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Jean-Pierre Palm, ministre des sports : « Ne laissons pas des individus faire leur beurre sur le dos des acteurs »

Publié le lundi 22 mai 2006 à 07h38min

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Jean Pierre Palm

C’est le mercredi 11 mai dernier que le ministre des Sports et des Loisirs, Jean-Pierre Palm, JPP, pour les autres, nous a rendu visite dans le cadre d’une tournée qu’il a initiée dans les différentes rédactions de la place.

Comme nous le disions dans une de nos éditions, il s’est beaucoup exprimé et les rires n’ont pas manqué. Les sujets qu’il aborde ne manquent pas d’intérêt et vous le lirez sans nul doute avec délectation.

M. le ministre, quel bon vent, à moins que ce ne soit une bourrasque, vous amène à l’Observateur ?

Depuis ma prise de fonction, j’avais inscrit dans mon agenda de rendre une visite aux différentes rédactions de la place. Mais mon calendrier jusque-là ne m’avait pas permis de le faire. Avec les réunions par-ci, par-là et les sorties sur le terrain, je vous avoue que ce n’est pas facile d’honorer souvent ses engagements.

Aujourd’hui (NDLR : le mercredi 11 mai 2006), je me suis enfin décidé à quitter momentanément mon ministère pour commencer ma visite par votre journal, qui est l’un des doyens de la presse écrite au Burkina Faso.

Et je vous remercie du temps que vous avez bien voulu m’accorder. Pour moi, cette visite entre dans un cadre normal. Hier, il y avait Carrefour Africain et ensuite est venu l’Observateur qui fait de bonnes choses quoi qu’on dise.

A mon avis, C’est un journal qui fait la fierté des Burkinabè. En 1974, quand j’étais étudiant au Maroc, je recevais régulièrement votre journal. Je vous avoue que j’avais des amis sénégalais, mauritaniens et même marocains qui étaient étonnés du contenu de ce journal.

Pour eux, c’était la preuve que la liberté de presse était une réalité en Haute-Volta contrairement à ce qu’on voyait dans la plupart des pays africains. Cela faisait notre fierté et si je suis là ce matin, c’est pour vous réitérer nos encouragements et vous demander également de continuer cette noble tâche.

Nous sommes dans un pays en voie de développement où pour le premier quidam que vous voyez dans la rue, qui lit quelque chose dans un journal, c’est la vérité spirituelle. Je crois donc que vous avez un rôle d’éducation vis-à-vis de nos populations qui voudraient comprendre, savoir et apprendre.

Ce n’est peut-être pas la première fois que vous visitez un journal, mais après avoir fait le tour de nos services, quelle impression cela vous a fait ?

Je vais vous surprendre, c’est la première fois que je me rends dans une rédaction et je l’ai dit au cours de mon entrevue à votre directeur de publication, Edouard Ouédraogo, qui en était d’ailleurs étonné (1).

Après la visite des installations, j’ai été impressionné par ce que j’ai vu, surtout sachant ce que vous avez vécu à une certaine époque (NDLD : il fait allusion à l’incendie du journal survenu le 10 juin 1984).

Je disais au directeur que ce sont les vicissitudes de la vie et c’est ça qui fait la beauté de l’histoire dans la mesure où vous avez connu l’épreuve du feu pour renaître de vos cendres. L’Observateur a beaucoup souffert, je le sais, et il a su, avec le temps, adapter sa conduite aux circonstances.

J’avoue que je ne pensais pas qu’une entreprise de presse fonctionnait de cette façon-là. Quand on voit tout ce que vous faites, c’est vraiment un travail d’équipe et si ça coince quelque part, c’est foutu. J’ai visité tour à tour la PAO, la rédaction, le laboratoire et l’imprimerie.

J’ai constaté que chacun joue sa partition et c’est certain qu’il faut le faire à temps pour que tout marche comme sur des roulettes. Finalement, c’est une équipe sportive et quand un maillon lâche, tout s’écroule.

On peut donc dire que les Etalons du Burkina Faso gagneraient à s’inspirer du fonctionnement des journaux ?

Pas seulement les Etalons, mais tout le peuple burkinabè. Comme je l’ai toujours dit, tant qu’on n’a pas une organisation saine et planifiée, il est inutile d’espérer aller quelque part.

Puisque vous parlez des Etalons, avec tout ce que l’Etat burkinabè a fait lors de la CAN 98, on aurait pu être aujourd’hui à une certaine hauteur. Malheureusement, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Cela veut donc dire qu’il y a quelque chose qui n’a pas fonctionné.

