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Cinéma : "Les mains du temps" pour honorer l’horloger Marcel Lankoandé

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Publié le vendredi 14 juin 2024 à 12h10min

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Cinéma :

"Il n’y a pas de sot métier" dit l’adage. Encore moins quand les dix doigts permettent de réparer les montres, ces objets là qui nous font vivre dans le temps. Ce jeudi 13 juin 2024, la tunisienne Sara Gamha a rendu un vibrant hommage à l’horloger burkinabè Marcel Lankoandé, à travers un film de douze minutes. Sans trop entrer dans le tréfonds du métier, ce court métrage se veut être le récit d’un homme passionné et dévoué, une histoire de vie et de succès, un parcours inspirant à raconter aux jeunes en quête d’emploi.

Sous nos cieux, le métier d’horloger est considéré comme banal et insignifiant. Pour Marcel Lankoandé pourtant, c’est un métier noble, qui permet à ceux qui l’exercent de vivre sans nécessairement envier leurs semblables. "On n’a pas réussi parce qu’on a des immeubles partout ou des voitures que l’on change comme on veut. On a réussi lorsqu’on a vécu ses rêves. Moi, je peux dire que j’ai réussi, parce que je connais bien mon métier. Je continue de l’exercer et je le ferai jusqu’à la limite de mes moyens. Je peux aussi former des gens. Et je ne peux que remercier l’univers" se réjouit l’homme à l’honneur.

Une vue des cinéphiles sortis nombreux pour suivre ce court métrage

Selon la réalisatrice du film, sa rencontre avec celui qu’elle appelle affectueusement "Papa Marcel" remonte à un bon bout de temps. "J’aime bien les anciennes montres. J’en portais une dont le cadran s’est cassé. J’ai demandé et cherché un endroit où le réparer. C’est là qu’on m’a indiqué chez "Papa Marcel"". Pour une montre qu’elle croyait difficile à réparer voire irréparable, la réalisatrice témoigne avoir été fascinée par la maestria du sexagénaire. "J’ai vu une étincelle dans sa manière de travailler. C’est de là que nos échanges sont nées pour aboutir finalement à ce film" a-t-elle relaté.

"Ce film est aussi un moyen de témoigner ma reconnaissance au Burkina Faso, où je vis depuis quatre ans" Sara Gamha

A travers ce court métrage, l’homme explique comment il est parvenu à ce métier. "J’étais encore jeune. Et quand je devais passer mon CAP, l’école a basculé. C’était devenu difficile financièrement. J’ai fait la rencontre d’un horloger, qui m’a soutenu pour que je puisse poursuivre mes études, en me permettant de faire quelque chose de mes dix doigts. Une fois dans son atelier, j’ai pu observer ce que faisait son frère, qui était déjà un génie. C’est de là qu’est venue ma passion. Je me demandais comment un illettré pouvait faire ce qu’il faisait, tant il n’avait pas de limite. Du coup, je me suis rabattu sur lui pour mieux apprendre parce que toutes les montres que les horlogers n’arrivaient pas à arranger venaient chez lui. Plus rien ne me venait à l’esprit. Je n’avais d’yeux que pour l’horlogerie. Finalement, je suis arrivé dans ce métier par nécessité. Mais j’y suis resté par passion. Plus tard, on a organisé un concours de réparation de montres. J’ai fini premier, en bénéficiant d’une bourse pour me faire former en Suisse. Durant ces trois années d’études, j’ai fini major de promotion" se remémore Marcel Lankoandé.

"Le Burkina a des génies. Il suffit qu’on ait la volonté de sortir tous ces jeunes du bourbier dans lequel ils sont" Marcel Lankoandé

Pour les cinéphiles, le parcours de "Papa Marcel" est inspirant, surtout pour la jeunesse qui ne jure que par les diplômes avec à la clé, un travail qui offre un gros salaire, dans un bureau feutré. "Ce qui a conduit "Papa Marcel" là, c’était le fait qu’il ait arrêté l’école. Et aujourd’hui, pour plusieurs raisons, on arrête l’école. On peut avoir fini, mais la question qui se pose après, c’est ce qu’on fera. Il faut que les jeunes burkinabè aient de la passion pour quelque chose qui leur permettra de se prendre en charge, qu’ils s’asseyent et se donnent le temps d’apprendre", a conseillé Adjaratou Sawadogo.

"J’ai été marquée par la passion de Marcel Lankoandé" Adjaratou Sawadogo

"J’ai vu l’affiche de ce film hier. Et à la vue du titre et de l’image, je me suis dit que je ne devais pas rater ça. Pendant la présentation, j’ai failli couler des larmes car je suis moi-meme horloger, mais je ne savais pas que les choses en la matière étaient si profondes... Quand j’étais assis, beaucoup de choses défilaient dans ma tête. J’ai un compte Tik Tok, Facebook, Instagram. Je sais qu’à l’époque de "Papa Marcel" il n’y avait pas tous ces réseaux, et ce n’est pas sûr aujourd’hui qu’il sait comment les utiliser. Avec ce métier, il faut arriver à créer du contenu, pour permettre à des gens à la maison de pouvoir régler certains problèmes liés à leurs montres, même étant chez eux", a entrevu Parfait Gansonré, promoteur de "La rue des montres" et de "Docteur montre", par ailleurs, ingénieur en réseau et système informatique.

"Je suis content d’avoir connu "Papa Marcel" ce soir. Je le prendrai pour mentor et parrain" Parfait Gansonré

Pour l’heure, Marcel Lankoandé n’exerce pas dans un local bien précis. Mais chez lui, à la maison, il dispose de tout le matériel pour démonter, réparer et remonter une montre comme il se doit. Son ambition est d’être utile aux plus jeunes et leur permettre de s’essayer à ce métier car dit-il : "en 2018, la Côte d’Ivoire a mis à la disposition du Centre d’horlogerie d’Abidjan, un terrain pour permettre aux jeunes d’apprendre le métier. Je n’y suis pas retourné depuis lors, mais c’est un projet qu’on peut bel et bien initier ici. Ça peut sortir beaucoup de jeunes du chômage." Honoré en ce jour, 13 juin 2024, l’homme n’a que des remerciements au bout des lèvres, à l’endroit de la réalisatrice qui braque sur lui le feu des projecteurs : "je remercie mademoiselle Sara et toute son équipe pour cette main tendue", s’est-il exclamé.

Erwan Compaoré
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