Retour d’Alger via Casa : La saison des grands froids
Mon premier séjour à Alger remonte à février 2005, où j’avais accompagné l’équipe nationale du Burkina Faso pour un match amical international contre son homologue de l’Algérie. C’était dans le cadre de la préparation des éliminatoires de la phase retour de la CAN 2004.
Je me rappelle que c’était Air Algérie qui était venu, vide, chercher la délégation burkinabè. Il faut dire que cette compagnie aérienne est l’un des partenaires de la Fédération algérienne de football. Nous avions passé trois jours là-bas avant de regagner Ouagadougou par le même vol.
Un an après, la chance a voulu que je reparte pour Alger dans le même mois. Mais, cette fois-ci, c’était avec le Rail club du Kadiogo (RCK), qui disputait son match retour du tour préliminaire de la ligue africaine des champions 2006. La rencontre devait initialement se jouer le dimanche 5 mars au stade du 5-Juillet. Mais à la dernière minute, elle a été ramenée au vendredi 3 mars, sur le même terrain. Une nouvelle programmation qui a amené le ministère des Sports et des Loisirs à accélérer les choses au niveau des billets et des visas à l’ambassade d’Algérie au Burkina.
Le dimanche 26 février, tout était prêt et c’est dans la nuit du lundi 27 février à 4 h 30 que la délégation a quitté Ouaga à bord d’un avion de Royal Air Maroc. Nous sommes arrivés à Casablanca après 3 heures de vol. A 9 h 08, on embarque dans un autre appareil de Royal Air Maroc pour Alger, que nous atteindrons à 11 h 35 ( heure locale), soit 10 h 35 TU. Un responsable de l’Union sportive de la Médina d’Alger nous attendait et après les formalités de police, c’est à l’hôtel Dar Diaf que la délégation a installé son quartier général.
Avant le match, le chef de mission, Djbril Zeba, avait pris contact avec l’agence de la compagnie marocaine pour qu’on puisse rentrer le lundi 6 mars. Mais à ce qu’on dit, il n’y avait pas de place pour tout le monde et il fallait encore patienter deux jours supplémentaires après la rencontre.
On a parlé en bien du RCK
C’était en quelque sorte l’occasion pour les uns et les autres d’aller découvrir Alger. Mais le hic, c’est qu’il faisait un temps à ne pas mettre un chien dehors et il fallait, au départ de Ouaga, avoir prévu de quoi se prémunir contre le froid. Presque tout le monde passait le temps à l’hôtel, soit à regarder la télé soit à lire les journaux. Ceux qui tenaient à dépenser leurs derniers dinars bravaient le temps pour sortir. Dans les parages de l’hôtel Dar Diaf, les boutiques ne manquent pas et on peut se procurer tout ce dont on a besoin. Le dimanche 5 mars, la veille de notre départ d’Alger, il ventait très fort. A un moment, embellie de soleil et temps couvert se sont mis à alterner.
Comme quelques personnes, j’ai mis le nez dehors. J’étais seul dans une rue passante. La vitesse du vent variait entre 80 et 90 km/h. De fortes rafales de vent empêchaient les piétons de marcher. Des gens me regardaient comme une bête curieuse, surtout des enfants qui revenaient de la boulangerie, tenant quelques miches de pain dans un petit sac. Certains n’hésitaient pas à me demander des dinars. J’étais très étonné, et mille pensées bouillonnaient en moi. Dans ce quartier, Dar Diaf, on sent qu’ils sont issus de milieux modestes. Je m’éloigne en leur disant que je n’ai pas de monnaie.
Ces jeunes enfants s’exprimaient bien en français et je les ai trouvés courtois. Devant les boutiques, la plupart des commerçants s’étaient emmitouflés dans leurs manteaux. Le temps était toujours maussade et le vent glacial. Après quelques kilomètres, je me retrouve dans un grand magasin de chaussures. Je voulais me mettre au chaud, mais même à l’intérieur, le froid sévissait toujours. Des vendeurs me regardaient sans rien dire. Ils étaient tous jeunes et habillés avec goût.
Je demande le prix d’une chaussure à l’un d’eux et c’est parti pour un brin de causette. Celui à qui je me suis adressé m’a parlé en bien du RCK, de même que d’autres qui n’ont pas hésité à prendre part à la conversation. « Vous avez une bonne équipe et elle a mieux joué que l’USMA. Les joueurs sont jeunes et peuvent aller loin », m’a-t-il dit. Quand je leur ai demandé s’ils étaient des Usmistes, ils ont fait la moue. Selon eux, certains sont du Mouloudia d’Alger et d’autres de la Jeunesse sportive de la Kabylie (JSK).
Ils ne sont pas contents que l’USMA ait passé le premier tour et selon eux, ce n’est pas sûr qu’elle aille loin dans la compétition. Mes interlocuteurs ont parlé des prouesses du gardien de but Rachid Compaoré, du défenseur Kassoum Fofana et de l’attaquant Issaka Seidou. La causerie était intéressante, mais il fallait bien que je parte, malgré les giboulées de mars qui m’attendaient dehors. Je porte mes pas vers l’hôtel Dar Diaf et après un bain à l’eau chaude, je me pelotonne sous mes couvertures.