Je crois que ce qui a manqué, c’est tout simplement l’organisation. On a vécu sur des acquis et au lieu qu’on nous jette des fleurs, on s’est nous-mêmes jetés dans les fleurs ; on s’est autocongratulé. Aujourd’hui, les résultats sont là pour nous rappeler que nous avons encore du travail à faire si nous voulons atteindre un certain niveau.

Faut-il s’étonner qu’on soit maintenant obligé de cravacher dur pour que des équipes se retrouvent dans tous les domaines ? D’ailleurs, il n’y a pas que le football ; les sports de main sont aussi morts et on n’entend plus parler de nous sur le plan international.

Tout le monde s’est agglutiné autour du ballon rond et j’avoue que quand vous voyez nos équipes jouer, vous avez quelquefois mal à la tête. Je ne sais pas s’il vous arrive de vous demander comme moi, où ils ont appris à jouer. Aujourd’hui, les stades sont vides parce qu’il n’y a plus de spectacle.

Il faut redynamiser tout ça pour avoir une équipe nationale compétitive. Je ne vous apprends pas qu’une sélection nationale ne se construit pas en seul jour. C’est pourquoi, l’année prochaine, nous allons ressusciter l’USSU-BF si je suis encore au gouvernement.

Je crois que le travail doit se faire à la base pour que nous ayons des jeunes sportifs qui ont quand même le B.A.-BA dans telle ou telle discipline sportive. Nous prévoyons du reste de retransmettre des matches de l’USSU-BF à la télé avec le soutien des sponsors qui nous ont fait confiance.

Tout cela nous permettra de mettre en place des équipes minimes, cadettes, juniors et seniors. Nous allons y piocher à chaque fois pour compléter le niveau supérieur. Tant qu’on ne fera pas ça, il est inutile de continuer parce que ce sera toujours le PMU’B comme j’ai eu à le dire lors d’un précédent entretien à votre journal.

M. le ministre, il y a tout de même déjà des écoles de football au Burkina et le plus célèbre, c’est Planète Champion International d’où sont sortis de jeunes footballeurs qui ont permis à un moment au Burkina d’obtenir de bons résultats au niveau des cadets.

Je crois qu’à ce niveau, nous les Burkinabè, on se trompe souvent. Les écoles de football qui pullulent un peu partout ici appartiennent à des privés. Des gens ont créé ces écoles en se disant qu’en plaçant un joueur à l’extérieur, on devient du coup milliardaire.

Or, on sait que ce n’est pas possible. Quand un joueur quitte le Burkina pour l’Europe à l’âge de 14 ans, il ne vaut même pas un franc. Il n’a aucun passé et n’a pas encore une valeur marchande. Aujourd’hui, le football est devenu un commerce et quand on veut placer un joueur à l’extérieur, il faut qu’il soit bien formé et suivi médicalement.

Si son âge reflète la réalité et que rien n’est négligé dans certains aspects, il est possible qu’il ait une valeur marchande. Mais, pour le moment, je constate qu’on veut brûler les étapes. On a seulement le souci de faire partir sa starlette et gagner quelque chose quel qu’en soit parfois le montant.

Si vous l’avez remarqué, nos clubs ont des difficultés à avoir un joueur sorti dans un centre de formation parce que cela n’arrange pas les promoteurs. Ici, quand on forme son joueur, on veut tout de suite qu’il aille à Chelsea, Barcelone, Juventus, Arsenal, Marseille, le PSG, et non à l’EFO ou l’ASFA-Y (rires dans la salle).

J’ai eu la chance d’être lié au président du Standard de Liège, qui m’a dit que chaque année, en Europe, il y a 50 000 gosses qu’on teste pour les recruter dans les centres de formation. Au Burkina, nous n’avons pas les mêmes moyens qu’eux, mais si nous travaillons avec patience à la base, les choses peuvent changer un jour.

Je vous le dis, ce n’est pas à notre avantage de faire partir des joueurs âgés de 14 ans et même plus en Europe. Je m’excuse de le dire, l’autre réalité, dans nos centres de formation, c’est que les enfants mangent mal et vivotent.

S’ils vont en Europe et qu’on doit les engraisser pour qu’ils aient une forme standard pour le foot, ça ne fait pas du tout sérieux (rires dans la salle). Au ministère des Sports et des Loisirs, notre conception du football est tout autre. Les initiatives que nous prenons le sont pour que demain soit meilleur.

