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Accident d’un avion présidentiel à Garango : Des victimes attendent toujours réparation

Publié le mardi 20 juin 2006 à 07h26min

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En mai 1986, deux têtes fortes du Conseil national de la révolution, (CNR) les capitaines Thomas Sankara et Blaise Compaoré, étaient en tournée à Garango. Malheureusement, celle-ci a été marquée par des décès et des blessés causés par l’un des avions.

Vingt ans plus tard, des victimes et des blessés de cet accident d’avion attendent toujours d’être dédommagés. C’est ce qu’ils font savoir à travers cette lettre ouverte adressée au président du Faso, l’un des occupants de l’avion à l’origine du drame.

A travers cet écrit, les soussignés, agissant au nom de l’ensemble des victimes, entendent, d’une part, prendre à témoin l’opinion publique, et d’autre part, susciter la réaction des autorités du Burkina Faso.

S’il est incontestable que dans le processus d’érection d’un Etat de droit, les efforts du Burkina Faso sont visibles et palpables, il faut reconnaître que certaines situations sont quand même de nature à remettre perpétuellement en cause les acquis engrangés : sont de celles-là, l’attitude des autorités du Burkina Faso, leur abstention, leur silence coupable face au sort des victimes de la tragédie survenue à Garango le 29 mai 1986.

Les faits qui sont relatés ici découlent d’un fait pouvant être classé dans la catégorie des accidents entrant dans le cours normal des choses. Sous cet angle, il s’agit d’un fait normal pouvant être compris. Seulement, la gestion qui a suivi cet accident peut moins l’être. La gestion des conséquences de cet accident par les autorités a été incroyablement défaillante et absolument inacceptable dans un Etat qui se veut de droit comme le Burkina Faso. De quoi s’agit-il ?

En rappel des faits, le 29 mai 1986, une délégation présidentielle conduite par feu le président Thomas Sankara devait effectuer une tournée à Garango, et la population avait été invitée à sortir massivement pour lui réserver un accueil chaleureux.

Beaucoup d’entre nous répondirent à cet appel et firent le déplacement à l’aéroport de Garango, où malheureusement un accident tragique d’un des deux avions de la délégation présidentielle survint, occasionnant de nombreux morts et des blessés.

Et un écolier essaya de traverser la piste

Le procès-verbal établi par la Brigade territoriale de gendarmerie de Garango, reconstituant et matérialisant les faits, les relate en ces termes : "selon les renseignements, il s’agirait de deux avions monomoteurs qui avaient à leur bord, feu le président Thomas Sankara et le capitaine Blaise Compaoré, qui sont venus à Garango le 29 mai 1986.

Lorsque ces autorités ont pris congé de la population de Garango, les deux appareils, avant leur décollage, circuleraient l’un après l’autre sur la piste. Le premier appareil dans lequel se trouvait feu le président Thomas Sankara aurait pris son envol sans faute. Quant au deuxième, à bord duquel se trouvait le capitaine Blaise Compaoré, son aile aurait heurté Abga Yamba Robert, un garde républicain qui tentait de ramener dans les rangs un écolier imprudent. Cet écolier aurait quitté ses camarades pour traverser la piste. Ce heurt aurait dévié l’appareil dans la foule, ce qui a occasionné des morts et des blessés..."

Au cours de cet accident, certaines personnes trouvèrent la mort sur place. Celles qui eurent la chance, comme nous d’échapper à la mort furent très gravement blessées.

Suite au sinistre, le gouvernement à l’époque nous avait scindés en deux groupes répartis entre Ouagadougou et Alger où nous avons reçu les soins primaires, puis au Centre médical de Tenkodogo durant un mois, et ensuite nous fûmes ramenés à nos familles respectives.

Attente vaine

Les autorités nous avaient alors signifié que nous serions ultérieurement dédommagés.

En 1994, nous avons été convoqués à la gendarmerie de Garango, où il nous a été demandé de proposer des montants pour une indemnisation que l’Etat se proposait de nous verser.

Nous proposâmes chacun un montant, et promesse nous fut faite que nous recevrions paiement à la fin du trimestre.

Nous attendîmes vainement jusqu’en 1996, date à laquelle nous fûmes de nouveau convoqués à la préfecture de Garango pour entendre le préfet de l’époque nous dire qu’il ne pouvait pas résoudre notre problème.

Ensuite, dans le cadre de la journée nationale du pardon, nous fûmes convoqués, et de nouvelles promesses nous furent faites, promesses non suivies d’effet. Et depuis, plus rien.

De nos jours, outre ceux qui ont trouvé la mort sur place, beaucoup d’entre nous sont morts de leurs blessures occasionnées par l’accident causé par l’avion de la délégation présidentielle, et les survivants portent encore dans leur chair les séquelles de cette terrible tragédie.

Face au silence et à la démission de l’administration locale de Garango face à notre problème, nous nous sommes d’abord adressés au Médiateur du Faso et au ministre des Finances sans succès. L’argumentaire développé par certaines autorités approchées tend à considérer notre requête à fin d’indemnisation comme irrecevable pour les raisons suivantes :

l’Etat a organisé des obsèques à Garango en mémoire des victimes décédées,

un monument a été érigé en mémoire des victimes au lieu de l’accident,

une contribution financière en guise d’aide a été remise aux parents des victimes.

