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Affectation au MESSRS : Le casse-tête des enseignants défaillants

Publié le lundi 20 mars 2006 à 07h34min

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Noëlie Yaogo est professeur d’anglais de son état. Elle enseignait au lycée provincial de Boromo jusqu’en octobre 2005, date à laquelle elle fut affectée par une note de service du 4 novembre de la même année. Destination, le lycée technique Amilcar Cabral de Ouagadougou.

L’enseignante fait son baluchon, ramasse ses clics et ses clacs, et atterrit dans la capitale. C’est donc toute enthousiaste de partager le savoir qu’elle s’est rendue à son nouveau poste après une halte au quartier Tampouy où elle emménagea.

Sa première désillusion à Ouaga, elle la rencontre au LTAC où le proviseur a simplement refusé, selon les dires du professeur d’anglais, de lui délivrer son certificat de prise de service. Pourquoi ? "Laissez-moi tranquille", lui aurait répondu le maître des lieux.
Comme pour tout corser, le censeur du LTAC se met dans la danse. "Il a refusé lui aussi, de me donner mon emploi du temps", explique l’enseignante. "Je perçois mon salaire, certes, mais je ne veux point me résigner à cette situation incroyable", signifie le professeur d’anglais.

Existerait-il des antécédents entre le proviseur du LTAC et la prof d’anglais ? "Je ne le connaissais même pas, tout comme j’ignorais jusqu’à l’emplacement du LTAC", a rétorqué l’enseignante. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Noëlie Yaogo, lors de ces interminables va- et-vient entre son domicile à Tampouy et le LTAC, est victime d’un accident de la circulation le 30 janvier 2006, ce qui nécessita son passage à l’unité des urgences traumatologiques du centre hospitalier national universitaire Yalgado- Ouédraogo. Elle est actuellement suivie par un neurologue.

"Je veux mon certificat de prise de service, et à la date du 4 novembre", revient à la charge Noëlie Yaogo, qui a brandi les différents documents qui attestent son affectation pour nécessité de service au LTAC. Pour dénouer le problème, elle a, du reste, fait appel à la direction régionale du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique du Centre (DRESSRS) dont elle relève désormais. Là s’arrête le récit des malheurs de cette enseignante, selon sa version. Les raisons énumérées en face pour ne pas lui accorder le certificat de prise de service sont tout autres.

Le problème est tout autre

Au LTAC, les responsables ne voient pas du tout le problème sous le même prisme. "Nous avons effectivement reçu l’enseignante en question", reconnaît Pierre Vokouma, censeur du LTAC. Seulement, la plaignante ne se porterait pas bien après un accident, qui a dû laisser des séquelles sérieuses sur sa santé mentale. Selon le censeur, elle-même en serait consciente. "Le dossier est actuellement géré par la DRESSRS", a notifié le censeur. Ce n’est pas tout Pierre Vokouma mentionne aussi que Noëlie Yaogo a "un problème de CAPES". (certificat d’aptitude de l’enseignement secondaire, ndlr).

Questions : pourquoi, au niveau du ministère des Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS), bien qu’on soit au fait de l’état de santé de Noëlie Yaogo, l’a-t-on affectée dans un autre lycée ? Pourquoi ne pas lui avoir donné une disponibilité et l’orienter vers des services compétents pour des soins adéquats ?

Ce sont les intéressés eux-mêmes qui refusent de se présenter au conseil de santé, a rétorqué en substance Patindé Jean Bernard Thiombiano. En somme, ces enseignants qui souffrent d’un mal le cachent tant qu’ils le peuvent.

C’est quand, suite à des soupçons étayés par des preuves, Patindé Jean Bernard Thiombiano, directeur régional du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique du Centre a dit à l’enseignante Noëlie Yaogo qu’il l’affecterait dans un village non loin de Ouaga, que celle-ci aurait avoué avoir des problèmes de santé. "Nous avons eu beaucoup de cas de ce genre, et même pire", a révélé le DR du Centre, qui a déploré qu’au bout du rouleau, ce sont les élèves qui sont pénalisés. "Du reste, c’est toujours les plaintes des élèves ou des comportements d’enseignants malades sur le terrain qui nous mettent la puce à l’oreille", regrette Patindé Jean Bernard Thiombiano qui aurait bien voulu que les enseignants soient plus coopératifs.

Quid du problème de CAPES que connaît Noëlie Yaogo ? "Pour ça, on a trouvé une solution". En ce qui concerne les difficultés de santé, le DR du Centre sort une autre carte de ses manches. "Nous allons laisser finir l’année et l’affecter dans un lycée proche de chez elle, où elle pourrait, si elle n’est plus apte à enseigner, s’occuper d’autres tâches administratives", a noté M. Thiombiano. Seulement, cet atout sera abattu après une sensibilisation poussée du responsable de l’établissement qui devrait accueillir Dame Yaogo. Donc le problème de Noëlie Yaogo est réglé d’une manière ou d’une autre.

En effet, deux jours après notre entretien téléphonique avec le DR du Centre, l’enseignante d’anglais qui se croyait persécutée est venue nous montrer son certificat de prise de service, paraphé par Dani Yazouma, proviseur du lycée technique Amilcar Cabral. Le document mentionne "le 11 novembre 2005", au lieu du 4 novembre, comme l’exigeait Noëlie Yaogo. "Mais ce n’est pas grave", reconnaît-elle, avant d’évoquer brièvement tout de même "qu’il reste l’emploi du temps".

Cette affaire qui semble s’acheminer vers un dénouement heureux met à nu un véritable dysfonctionnement dans le système éducatif. En effet, par le jeu des affectations qui ne sont gérées que par le biais de documents administratifs, le ministère met parfois à la disposition des établissements des enseignants souffrants qui ne pourront assurer leurs cours que partiellement. Au pire des cas, ils désertent carrément leurs classes, abandonnant les élèves, souvent à des périodes cruciales de l’année.

Il faudra mettre de l’ordre dans la maison, afin que le système éducatif, acculé de toutes parts, puisse gérer le cas des enseignants défaillants. Cela, pour le bonheur et des enseignants qui doivent être pris en charge sanitairement, et des élèves qui ont besoin d’éducateurs de qualité.

Par Morin YAMONGBE

Le Pays

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