Nous avons des partenaires, notamment une canadienne qui veut nous aider à associer le sport à l’étude pour les enfants de la rue. C’est un projet que nous avons salué puisqu’il contribuera aussi à lutter contre l’insécurité. Nous pouvons avoir une bonne pépinière pour la relève si nous sommes patients.

Ici, les écoles de foot ressemblent plutôt à des trucs de bana bana (rires dans la salle). Ceux qui ont été en Côte d’Ivoire et qui ont vu le Centre de formation de l’ASEC d’Abidjan à Sol Béni savent ce que c’est. Ce n’est pas la même chose que chez nous et d’ailleurs, ce n’est même pas à comparer.

Les responsables de l’ASEC s’appuient sur leur centre pour faire monter les joueurs afin qu’ils aient un goût pour la première division. A Planète Champion, même si ce n’est pas un club de D1, on est loin de cet exemple parce qu’on a le regard tourné vers l’Europe.

Sur le plan national, les enfants ne connaissent pas les réalités de notre football. Ils ont tous la tête ailleurs parce qu’ils veulent ressembler aux Eto’o, Drogba, Nonda et d’autres grands footballeurs africains. Leur ambition comme je l’ai dit plus haut est d’aller jouer dans des clubs tels que Manchester, le Milan AC et non l’EFO ou l’ASFA-Y (rires dans la salle).

Nos jeunes joueurs doivent savoir qu’on les forme pour le sport national. Si on n’a pas ce petit sentiment patriotique, c’est inutile qu’on ait des écoles de football au Burkina Faso.

M. le ministre, beaucoup de gens vous reprochent de tenir souvent un langage militaire quand vous parlez sport. Pensez-vous que le message pourra passer dans ce milieu où règne la passion ?

Est-ce que le militaire a un français autre que celui que nous utilisons ici ? (rires dans la salle).

Si quand même. On sent dans vos propos ce ton martial et vous le savez bien.

C’est peut-être un langage direct si c’est ce que vous voulez dire. Sinon je ne crois pas que dans les casernes, on parle un autre français (rires dans la salle). Ecoutez, si vous voulez qu’on soit là à se caresser les bosses et repartir après sans soin, ça ne m’intéresse pas (rires dans la salle).

Moi, je ne suis qu’un homme de passage. Un ministre a une durée de vie limitée (rires dans la salle) et je le sais. Pour moi, l’important n’est pas que d’être ministre. Le plus important, c’est qu’est-ce qu’on a fait dans son département. Donc, tout ce je dis, je ne pense pas que ça soit dirigé contre x ou y.

Qu’est-ce que cela nous apporte ? N’êtes-vous pas d’accord avec ce que je dis ? Quand on bouffe sur le dos des acteurs, est-ce que c’est normal ? Si vous mangez votre poule avec ses œufs et que vous dites après que vous avez faim, que voulez-vous qu’on fasse ? (rires dans la salle).

C’est vrai que le sport doit nous unir, mais cela ne veut pas dire qu’il faut fermer les yeux sur certaines choses. Descendez dans la rue et discutez avec les gens. Vous allez comprendre des choses qui vous édifieront.

Je vous avoue que j’ai reçu des coups de fil de directeurs de sociétés de la place (je ne les connais pas tous), qui m’ont dit qu’ils sont prêts à mettre l’argent dans le sport. Savez-vous pourquoi ? C’est parce qu’il y a un autre langage de vérité dans le sport.

Les gens sont convaincus que s’ils donnent 5 francs pour telle ou telle chose, l’argent ne prendra pas une autre direction. Aujourd’hui, quand une société fait un geste nous remettons l’argent à notre tour à une équipe.

Après nous adressons une correspondance pour lui dire que son million est avec tel club et qu’elle peut aller le vérifier. Ça crée la confiance et c’est cette confiance- là qui a été rompue depuis 98 quand le Burkina Faso a organisé la CAN.

Vous n’ignorez pas que beaucoup de gens ont cotisé en râlant. Si après la CAN, le type qui était à pied vous dépasse dans la rue avec la dernière voiture qui vient de sortir de l’usine et que vous savez que c’est une partie de votre sueur qui a servi à le rendre heureux, allez-vous désormais participer à une autre cotisation ? (rires dans la salle).

J’ai vu par exemple une facture de la CAN 98 passer dans mon bureau. On a acheté un bœuf à 200 000 FCFA. Et pour la nourriture du bœuf on a dépensé 1 million de FCFA. Je dis, « mais tuez-le ! » (rires dans la salle).

