 4 juillet 2006 à 07h43min

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Les médicaments soignent. Contrefaits, ils peuvent aussi tuer. Les industries de contrefaçons, guidées par des objectifs financiers assassinent des milliers de personnes à travers le monde. En payant ces médicaments, on paie souvent la mort.

La contrefaçon médicamenteuse vient encore de frapper. Cette fois-ci en Birmanie, où un homme de 23 ans atteint de paludisme, est mort, tout simplement parce qu’il avait pris un faux médicament. Ce dernier ne contenait que 20 % de l’artémisinine annoncée.

Paul Newton, de l’Université d’Oxford au Royaume Uni, a enquêté sur cette mort. « Il a reçu un faux comprimé d’artésunate copie de ceux fabriqués par le laboratoire chinois Guilin. Après l’avoir absorbé, il a plongé dans le coma puis est décédé ».« Des médicaments contrefaits continuent de circuler à grande échelle en Asie du Sud-Est », poursuit-il.

Pour l’heure dans cette partie du monde en tous les cas, (ndlr) - seuls les comprimés du laboratoire Guilin semblent l’objet de contrefaçons. Mais étant donné la faiblesse des systèmes de contrôle, l’artésunate contrefait risque encore de gagner du terrain ».Un constat confirmé par les chiffres. D’après une étude récente publiée par The Lancet, jusqu’à 40 % des produits supposés contenir de l’artésunate ne contiendraient pas de principe actif et n’auraient donc aucun effet thérapeutique ! Or l’artésunate, c’est le meilleur médicament disponible aujourd’hui contre le paludisme chimiorésistant.

Médicaments contrefaits : l’épidémie silencieuse

Près de 400 000 morts depuis 2001 en Chine, trente morts au Cambodge en 1999, 2 500 morts au Niger en 1995... Ce sont les rares chiffres connus, la partie visible de l’iceberg constitué des victimes des médicaments contrefaits ! Chaque année dans le monde, des centaines des femmes, d’hommes et d’enfants sont victimes de ce marché fondé sur la tromperie. Une industrie meurtrière qui touche particulièrement les pays en développement. Mais le monde riche n’est pas épargné. En 2004, près de 900 000 produits pharmaceutiques contrefaits auraient été saisis dans l’Union européenne !

Pour l’OMS, un médicament contrefait est un « produit dont la composition et les principes actifs ne répondent pas aux normes scientifiques. Il est, par conséquent, inefficace et souvent dangereux pour le patient ». Or, la contrefaçon prend des formes très diverses. Et elle peut concerner aussi bien des produits de marque que des produits génériques.

On peut résumer les principales formes de contrefaçons de la sorte : il peut s’agir de médicaments contenant les principes actifs authentiques du produit initial, mais avec un emballage imité ou sans emballage du tout. Le stockage en vrac de ces médicaments est une pratique répandue mais dangereuse. Un conditionnement de qualité est en effet essentiel à la protection du médicament contre la chaleur, l’humidité, le soleil...

Il arrive parfois aussi que la copie renferme bien les principes actifs requis, mais en quantité insuffisante par rapport à la version originale. Ou qu’elle renferme d’autres principes actifs que ceux présents du vrai médicament. Une porte ouverte à tous les abus. Il arrive enfin que le produit contrefait ne renferme aucun principe actif. Une sorte de placebo qui se pare du nom d’un vrai médicament. Cela peut entraîner des ravages, s’il est employé pour traiter des maladies potentiellement mortelles comme le paludisme, la tuberculose ou l’infection à VIH-Sida.

Une industrie assassine en plein essor !

Un médicament sur dix vendu dans le monde serait un faux. D’après une étude de la Food and Drug Administration (la FDA) américaine, les médicaments contrefaits représenteraient plus de 10 % du marché mondial. Soit 32 milliards de dollars de bénéfices par an ! Et ce n’est pas près de s’arrêter. Selon la Fédération internationale des industries du médicament, le trafic de médicaments serait 25 fois plus rentable que le commerce de l’héroïne et 5 fois plus que celui des cigarettes ! Pommades, collyres, sirop, comprimés, tout y passe.

