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Sorcellerie au Boulkiemdé : Les révélations fracassantes de Cathérine, “la sorcière”

Publié le vendredi 14 avril 2006 à 04h10min

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Catherine Nabi

« Je suis sorcière, j’ai bel et bien attrapé l’âme de Daniel pour Hélène qui me l’a demandé ». Rassurez-vous, c’est un fait réel qui s’est déroulé en République de Côte d’Ivoire avec des révélations sans précédent au Burkina Faso et plus précisément à Koudougou.

Il s’agit de Catherine Nabi, 23 ans, mariée et mère d’un enfant qui, après le forfait, a reconnu publiquement sa responsabilité et son statut de sorcière.

Les faits se sont déroulés courant octobre 2005 en Côte d’Ivoire dans la localité de Siablo-Oula, sous préfecture de Taï. Dans cette partie de la Côte d’Ivoire, une forte colonie burkinabè originaire de Salbisgo dans le Boulkiemdé y réside.

Comme tous les jeunes de son âge, Ouirago Daniel Zongo s’y est donc rendu depuis plusieurs années où il pratique le commerce du cacao. Dans leur campement, ils sont entre frères et cousins. Parmi eux, beaucoup étaient mariés. Catherine, la sorcière si on peut l’appeler ainsi, est mariée à Poulemdé Zongo qui se trouve être le neveu direct de Daniel Zongo, la victime. Ils vivaient tous dans la même cour. Les deux autres complices : Hélène Semdé et Marceline Kaboré vivaient, elles, avec leurs maris dans une autre cour non loin de chez les Catherine.

Selon les révélations de Catherine, Hélène est venue la voir pour lui demander de tout faire pour attraper l’âme de Daniel pour elle parce que Catherine était plus proche de Daniel qu’elle. Ne sachant pas comment faire pour attraper l’âme de Daniel bien que se reconnaissant être sorcière depuis quelques temps, Catherine signifie son incapacité à Hélène qui lui avait fait croquer quelque chose.

Catherine Nabi et ses "complices" Hélène et Marceline

Catherine confesse que c’est à partir de cet instant qu’elle aurait eu la puissance pour saisir l’âme de Daniel, une nuit quand il est revenu de son commerce fatigué et ensommeillé. « Son âme, dit-elle, est un être vivant très petit que j’ai remis à Hélène et Marceline mais que je ne peux plus décrire ». La réaction a été immédiate, Daniel tombe malade et se retrouve dans l’incapacité de faire quoi que ce soit.

La famille très bien soudée en Côte d’Ivoire entreprend d’évacuer Daniel au Burkina. La recherche de la santé les amène partout dans les formations sanitaires et dans les lieux de prière. C’est ainsi qu’il sera révélé, un jour de prière, à la famille que l’âme de Daniel est entre les mains de sorcières. Tout cela s’est passé en l’espace de dix jours.

Les femmes des frères et cousins de Daniel sont indexées comme suspectes sérieuses. Les vieux du village se réunissent à Salbisgo pour traiter la question.

Sans contrainte ni menace, Catherine avoue publiquement qu’elle est l’auteur principal, que c’est elle qui a attrapé l’âme de Daniel, mais sur demande de Hélène et de Marceline.

Cathérine est-elle mentalement bien portante ?

Après ces révélations, les parents de Daniel décident d’ester en justice. Le procureur du Faso près le Tribunal de Grande instance de Koudougou autorise alors le directeur régional de la police du Centre-Ouest, commissaire central de la ville de Koudougou de diligenter une enquête sur l’affaire.

Catherine et ses complices seront conduites dans le bureau du directeur régional de la police. Dans sa déclaration, Catherine est allée tout droit au sujet : « Je reconnais que je suis sorcière, j’ai bel et bien attrapé l’âme de Daniel pour Hélène et Marceline qui me l’ont demandé ».

Le commissaire Abdoul Karim Bélemviré n’en croit pas ses oreilles. C’est du jamais vu dans l’histoire de la sorcellerie.

Face à une telle situation, le commissaire Bélemviré estime que la nommée Catherine ne doit pas jouir de toutes ses facultés mentales. Il écrit à la direction régionale de la Santé demandant que Catherine soit reçue et examinée par un psychiâtre. Ce qui fut fait avec diligence.

Seulement, le rapport médical transmis à la police le 2 mars 2006 indique que l’examen psychiatrique ne révèle aucune anomalie. Au contraire, il indique que l’intéressée est sereine, calme et coopérante jouissant de toutes ses facultés mentales. En conséquence, aucune anomalie n’a été décelée pouvant perturber les fonctions intellectuelles et les activités de Catherine Nabi.

Revenue à la police après l’examen médical, Catherine est restée imperturbable sur sa position. « Je suis sorcière, j’ai attrapé l’âme de Daniel pour Hélène et Marceline ».

Quel sort réserve-t-on aux sorcières

Si Daniel vit toujours aujourd’hui, c’est grâce à la déclaration fracassante de son bourreau dès l’arrivée au village. Sous la menace du vieux Kuilga Zongo, responsable de la famille de Salbisgo et de Koudraogo Zongo, père de Daniel, que Hélène et Marceline ont rendu à Daniel, son âme.

Cependant, ces deux complices clament leur innocence. Elles s’inscrivent toutes en faux contre les déclarations de Catherine. « Nous n’avons jamais été sorcières, nous ne connaissons pas comment on devient sorcière », martèlent-elles.

Faux, rétorque Catherine devant nous pendant l’entretien. Celle-ci soutient de toutes ses forces qu’elles sont toutes sorcières et c’est le fait qu’elle soit familière à Daniel, qu’Hélène et Marceline lui ont mandatée pour saisir son âme.

Et dès que l’âme de Daniel lui a été rendue, il a retrouvé sa santé et s’est même présenté à la police. Actuellement, il est reparti en Côte d’Ivoire où il vaque à ses occupations.

Du côté de la Côte d’Ivoire, le chef de Siablo-Outa a écrit au village de Salbisgo où il indique ne plus être en mesure d’accueillir des sorcières dans son village. A Salbisgo, les vieux attendent que l’affaire soit jugée avant de prendre la décision qui s’impose en de pareilles circonstances. Le vieux Kuilga Zongo en réponse à une de nos questions nous a rassuré que les femmes pourront toujours vivre à Salbisgo. Assurance dont lui-même semblait peu convaincu. Les déclarations et révélations de Catherine Nabi viennent remettre à notre avis sur la table, l’existence avérée ou non du phénomène qui a fait et continuera de faire des exclues sociales si...

François KABORE
AIB/Koudougou

Sidwaya

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