Un bœuf qui bouffe 5 fois son prix, entre nous, est-ce qu’il ne mérite pas d’être égorgé rapidement ? (rires dans la salle). Si je vous parle de l’endettement de la Fédération burkinabè de football (FBF) de l’époque et d’autres structures sportives, vous tomberez des nues.

Je crois que ce n’est pas normal, ce qui s’est passé et il est temps de mettre de l’ordre dans tout. Ce n’est pas de l’ordre pour Jean-Pierre Palm parce qu’il est militaire ; mettons de l’ordre parce que nous sommes tous des Burkinabè.

Je répète qu’il n’est pas normal que quelqu’un s’asseye dans son coin, bouffe votre argent et vous êtes heureux. Croyez-moi, ce n’est pas un langage militaire que je tiens là, si vous êtes au courant de certaines choses qui se sont passées lors de la CAN 98.

C’est vrai que vous voulez mettre de l’ordre dans le milieu du foot. Mais on a quelquefois le sentiment qu’il y a un problème entre Mahamadi Kouanda (2) et vous.

Je n’ai aucun problème avec Kouanda et je vous le dis franchement. Quand on m’a nommé au gouvernement, je l’ai reçu dans mon bureau et je lui ai dit d’aller voir Noufou Ouédraogo (3) pour qu’ils s’entendent parce que j’ai ma compréhension du football pour l’avoir pratiqué comme beaucoup de Burkinabè.

J’ai même ajouté que « c’est très important parce que je veux que les deux structures me facilitent la tâche pour une meilleure visibilité dans tout ce qui se fait ». Kouanda a commencé par me dire que c’est politique. Je lui ai répondu que je suis d’abord militaire comme vous le dites (rires).

Je n’appartiens à aucun parti politique. Le sport national n’a pas besoin de ça. Si un joueur de l’UNDD ne peut pas faire une passe à un élément de l’ADF/RDA, ce n’est pas la peine de former une équipe (rires dans la salle).

J’ai dit à Kouanda ne de pas me parler de politique. Tout ce que je lui demande, c’est d’aller se concerter avec son grand frère Noufou parce que nous tenons à mettre en place une structure nationale pour le soutien aux différentes équipes nationales.

Deux jours après, il m’appelle et me dit que le vieux-là est un bandit et qu’il n’est pas venu le voir (rires dans la salle). J’ai insisté à nouveau pour qu’il aille voir Noufou sinon je vais donner un coup de pied dans la fourmilière. Et c’est ce qui s’est passé parce qu’avec Kouanda, il faut s’attendre à tout (rires dans la salle). Je n’ai rien contre lui et d’ailleurs, c’est un ami et je connais toute sa famille.

Dans ce cas, le problème se trouve où alors ?

Nulle part. Je sais tout simplement que les deux structures ne veulent pas s’entendre. Alors, doit-on laisser n’importe qui aller récupérer de l’argent chez des gens et faire ce qu’il veut ? Je crois que ça nuit beaucoup plus au sport que ça ne lui rapporte.

Aujourd’hui, une association est libre d’exister mais les textes disent également qu’elle a le devoir chaque année de faire le bilan moral et financier de ses activités. Il faut qu’on dise ce qu’on a fait de l’argent reçu.

Vous vous rappelez peut-être l’affaire en France de l’association de lutte contre le cancer, l’A.R.C. Le président a été jeté en prison pour avoir utilisé une partie des fonds pour construire sa maison. C’est un abus de biens sociaux.

Des gens pensent qu’aujourd’hui, on peut créer son association en allant taper qui on veut et on n’a pas de compte à rendre à quelqu’un. Je sais que la loi de 1901 a été modifiée. Je suis quand même gendarme (rires dans la salle). Il n’y a pas un ministère des sports bis quelque part. Le seul ministère, c’est celui qui est sur l’Avenue de l’Indépendance.

Est-ce à dire qu’on se soumet ou on se démet ?

J’ai des ordres et il y a quelqu’un qui a été élu (le président du Faso) et qui a un programme en matière de sport. Il m’a confié une parcelle de ce pouvoir et il n’y a pas de raison que j’aille discuter avec qui que ce soit dans la rue (rires dans la salle). Moi, j’ai reçu des instructions (rires dans la salle).