Mais cet argumentaire est inopérant pour deux raisons :

les enveloppes qui avaient été remises aux parents des victimes décédées l’avaient été

dans le but d’aider à organiser les funérailles des défunts, et promesse leur avait été faite que l’Etat procéderait par la suite à des indemnisations conséquentes, une fois que ses services auraient fait le point. Pour les victimes blessées, il s’agissait de faire face aux soins primaires.

les victimes en acceptant les enveloppes remises à l’époque ne pouvaient les considérer comme des indemnisations ni du point de vue de leurs montants qui étaient dérisoires (autour de 5000 F CFA pour chaque victime), ni du point de vue de leur fondement parce que l’indemnisation en cette matière est d’abord et surtout transactionnelle, donc contractuelle et ne pouvait pas relever en principe de la seule volonté des autorités.

De nos jours, certaines familles ne peuvent plus joindre les deux bouts parce que leur seul "pilier" a disparu lors de l’accident. De même, certaines victimes blessées sont handicapées à vie et ne peuvent plus travailler pour subvenir elles-mêmes à leurs besoins.

Toutes les victimes ont été meurtries soit dans leur chair, soit dans leur coeur par le drame.

Accorder une oreille attentive à la requête

Toutes les victimes (les blessées comme les ayants droit des personnes décédées) attendent toujours d’être indemnisées. Et aucun acte n’a encore été posé dans ce sens.

Une telle situation, de par l’injustice créée, est susceptible de ternir l’image du Burkina Faso et de remettre en cause les nombreux acquis engrangés par notre pays dans le processus de construction d’un Etat de droit véritable.

Ne sachant plus à quel saint nous vouer, nous prions respectueusement les autorités de notre pays d’accorder une oreille attentive à notre requête afin que justice nous soit rendue.

Dans ce sens, nous prenons à témoin l’opinion publique.

Convaincus sincèrement que le Burkina Faso est un Etat de droit en construction avancée, et que notre réclamation est des plus légitimes, conscients des efforts des autorités du Burkina Faso pour l’érection d’un Etat de droit épris de justice et de liberté, nous, victimes de l’accident d’avion survenu à Garango le 29 mai, en appelons au président du Faso, au gouvernement, aux forces vives de la Nation, à toutes les volontés éprises de justice et de liberté afin que justice nous soit rendue par l’allocation par l’Etat, d’une juste et conséquente indemnité, en réparation du préjudice que nous avons subi.

Un penseur bien avisé n’a-t-il pas soutenu que le monde n’est pas mauvais à cause de l’action des méchants, mais plutôt à cause du silence des hommes bons ?

Gloire au vaillant peuple du Burkina Faso

Unité- Progrès-Justice

Ouagadougou le 18 juin 2006

Pour les victimes,

1) BAMBARA Jérôme

2) BILLA Salif

3) ZOURE Zénabo dite Bernadette

4) ZARE Hourouba dit Kirhon

Pièces jointes :

1- PV d’enquête préliminaire de la Brigade territoriale de gendarmerie de Garango du 04/01/2005 ;

2- PV additif d’enquête préliminaire de la Brigade territoriale de gendarmerie de Garango du 06/09/2005 ;

3 - Lettre des victimes au ministre des Finances et du Budget en date du 17 /02/2004 ;

4- Lettre de relance des victimes au ministre des Finances et du Budget en date du 03 /03/2006 ;

Liste des ayants droit des victimes décédées

1 - AD de feu ABGA Robert ;

2 - AD de feu GUENGANE Seydou ;

3 - AD de feu MONE Jean-Bosco ;

4 - AD de feu ZARE Justine ;

5 - AD de feu BILLA Abdoulaye de Ousséni ;

6 - AD de feu BAMBARA Inoussa ;

7 - AD de feu BAMBARA Salifou ;

8 - AD de feu BAMBARA Basile ;

9 - AD de feu ZEBA Ousmane ;

10 - AD de feu ZEBA Issouf ;

11 - AD de feu BAMBARA Lamoussa ;

12 - AD de feu ZIGANI Kéhon ;

13 - AD de feu LENGANE Issaka ;

14 - AD de feu YANKINI Issaka ;

15 - AD de feu YANKINI Assanatou ;

16 - AD de feu WANGRE Goumaboudou ;

17 - AD de feu BILLA Félix ;

18 - AD de feu BIDIGA Abdoulaye ;

19 - AD de feu BAMBARA Adama ;

20 - AD de feu SARE Azara ;

21 - AD de feu OUBDA Noélie ;

22 - AD de feu BILLA Abdoulaye de Yahaya ;

23 - AD de feu ZOURE Mamoudou.

Liste des victimes blessées

1 - KERE Sidissaye ;

2 - BAMBARA Jérôme ;

3 - BILLA Azarata ;

4 - GAMPENE Yahaya ;

5 - ZARE Souleymane N°l ;

6 - ZARE Souleymane N°2 ;

7 - GALBANE Abdou-Salam ;

8 - BILLA Salif ;

9 - BILLA Souleymane ;

10 - NOMBRE Salamata ;

11 - SAMANDOULOUGOU Bassebrila ;

12 - GAMPINE Lassane ;

13 - BAMBARA Clément

Le Pays

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