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CASEM, séminaires, ateliers et tutti quanti : C’est bon ou c’est pas bon ?

Publié le samedi 25 mars 2006 à 08h01min

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S’il y a des néologismes qu’il va falloir forger pour caractériser le monde du travail burkinabè, ce sont bien séminarite, atelierlite, perdiémite et consorts, la terminaison ’ite" étant destinée à donner une idée de pathologie au phénomène tant son ancrage dans le quotidien des Burkinabè se passe de commentaire.

Mal nécessaire ou effet de mode dû à l’air du temps ? Va savoir ! Difficile en tout cas pour un travailleur d’échapper à ces réunions sans fin où quelques-uns parlent pendant que d’autres écoutent. Alors, questions : que reste-t-il à l’après-séminaire ? Comment savoir, si toutes ces activités engagées à grands frais génèrent vraiment des dividendes et ne tirent pas plutôt tout le monde vers le bas ?

Il n’y a pas un mois, pas une semaine qui passe sans sa rencontre et, que ce soit dans la presse écrite ou audiovisuelle, un journal digne de ce nom ne saurait se refermer sans annoncer l’ouverture ou la clôture d’un atelier, un séminaire, une conférence et autre. Destinés à "mieux outiller" les participants, ces séminaires se tiennent autour de thèmes résolument théoriques genre : "la problématique de l’enfance inadaptée dans le processus de développement" ou alors totalement terre à terre genre "l’allaitement maternel, un palliatif à la malnutrition des nourrissons."

Ces tribunes qui permettent à d’habiles rhétoriciens de répandre leurs doctrines et vulgariser leurs visions, constituent aussi un cadre où les participants échangent leurs expériences et enrichissent au mieux leurs potentialités professionnelles. A priori donc il n’y a rien de blâmable à tenir atelier après séminaire avec de telles intentions d’objectifs mais certains aspects occultés du phénomène viennent mettre un bémol à ce paysage idyllique.

En effet, ces rencontres vident les services, plusieurs jours durant, d’un personnel qui en d’autres temps est affecté à des tâches précises au sein de l’institution. Il devient alors difficile de faire la balance entre le gain que fait la maison en voyant ses employés outillés pour telle ou telle chose, et l’inefficacité provisoire de cette même maison à cause de l’absence de certains employés. Les fonctionnaires de l’administration publique qui déjà ne brillent pas par un zèle particulier à leurs postes se sont emparé du phénomène et c’est à qui participera au plus grand nombre d’ateliers. Le sommet de l’engouement pour ces rencontres est atteint lorsque celles-ci prévoient des perdiems pour les participants.

Ce petit soutien financier destiné à motiver les participants galvanise plus d’un et déclenche la ruée. Certains fonctionnaires sont ainsi devenus des experts en séminaires. Ils connaissent par avance, tous les événements devant rassembler des participants à Ouagadougou ou dans la sous-région et savent à quel séminaire seront distribués des perdiems. Pour corser le tout, ils se font inviter sous divers prétextes par leurs amis travaillant dans les ONG et autres organisations de la société civile et le tour est joué.

Ajuster et discipliner l’acquisition de cette forme d’expertise.

La priorité est aux séminaires à perdiems pour comme ils le disent, avoir le beurre et l’argent du beurre. Les rencontres sans perdiems sont utilisées pour se reposer et se donner du bon temps ; il suffit pour cela de se présenter à la cérémonie d’ouverture puis de s’éclipser pour d’autres horizons en attendant celle de clôture. Cette précaution permet au séminariste fantôme de figurer sur d’éventuelles images de presse de l’événement et montrer ainsi à ses supérieurs à quoi il était occupé pendant son absence. Il va sans dire que pour des individus comme celui-là les séminaires sont une calamité en ce sens qu’ils servent d’alibi au laxisme et à l’indisponibilité. Outre cet aspect, les thèmes abordés à l’occasion sont parfois d’un tel degré théorique que l’on voit mal comment, avec la meilleure volonté du monde, ceux-ci peuvent être traduits en actes concrets sur le terrain. Or, l’objectif n’est pas de rassembler des gens, théoriser et s’en aller, mais donner un plus à un professionnel faisant déjà quelque chose pour qu’il soit en mesure d’améliorer ce quelque chose.

Malgré tout, il serait injuste de condamner séminaires et ateliers pour un simple manque de visibilité des objectifs ultimes. Une évaluation du phénomène, en révélant ses acquis et ses imperfections, permettrait de mieux le comprendre et de l’adapter de manière utile au paysage professionnel dans lequel il est déployé. Comparaison n’est pas raison il est vrai, mais le goût immodéré des réunions semble être le fait des pays en développement uniquement.

Cela n’induit pas de déduction particulière mais à présent que le phénomène est installé, il faudra au moins chercher à savoir ce qu’il a de bon et en quoi. M. X, praticien, est le seul spécialiste en poste dans cette formation sanitaire. Les patients sont nombreux et des cas souvent désespérés sont orientés vers lui mais M. X est introuvable. La raison est qu’à chaque fois il est à un colloque, un atelier, un séminaire, un ...

M Y lui, est cosignataire des documents sensibles d’une importante institution. Porté disparu pour cause d’atelier, certains dossiers en souffrance ne seront paraphés qu’une bonne semaine plus tard. Dans l’intervalle des frais supplémentaires ont été générés par le retard. Les raisons d’une évaluation des CASEM, séminaires et ateliers sont nombreuses et pertinentes.

En attendant de voir une pondération du nombre de rencontres auxquelles peut prendre part, un même individu doit être faite et les thèmes eux aussi doivent être choisis de manière à ce qu’ils répondent à des besoins professionnels réels, vérifiables à l’après séminaire. Ces mesures contribueront à assainir quelque peu cette chasse gardée de certains gourous et remodeler l’inévitable question qui surgit à l’esprit à l’examen du phénomène à savoir : Tout ça c’est bon ou c’est pas bon ?

Luc NANA

L’Hebdo

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