M. le ministre, c’est ce qu’on appelle justement des méthodes militaires.

Ce n’est pas une méthode militaire. Ecoutez, si dans cette rédaction, le directeur de publication, Edouard Ouédraogo, dit qu’il veut que le journal aille dans tel sens, personne d’entre vous ne s’y opposera pas. Celui qui dit non ira voir ailleurs. Soyez réaliste et ne parlez pas de méthode militaire, car le terme ne convient pas.

A votre avis, Kouanda n’a-t-il pas l’impression qu’on veut mettre du sable dans son couscous ?

Ce n’est pas du sable. En demandant aux donateurs de s’adresser désormais aux Fonds pour la promotion du sport, on veut que les choses aillent dans le bon sens. Quand quelqu’un organise une coupe dans sa région, qu’est-ce que le sport national gagne ?

Le jour où il perd son poste, son tournoi mourra en même temps (rires dans la salle). Nous sommes en train de préparer un texte que nous soumettrons en Conseil de ministres pour clarifier les choses. Si vous tenez à organiser un tournoi, il faut qu’on sache qu’elle en sera la durée.

Il faut que ça serve de passerelle entre le sport de masse et le sport de compétition. Si c’est pour faire la fête, ce n’est pas la peine. Si vous croyez que tout ce que je fais est dirigé contre Kouanda, je crois que vous vous trompez.

On peut penser que si Kouanda ne veut pas d’une structure unique, c’est qu’il y a un intérêt personnel. Un supporter, c’est un sponsor. Je vois un gros dictionnaire sur la table et vous pouvez le consulter (rires dans la salle).

Ici, tant qu’on ne reçoit pas un billet, on ne va pas au stade. Il faut qu’on arrête tout cela. Si vous calculez les sous que des gens récupèrent par-ci, par-là, vous n’en croirez pas vos yeux.

Et justement, c’est ce qui fait que les mécènes commencent à fuir le sport. Il y a une compétition en vue, le gars réussit à avoir de l’argent ; il ‘’cale’’une partie, s’achète une voiture et fait monter un mur quelque part (rires dans la salle). Parlons-nous franchement, le sportif gagne quoi dans tout ça ?

A qui faites-vous allusion ?

Si des gens veulent qu’on descende dans la boue, je le ferai avec des preuves à l’appui. Mais je n’irai pas jusque-là. Aujourd’hui, nous devons faire du sport un facteur de cohésion et de communion. Contrairement à ce que vous pensez, je ne suis pas un bagarreur. J’ai reçu des ordres et j’irai jusqu’au bout.

De qui avez-vous reçu ces ordres ?

C’est vous qui m’avez envoyé au gouvernement ? (rires dans la salle). J’ai une feuille de route qui me donne toute latitude de mettre de l’ordre dans la maison avec une obligation de résultats.

N’en déplaise à X ou à Y, on s’achemine vers la mise en place d’une structure unique des supporters des Etalons.

Le comité de Noufou et la coordination de Kouanda vont-ils disparaître ?

Noufou a déjà disparu (rires dans la salle). Il a écrit pour nous dire qu’il ralliait l’Union. Maintenant, c’est à Kouanda de s’accrocher au wagon, sinon il mourra (rires dans la salle).

Aujourd’hui, si 20 000 supporters se rendent au stade, ils devront acheter leur ticket d’entrée. Il n’y a plus de passe-droit. Si demain vous voulez aller à Dubaï ou à Honolulu pour soutenir les Etalons, vous louez vous-même l’avion avec votre argent.

Je n’irai pas voir un mécène pour lui dire de mettre un appareil à la disposition d’un groupe de supporters, à plus forte raison de débourser de l’argent. Il faut qu’on enlève de nos têtes la notion de gratuité parce que l’Etat ne peut plus supporter tout ce qui se fait au niveau du sport.

Dans la sous-région, les choses ont évolué et cela devrait nous servir d’exemple. Renseignez-vous. Ailleurs, quand une équipe doit sortir pour une campagne africaine, elle se prend en charge.

Nous sommes encore l’un des rares pays qui paient le déplacement de leurs équipes à l’extérieur. Si vous ne me croyez pas, téléphonez au Mali, au Togo ou en Côte d’ivoire. Les récentes sorties du RCK (ligue africaine) et de l’USO (coupe CAF), qui se sont soldées par des défaites, nous ont coûté la bagatelle de 50 millions de FCFA, sinon plus.

Cette somme nous aurait permis de construire une école dans un village perdu du Burkina Faso. C’est l’autre réalité de notre football. Vous savez, lorsqu’on est en dehors du gouvernement, on a souvent des visions erronées.