Des problèmes de visa à Casa
Le lundi 6 mars, on quitte enfin Alger à bord d’un Airbus 321 de Royal Air Maroc. L’oiseau de fer a mis 1 h 25 pour rallier l’aéroport de Casablanca. Il est prévu une nuit dans cette ville, à la charge de la compagnie. Le chef de mission nous avait informé au départ de la capitale algérienne que ceux qui possédaient des passeports ordinaires pourraient avoir des ennuis pour sortir de l’aéroport. Et c’est ce qui est arrivé, avant que les choses ne s’arrangent plus tard. Pendant que ceux qui avaient des passeports de service faisaient leurs formalités sans problème, il s’est rendu dans le bureau des frontières pour voir ce qu’il pouvait faire pour ceux qui n’avaient pas de visa. Ils étaient huit, et j’en faisais partie.
Il faut dire que le changement de la date du match, à Alger, ne nous a pas permis de solliciter un visa à l’ambassade du Maroc à Ouaga. On était pris par le temps et on est parti pour Alger. Zeba revient et nous demande de patienter. Il fait des va-et-vient. Regroupés à côté de la maquette de la grande mosquée de Casa, certains d’entre nous étaient inquiets. Allions-nous passer la nuit à l’aéroport alors que nos bagages avaient été récupérés par les autres membres de la délégation ? Abdoul Diallo de la TNB et Victorien Marie Hien de la radio nous rejoignent pour avoir des nouvelles. C’est toujours le statu quo. « Si c’était un voyage sans escale, on aurait évité tous ces problèmes », lance un des responsables du RCK.
Peu de temps après, on verra Zeba, accompagné d’une personne en civil qui semblait être le responsable de la police des frontières. Ce dernier récupère nos passeports et rejoint son bureau. Il reviendra avec un permis de visa collectif pour les huit personnes, sans remettre nos passeports. Pensait-il que parmi nous, des gens quitteraient le royaume chérifien pour l’Espagne ou pour une autre destination par la mer ? Personnellement, ça m’a fait sourire parce qu’à mon âge, je ne me vois pas en train d’aller tenter l’aventure en Europe. Je préfère aller cultiver des arachides dans mon patelin plutôt que de prendre ce risque.
La troisième grande mosquée du monde
On sort enfin de l’aéroport Mohamed V. Les autres, avec d’autres passagers, avaient pris place dans un car. Une heure d’attente, il y a de quoi avoir les nerfs en pelote. Le car en question était plein avec des sacs qui barraient le passage. Au moment où je cherchais en vain une place, le chauffeur m’invite à m’asseoir à côté de lui. Pour moi, c’était tout simplement un privilège. Le car s’ébranle. Au fur et à mesure qu’il roule, je découvre la banlieue de Casa. On est sur un boulevard, et la circulation est fluide. Les panneaux d’indication attirent mon attention et je commence à comprendre que le centre-ville doit être loin. Tout à coup, le chauffeur me demande si c’est la première fois que je viens au Maroc.
J’ai répondu oui en ajoutant qu’on se croirait en Europe. En effet, ce que je voyais m’enchantait : des maisons cossues, des voitures rutilantes, un paysage urbain et des hôtels luxueux. Casablanca, m’a dit le chauffeur qui répond au nom de Rahim Abdo, est à 35 km de l’aéroport. C’est une ville commerciale et économique et elle compte 5 millions d’habitants. Pendant la montée d’une colline, il me montre au loin la troisième grande mosquée du monde. Selon lui, elle peut contenir plus de vingt mille fidèles. Le minaret est sidérant tant par sa hauteur que par sa beauté. Chemin faisant, un motard nous double et contraint un véhicule à se garer. Je demande au chauffeur ce qui se passe puisqu’il semble m’avoir pris en sympathie. Il me montre les marquages sur la route et je me rends compte que le fautif n’a pas respecté la ligne continue.
Après des détours, le car s’immobilise devant l’hôtel Azur. Il était à peu près 16 heures. A peine les bagages montés dans les différentes chambres, que certains prennent la direction de la ville. Ils ont déjà fait Casa et comme ils ont encore de l’argent, ils veulent en profiter. En ce qui me concerne, je suis resté dans ma chambre pour relire le poème sur la colère de Samson, le cinquième des poèmes qui entrent dans la composition des Destinées d’Alfred de Vigny. Je pense que les femmes devront le lire à chaque journée du 8-Mars, pour comprendre le tableau de la lutte des sexes et l’image idéalisée de...
Cet hôtel, qui se trouve sur le boulevard de la Corniche, regarde vers la mer. De sa chambre, on a une vue panoramique sur l’océan atlantique. Comme à Alger, c’est la saison des grands froids à Casa. Même dans sa chambre, on sent la morsure du froid, malgré le chauffage. Le mardi 7 mars, vers 10 heures, alors que les joueurs du RCK faisaient du footing sur la plage, des clients étaient attablés aux terrasses des cafés de la corniche. Non loin d’eux, je contemplais la mer. Elle était agitée et de grosses vagues se brisaient sur le rivage. A cette heure, des martins-pêcheurs étaient à l’affût des poissons.
Je suis resté là, un bon moment à humer avec délice l’air frais du matin. Dans l’après-midi, je suis allé en taxi, ce qui m’a coûté 20 dirhams (1300 FCFA), pour un tour au souk. Ce que j’ai acheté là-bas, c’est un livre sur le football au Maroc. Mais il y a cependant du tout au souk et si vous êtes un jour de passage à Casa, n’hésitez pas à y faire un tour. Vous pouvez passer facilement trois heures sans vous rendre compte du temps qui passe. 20 h 15. On quitte l’hôtel Azur pour l’aéroport. On nous remet nos passeports. A 23 h 05, l’avion décolle. 2 heures 30, bonjour Ouaga ! Bonjour également, les dures réalités quotidiennes au Faso.
Justin Daboné
Observateur Paalga