La contrefaçon est une entreprise très lucrative, qui ne demande pas de logistique importante. Pas besoin de grands établissements. On peut produire de faux médicaments à des coûts peu élevés. Souvent, il suffit d’un simple entrepôt désaffecté ou même d’une arrière-boutique pour se lancer dans la fabrication artisanale de ces copies. Et d’après l’OMS, des contrefacteurs ont même été découverts en plein travail, à l’ombre d’un arbre en Afrique ! La vente, elle, se fait dans les marchés et à la sauvette au bord des routes.

Avec la mondialisation, ce marché très juteux est en pleine expansion. Même dans les pays riches où l’Internet a permis aux contrebandiers de reprendre du poil de la bête. Les corticoïdes, anti-inflammatoires et autres Viagra se vendent le plus souvent sur la toile, sans aucun contrôle médical. Idem pour de nombreux produits de phytothérapie importés d’Asie. L’OMS estime d’ailleurs que 40 % des médicaments contrefaits sont écoulés dans les pays développés.

Quarante pour-cent, cela signifie que les 60 % restants concernent les pays pauvres ! Lesquels ne disposent pas de contrôles fiables aux frontières, capables d’endiguer ce trafic. Les spécialistes estiment que jusqu’à 50 % - voire plus - des médicaments consommés dans certains pays en développement sont contrefaits.

Surtout en Asie et en Afrique. Au Nigeria par exemple, sur 10 médicaments vendus, 6 ne seraient pas homologués. Idem en Guinée, où plus de 60 % des médicaments commercialisés seraient issus de la contrefaçon.

C’est dire toute l’ampleur du problème dans des pays où les réglementations pharmaceutiques ne sont pas assez strictes et l’approvisionnement en médicaments de base, insuffisante et surtout hors de prix, pour une grande partie de la population. Le fait que les médicaments soient payants même à l’hôpital, encourage les marchés parallèles.

L’Afrique noire est sérieusement touchée par ce phénomène. Pourquoi ? Parce que l’Afrique a été frappée de plein fouet par une série de cataclysmes sociaux et économiques. La pandémie de VIH/Sida a décimé les forces vives du continent. Des guerres civiles ou transfrontalières ont dévasté plusieurs pays. La dévaluation du franc CFA a renchéri tous les produits d’importation. Sur ce terrain fragilisé, la fraude a prospéré. Aujourd’hui, le continent africain est en quelque sorte la terre d’élection de faussaires venus du monde entier. Du Sud-Est asiatique, d’Amérique latine, d’Inde et de certaines républiques de l’Est européen.

Mais d’autres régions du monde sont concernées par ce fléau. Au Liban par exemple, il n’est pas rare de saisir des produits pharmaceutiques contrefaits en provenance d’Egypte, d’Irak ou du Pakistan. Notamment de l’insuline et des pilules contraceptives qui parfois, ne contiennent que du talc. Ou encore des conteneurs entiers remplis de faux Viagra affichant au mieux 10 % du dosage normal en sildenafil (le principe actif), mais le plus souvent zéro pour-cent.

Le faux Viagra justement, on le retrouve également au Maghreb. En Algérie et au Maroc, il inonde les fameux « souk al fellah », littéralement les « marchés du paysan ». Des souks « fourre-tout », où l’on vend aussi bien des ailes de voitures, du carburant, des produits électroménagers que des médicaments contrefaits ou de contrabande.

Selon Faouzi Mohamed, président du corps syndical des pharmaciens d’Oujda, au Nord-Est du Maroc, à la frontière avec l’Algérie, « on trouve un mélange de produits qui provient soit d’Espagne, soit des pays de l’Est, de la Libye, d’Egypte. Je vous donne à titre d’exemple le Viagra qui est connu à l’échelle mondiale. Ici on trouve le Vegra et non pas le Viagra. Ils jouent sur le nom. Et si on prend en compte tous les produits, on trouve une cinquantaine de spécialités. Comme par exemple quelques médicaments neuroleptiques comme le Klonopin, des produits antiseptiques, quelques produits anti-inflammatoires ».

Rassemblés par Boureima SANGA (bsanga2003@yahoo.fr)

Source : Programme Média Afrique

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