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Psychose de la grippe aviaire : Le docteur vétérinaire André Jules Ilboudo rassure

Publié le jeudi 23 mars 2006 à 06h59min

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Dr André Jules Ilboudo

La grippe aviaire fait parler d’elle dans tous les milieux. Elle crée une psychose au sein des populations faisant ainsi chuter, du coup, la consommation de la viande de volaille au Burkina. Et pour cause...Sa virulence tant pour les oiseaux que pour les humains fait très peur.

Le docteur vétérinaire André Jules Ilboudo, docteur ès-sciences et enseignant-chercheur à l’Université de Ouagadougou s’est prêté aux questions de Sidwaya. Il affirme que la consommation de nos poulets et pintades ne présente aucun danger pour l’heure au Burkina. Cette grippe aviaire n’a pas encore franchi nos frontières.

Sidwaya (S.) : La grippe aviaire constitue aujourd’hui un problème de santé publique à telle enseigne que s’installe la méfiance du consommateur de volaille au Burkina Faso. Quelle définition faites-vous de cette maladie ?

André Jules ILBOUDO (A.J.I.) : Encore appelée peste aviaire, peste des oiseaux, influenza aviaire ou grippe du poulet, la grippe aviaire est provoquée par un virus de la famille des Orthomyxoviridae. La nucléocapside hélicoïdale est entourée d’une enveloppe présentant à sa surface deux types de glycoprotéines : l’hémaglutinine (HA) et la neuraminidase (NA). Le virus de l’épizootie actuelle appartient au sous type H5N1. Chez la volaille, il s’agit d’une maladie très contagieuse, à évolution rapide nettement visible et souvent fatale.

S. : Quelles espèces animales sont touchées par la grippe aviaire ?

A.J.I. : La volaille est très sensible au virus, en particulier la poule et la dinde, mais les cailles, faisans, perdrix et autres galliformes le sont également. Ces oiseaux meurent en quelques jours avec un taux de mortalité pouvant atteindre rapidement 100% dans le cas du virus H5N1. Les palmipèdes (canards, oies) sont normalement résistants à l’influenza aviaire sauf dans le cas du virus H5N1 auquel ils sont devenus sensibles. Il est établi que ces palmipèdes jouent un rôle de porteur sain et de réservoir disséminateur du virus.

Les pigeons sont peu sensibles au virus et présentent peu de signes cliniques après infection expérimentale par le virus H5N1. En outre, ils pourraient jouer un rôle dans le transfert mécanique sur de très longues distances. Des cas mortels ont également été signalés chez des oiseaux sauvages parmi lesquels des canards, oies, cygnes, passereaux, rapaces, hérons, cigognes, mouettes, goélands ainsi que des cormorans. Les oiseaux d’ornement notamment les Psittacidés(perroquet par exemple) sont expérimentalement sensibles au virus influenza aviaire.

Dans le cas des mammifères, de rares cas d’infections par le virus H5N1 ont été décrits chez des tigres, des léopards, des chats, des civettes en Asie après consommation de cadavres de volailles infectées.. Des infections sporadiques H5N1 ont été décrites chez le porc mais aucune transmission entre individus n’a été démontrée, indiquant l’absence d’adaptation du virus au porc.

S. : La viande de poulet présente-t-elle un risque pour l’homme ? Et si oui quels sont les risques de transmission ?

A.J.I. : La consommation de viande de volaille bien cuite est sans risque. De plus, si un cas de grippe aviaire se présentait au Burkina, tous les poulets et les œufs suspects d’être contaminés seraient détruits et exclus de la chaîne alimentaire. La contamination de l’homme par des virus aviaires avec apparition d’un syndrome grippal n’a que très rarement été démontrée. Les voies de contamination envisageables pour la transmission de virus influenza aviaire à l’homme sont la voie respiratoire (contact étroit et dose virale élevée).

Les oiseaux malades infectent difficilement l’homme . En Asie, seulement 120 cas de transmission de la maladie à l’homme ont été enregistrés malgré le nombre de la population et un mode de vie où l’on observe souvent un contact étroit avec la volaille. Dans tous les cas, les contaminations ont été associées à une forte pression d’infection (doses élevées de virus) et des comportements à risque (abattage, autopsie, et découpe sans moyens de protection physique efficace, consommation d’oiseaux malades et des cadavres infectés, consommation de sang de canard). Il n’y a aucune évidence à l’heure actuelle de contamination humaine à partir des oiseaux sauvages.