Depuis que j’y suis, j’ai compris beaucoup de choses et je me demandais comment les autres arrivaient à résoudre tel ou tel problème. Ce pays est pauvre et nous n’avons que notre seule bonne volonté. Si nous sommes donc impécunieux, ne laissons pas des individus faire leur beurre sur le dos des acteurs.

Je pense que s’il y a des retombées quelque part, ça doit profiter à l’ensemble. Personne n’écrivait avec ses orteils à l’école (rires dans la salle).Sincèrement, je vous dis que je n’ai rien contre Mahamadi Kouanda.

J’ai l’obligation de mettre de l’ordre dans le milieu au vu de ce qui s’y passe. L’Union nationale vise à regrouper tous les supporters autour des équipes nationales. On a une équipe qui vient de rentrer de la Côte d’Ivoire, et d’après le compte-rendu qui m’a été fait, les supporters de là-bas sont beaucoup plus organisés que nous.

Beaucoup d’entre eux étaient venus ici et les griefs qu’ils ont soulevés sont énormes. Ils disent qu’un supporter n’a pas le droit d’aller demander de l’argent à qui que ce soit. Selon eux, ils n’ont besoin de personne. Tout ce qu’ils demandent, c’est qu’on les reconnaisse pour qu’ils puissent être un appui.

Qu’attendez-vous d’un journal comme l’Observateur, et d’une manière générale, de la presse dans cette politique « révolutionnaire » au niveau du sport national ?

Le sport a beaucoup plus besoin de la presse que qui que ce soit. Je côtoie beaucoup les journalistes sportifs et si je change de discours, ils peuvent vous le dire. Ce sont eux qui fabriquent les joueurs.

Dès ma prise de fonction, j’ai décidé d’associer de temps en temps la presse privée dans les déplacements des équipes, si bien sûr les moyens nous le permettent. Au ministère des Sports, beaucoup de cadres n’ont pas apprécié cela. Ils ne comprennent pas que j’associe des journaux comme l’Observateur, le Pays ou Bendré pour des missions.

Je leur ai dit qu’on a besoin de toute la presse toutes tendances confondues. C’est ça la force du sport aussi. J’ai besoin de la presse pour bousculer certains sur le terrain, notamment les acteurs. Il faut que les gens comprennent que rien ne peut se faire sans la presse. On a besoin de vous.

Surtout dans un pays en majorité analphabète comme le Burkina. Quand un journaliste saisit sa plume, il faut toujours la tourner mille fois pour réfléchir sur ce que l’on va écrire.Les journalistes ont un rôle d’éducateurs. Il faut que les gens le sachent.

Si vous voyez par exemple que la crise ivoirienne persiste, c’est à cause de la presse, car c’est elle qui met le feu. Imaginez par exemple qu’un journaliste écrive qu’il est allé à Bouaké et qu’il a trouvé un monsieur balafré assis dans une maison et qui dit que c’est Blaise Compaoré qui l’a envoyé.

Le lendemain, tout Abidjan bruit de cette « info ». Et il insiste sur les balafres pour dire que c’est un Mossi. Ils sont convaincus que c’est la vérité et cela crée un climat dangereux d’insécurité pour nos compatriotes, car le premier lecteur qui voit cela dans un journal hausse son ton de xénophobie.

Un journaliste qui écrit cela, sachant pertinemment qu’il ment, c’est sûr qu’il manipule l’opinion. Voyez ce mauvais rôle que la presse joue malheureusement en Côte d’Ivoire.Ici, nous avons la chance d’avoir une presse somme toute responsable, et il faut qu’elle maintienne le cap.

Peut-on avoir une idée du budget de fonctionnement du ministère des Sports, notamment pour ce qui est du football et du cyclisme ?

Le sport de compétition, d’une manière générale, a une enveloppe financière d’environ 280 millions dans l’année. Une équipe de foot qui se déplace à l’extérieur nécessite au bas mot 50 millions.

Si vous voulez en faire profiter à toutes les autres disciplines, vous voyez qu’en moins de 3 mois, tout le budget se volatilise !

Comment faites-vous alors ?

C’est encore des correspondances au ministère des Finances et du Budget pour demander des rallonges. Mais j’avoue qu’à l’heure actuelle, toutes les fédérations sportives ont pu effectuer des sorties à l’extérieur pour des compétitions.