Le risque le plus préoccupant est celui de réassortiment génétique, c’est-à-dire un "mélange" des gènes de deux virus influenza si ceux-ci venaient à infecter une cellule, par exemple chez un être humain contaminé à la fois par un virus aviaire et un virus humain. Si tel était le cas, une pandémie mondiale de grippe humaine serait à redouter, dont la virulence serait difficile à prévoir. Le porc, sensible à tous les sous-types de virus influenza, pourrait jouer un rôle de "mixer" génétique.

Afin de minimiser le risque d’une mutation et donc d’une rencontre entre les deux virus, il est recommandé en Europe aux professionnels de l’élevage (vétérinaires et éleveurs) de se faire vacciner contre la grippe humaine saisonnière même si cette vaccination ne protège pas contre la grippe aviaire. Un médicament "Tamiflu ou Relenza" sera administré préventivement aux personnes en contact avec les volailles malades.

S. : Quels signes cliniques peut-on observer chez les oiseaux ?

A.J.I. : Chez la volaille : d’une manière générale, la symptomatologie se remarque par une atteinte de l’état général. Les signes cliniques suivants peuvent être observés : une perte de l’appétit, un abattement, une chute de ponte, un oedème de la tête et une sinusite, un larmoiement, un gonflement et une cyanose de la crête et des barbillons, une détresse respiratoire et une diarrhée. Il est important de noter qu’aucun de ces signes cliniques n’est pathognomonique de l’influenza aviaire, car ceux-ci peuvent se retrouver dans d’autres affections aiguës de la volaille.

S. : Et les lésions observées sur un cadavre comment les reconnaître ?

A.J.I. : La manipulation et l’ouverture des cadavres doivent être effectuées par un personnel formé à cet effet. Lors de l’autopsie, il convient de porter des gants, un masque bucco-nasal et des lunettes. La sévérité et la localisation des lésions macroscopiques sont extrêmement variables et peuvent comprendre des hémorragies, un transsudat, et des lésions ulcéro-nécrotiques siégeant au niveau du tube digestif, de l’appareil respiratoire et urogénital.

S. : Quelles mesures faut-il prendre pour éviter l’introduction du virus dans un poulailler ?

A.J.I. : Une bonne hygiène de l’exploitation est la première mesure à mettre en œuvre . Les mesures minimales à appliquer sont les suivantes : disposer de pédiluves contenant un désinfectant agréé à toutes les entrées et sorties des exploitations. Employer des chaussures et des vêtements appropriés exclusivement réservés à l’exploitation. Interdire l’accès aux élevages à toute personne étrangère à l’exploitation.Tenir un registre de toutes les personnes qui entrent dans l’exploitation.Verrouiller toutes les portes des bâtiments qui servent à l’élevage des volailles.

S. : Depuis l’annonce de cette grippe au Niger, c’est le désarroi chez les éleveurs et vendeurs de volaille au Burkina. Quels conseils à leur adresse ?

A.J.I. : La grippe aviaire n’a pas encore été signalée dans notre pays. Le consommateur ne doit pas changer ses habitudes alimentaires pour cause de grippe aviaire signalée ailleurs. Dans la situation actuelle, on ne court aucun risque en touchant un poulet, en achetant un poulet au marché, en faisant cuire un poulet en famille ou en dégustant un poulet dans les maquis et les restaurants.

Alors consommons tranquillement et sans inquiétude le poulet burkinabé et ce, d’autant plus que la viande de volaille est meilleure par rapport aux autres viandes sur le plan nutritionnel. En effet, la teneur en acides gras polyinsaturés est plus élevée dans la graisse de volaille par rapport à la graisse de mouton, de bœuf ou de porc. Etant donné que ces acides gras polyinsaturés permettent d’abaisser efficacement le taux de cholestérol, la viande de volaille nous protège mieux contre les maladies cardio-vasculaires.

Jean Bernard ZONGO

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 23 mars 2006 à 10:31, par Innsa En réponse à : > Psychose de la grippe aviaire : Le docteur vétérinaire André Jules Ilboudo rassure

    Pour rassurer les gens, il suffit de dire que la grippe aviaire :

    - ne se transmet pas d’homme a homme
    - ne se transmet pas quand un mange du poulet (cuit s’il vous plait)
    - a tué 100 personnes dans le monde, alors que le paludisme, la meningite, le cancer, le SIDA etc. tuent des millions de personnes dans le monde par an..
    - etc...

    • Le 23 mars 2006 à 18:30, par Patience En réponse à : > Psychose de la grippe aviaire : Le docteur vétérinaire André Jules Ilboudo rassure

      Le docteur Ilboudo vient de faire une bonne lecture de l’epizootie. Cependant, le langage utilisé est tres technique/scientifique alors que nos populations sont analphabetes dans leur majorité. Comme l’a suggerée la premiere reaction, il aurait fallu employer un discours plus approprié au monde paysan.

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