Hormis la fédération de karaté qui a des problèmes. Mais cela est dû à la légèreté de certains dirigeants. Quand on vous fait un devis, que vous dites de venir chercher un chèque de 5 millions et qu’on dit à son trésorier que « c’est notre tour de bouffer »,... c’est toujours des problèmes.

C’est ça aussi la réalité de notre sport. Cela dit, l’ensemble du budget de fonctionnement ne dépasse pas le milliard. J’avoue que ce ministère-là est aussi très archaïque. Il n’y a qu’à voir les bureaux pour s’en rendre compte.

Monsieur le ministre, il y a eu récemment une sortie de la presse à Abidjan où l’Observateur paalga était curieusement absent. On s’est demandé si ce n’était pas un règlement de comptes à cause des récents écrits que nous avons publiés sur vous et qui n’étaient pas en votre faveur. Ensuite, le desk sport nous rapporte souvent vos propos selon lesquels vous affirmez que vous avez été l’un des patrons du service des renseignements. On le vit comme une tentative d’intimidation. Qu’en est-il exactement ?

Pour ce qui est de la sortie d’Abidjan, si vous avez vu la composition des journalistes, j’ai pris les deux structures de journalistes (NDRL : l’AJSB et l’UPSB). Ce sont elles qui ont composé la délégation.

Je n’ai fait que recevoir les noms. Cela n’a rien à voir avec les écrits dans l’Observateur paalga.Mais à ce propos, si je n’en suis pas content, je vais répondre ; rassurez-vous. Ce que je trouve dommage, c’est qu’on me critique sur des allégations plutôt que sur ce que je fais. Sinon c’est même normal de critiquer.

Moi je suis comme le nageur. Je nage, mais je ne vois pas mon dos. Je ne sais pas quels sont les mouvements que je fais. Il faut qu’il y ait quelqu’un derrière moi pour me dire que je nage mal. Ça, c’est le rôle de la presse. Mais cela doit se faire dans les règles de l’art.En réalité, la comparaison avec Denis Yaméogo, parue dans une humeur, j’y ai répondu en rigolant.

Quand j’ai parlé de wack, quand j’ai dit que chacun de nous a un arbre chez lui, que chacun de nous s’est lavé avec des racines, je plaisantais et tout le monde a même rigolé. Peut-être que certains ne l’ont pas pris comme tel. Question d’interprétation sans doute.

Mais dans une de vos analyses dans la rubrique "les Mercredis de Zoodnoma Kafando", j’ai trouvé le ton assez méchant. L’article ne s’attaquait pas au sport mais à ma personne.Et je ne peux pas accepter cela.

Il était écrit que j’ai agressé, je fais la force à Y, que l’armée n’a pas besoin de cela ; que j’ai parlé en des termes peu amènes au chancelier de l’ambassade du Burkina en Côte d’Ivoire ; que j’ai matraqué une des femmes de l’ambassade.Comment peut-on s’asseoir ici et comprendre ce qui se passait à Abidjan ?

Il aurait fallu que des gens vivent cette époque pour se rendre compte de la réalité. Quand, pour des problèmes de 100 000 F CFA, vous voyez un Burkinabè en train de mourir, et on ne veut pas sortir l’argent, je ne sais pas comment vous allez réagir.

Les journalistes qui ont eu la chance d’aller à Abidjan lors de la mission conduite par mon ministère se sont rendus à l’évidence que je n’ai eu aucun conflit avec qui que ce soit à l’ambassade, etc.

Souvent vous prévoyez certaines choses ; vous dites par exemple de payer un appareil à 100 000 F CFA, maintenant,parce que demain, il coûtera 1 million, on refuse d’obtempérer. Du coup, des problèmes que l’on pouvait résoudre à 200 000 F CFA, on est obligé de les régler plus tard à 10 millions.

Un fonctionnaire, c’est quelqu’un aussi qui a une lecture de l’avenir. Ce n’est pas seulement arriver à 7 h et repartir à 12 h30. J’avoue que quand j’ai lu cet écrit de Zoodnoma, ça m’a fait mal.

Car je sais ce que j’ai vécu là-bas. Je pouvais m’asseoir sur ma terrasse de 22 h à 6 h du matin les larmes aux yeux ; parce que de l’autre côté, vous entendez les cris de vos compatriotes qu’on est en train de buter.

Et le matin, vous êtes obligés d’aller ramasser les cadavres. Quand malgré cela quelqu’un s’asseoit ici pour écrire des choses qu’il n’a pas vécues, je dis que c’est méchant et ça, je ne peux pas être d’accord avec.

Sinon, la comparaison avec Denis Yaméogo, je sais que c’est l’œuvre de la Coordination nationale de soutien des Etalons. Nous ne sommes pas des enfants ; nageons donc clairement ! La coordination de Mahamadi Kouanda n’a pas besoin de ça. Et encore une fois, je n’ai rien contre cette coordination.

Si elle veut continuer à fonctionner, OK, mais ça sera sans le budget de l’Etat et sans les sponsors. Celui qui donne son argent à X ou à Y, il l’a donné à X ou à Y, mais pas au sport. En attendant, le responsable du sport dans ce pays, c’est moi ; jusqu’à ce que quelqu’un d’autre vienne. On ne peut pas permettre à n’importe qui d’aller quémander à tout vent.

C’est d’ailleurs ce qui tue notre sport.Je vous ai dit, être ministre, ce n’est pas une finalité. L’important, c’est de se demander après son passage ce que l’on a pu apporter à ce pays. Je fais tout pour lui apporter quelque chose. Parce que chacun de nous est un ministre en puissance.

Je ne suis pas le plus intelligent de tous.Je n’écrivais pas avec les orteils à l’école. J’ai peut-être eu la chance de connaître les premiers responsables de ce pays. J’ai été choisi comme on prend un caillou. Quand on vous met à un tel poste, il y a des résultats qu’on attend de vous en retour.

Je n’ai pas un mandat électif. Je fais tout pour que ça marche avec mes forces et mes faiblesses. Tant mieux si ça marche.Si ça ne marche pas, il y aura quelqu’un pour me remplacer. C’est ça aussi le Burkina. Nous sommes 16 millions. Je vous le répète, en toute honnêteté, ce n’est pas une finalité d’être ministre.

Monsieur le ministre, merci d’être venu dans nos modestes installations. Le dernier mot vous revient.

C’est moi qui vous remercie de m’avoir reçu. Pour ce qui me concerne, ma porte vous est grandement ouverte 24 h sur 24. J’appelle ça le hall de garde.

Je dis que c’est un devoir pour nous de vous apporter l’information réelle et de vous recevoir. Si nous ne vous donnons pas l’information qui est le matériel du journaliste, vous pouvez écrire ce que vous voulez.

Maintenant, la critique, vous avez le droit de la faire et je vous demande même de le faire, mais en toute honnêteté et objectivité. Ce n’est qu’à ce titre que nous, nous pourrons nous corriger. Il n’y a que la presse pour nous aider à corriger nos comportements.

Propos recueillis par Justin Daboné
L’Observateur

Notes : (1) A son arrivée, le ministre s’est d’abord entretenu en tête-à-tête avec le directeur de publication qui lui a fait faire le tour du propriétaire avant que la rédaction le reçoive pour la suite des débats.

(2) Président de la CNSE, il renâcle à se fondre dans la nouvelle structure unifiée des supporters voulue par Jean-Pierre Palm

(3) Président de l’autre structure de soutien aux Etalons

L’Observateur Paa

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Vos commentaires

  • Le 25 mai 2006 à 18:41, par etalons98 En réponse à : > Jean-Pierre Palm, ministre des sports : « Ne laissons pas des individus faire leur beurre sur le dos des acteurs »

    Cela fait un bout de temps au Faso que ceux qui n’ont rien à faire au football profitent trop pour se remplir les poches.
    Je suis bien placé pour savoir.Pendant la CAN 98 beaucoups de citoyens ont donnés pour les joueurs mais il faut que les gens saches que toutes les sommes annoncés aucun joueurs n’a vu la couleur.Les boeufs dont parle Monsieur le ministre on avaient beaucoups de dont de boeufs dont les supporteurs ont donnés mais ils nous ont annoncés que les boeufs ont été donnés aux prisonniers.
    Ceux qui m’a le plus écoruré c’est les comptes que la dame nous a fait (bomkoungou)je me rappel plus très bien de sont nom bref.
    QUE LA FEDERATION AVAIT DES DETTES DEPUIS 1994 ET QU IL FALLAIT REMBOURSE.
    Depuis ce temps il n’ont rien réglés et il a fallu attendre 98 pour voir qu’il y avaient des dettes.
    Les diigeant se sont remplis les poches et les n’ont rien de tout ce que le peuple à donné.
    Aujourd’hui on trouve des joueurs qui sont dans la souffrance alors que les dirigeants mènent la belle vie

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