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Coupe d’Afrique des clubs champions : L’échec programmé des Burkinabè

Publié le mercredi 8 mars 2006 à 07h37min

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La campagne africaine est déjà finie pour les clubs burkinabè. Le RCK en Ligue des Champions et l’USO en coupe de la Confédération ont été sortis par l’USMA d’Algérie et l’Espérance sportive de Zarzis de Tunisie. Les résultats sont le reflet de la qualité du travail qui est fait au Burkina Faso ; insuffisant pour tutoyer les meilleurs du continent.

Le football burkinabè a encore échoué dans son intention de se faire une place sur l’échiquier continental. Nos deux représentants dans les compétitions interclubs se sont fait sortir dès le tour préliminaire par leurs adversaires maghrébins. L’USO et le RCK, les deux meilleurs de la saison 2004-2005 n’ont pas fait que leurs devanciers. Des Faucons de Amado TRAORE et des Enfants de Larlé de Félix TIEMTARBOUM, on n’attendait peut-être pas de miracle. Leur trop longue absence de la scène internationale était un handicap sérieux, même s’il n’était pas insurmontable, dans des compétitions relevées. Les coupes d’Afrique sont des rendez-vous de l’excellence pour les entités de base du football continental. Tous ceux qui se présentent se préparent très sérieusement en mettant les moyens qu’il faut dans le recrutement et le management des équipes.

Malheureusement pour nos représentants, le cours des évènements après l’obtention du billet qualificatif n’a pas été au renforcement des acquis ou à leur consolidation, mais à la dispersion des forces. Si bien que les édifices ont été très profondément modifiés par rapport à celles victorieuses la saison dernière. Ce chamboulement dans les structures a donné lieu à un recommencement forcément préjudiciable à la cohésion et à la compétitivité des groupes.

Le RCK équipe championne a vu partir pour des raisons d’incompréhensions son entraîneur Séraphin DARGANI vers l’ASFA-Yennenga. Des joueurs majeurs de son équipe, comme Daouda KINDA, Idrissa SEIDOU, LAOUALI Idrissa, Djomangan FOFANA sont allés vers d’autres cieux, tandis que Ibrahim KANO la clé et Amara SOME même s’ils sont restés au club ne sont presque plus opérationnelles.

Le recrutement de l’Ivoirien Aka Basile KOUAME pour remplacer DARGANI est une rupture parce que les deux hommes ne peuvent pas avoir la même conception du football compte tenu de leur parcours et leur provenance respective. Aka KOUAME a pris donc le temps qu’il faille pour imposer son style, choisir ses hommes avant de mettre le train en marche. Si les résultats techniques en championnat ne sont pas mauvais, il y a que le jeu produit sur le terrain était approximatif pour espérer s’imposer sur la scène africaine.

On ne sentait pas une équipe puissante capable d’imposer son jeu avec des changements de rythme et des décalages obligatoires dans le football moderne. On l’a vu au match aller. Les faucons qui devaient prendre une option sérieuse avant le périlleux déplacement d’Alger ont plutôt joué au rythme de l’USMA. Les Algériens à l’aise sur la pelouse du Stade Municipal se sont contentés de gérer la partie au vu du match retour. Le miracle ne pouvait pas se produire au Stade du 5-Juillet malgré les déclarations des responsables et joueurs qui prédisent le meilleur.

L’USO était dans le même tempo

L’Union Sportive de Ouagadougou, d’habitude stable au niveau de son effectif a connu une grande saignée cette saison. Le coach adjoint Aboubacar CISSE dit Garba, le défenseur central Tidiane OUEDRAOGO et l’ailier Gauche Vivien TASSEMBEDO ont rejoint l’ASFA-Yennenga . Les demi-défensifs Florent ROUAMBA et Salif NOGO et les attaquants Benjamin BALIMA et Salif NOGO ont fait leurs bagages pour l’Europe. Ainsi ‘ amputés », il était difficile aux Enfants de Larlé de retrouver un équilibre et une compétitivité à toute épreuve même si le coach Isaac ACQUEYE a puisé dans la réserve pour les remplacer. Si on ajoute la baisse de régime de certains ténors comme Hyacinthe Hermann OUEDRAOGO absent au retour pour cause de carton rouge pris à l’aller, on comprend pourquoi battre l’Espérance de Zarzis était mission impossible pour les Burkinabè.

Sur le plan continental, il n’est pas possible de faire du colmatage surtout quand on doit affronter des équipes d’Afrique du Nord dont les habitudes de management sont proches de l’Europe. Il faut se présenter devant eux en super forme, pour relever les défis physiques et techniques. Ce qui n’était pas le cas pour nos représentants dont les lacunes étaient trop criardes dans le développement du jeu.

Les enseignements

C’est une routine pour les clubs burkinabè puisque le scénario est le même chaque année. Ils ne pèsent pas lourds sur la scène continentale. L’échec du RCK et de l’USO ne fait que confirmer cette incapacité à se faire valoir hors des pelouses nationales. Les enseignements qu’il faut tirer sont donc valables pour tous.

Le premier nous semble être la mauvaise organisation des clubs. Les structures dirigeantes de nos équipes ne sont pas toujours performantes. Les dirigeants ne semblent pas mettre les intérêts des associations au premier plan. C’est comme un passe-temps à côté de leurs activités principales, si ce n’est pas une clé pour ouvrir des portes en alourdissant leur carte de visite. C’est pourquoi après l’enthousiasme des Assemblées générales, la tâche revient le plus souvent à une personne qui doit se saigner en temps et argent pour que le club vive. Les autres attendent tranquillement les lauriers pour porter.

Le RCK est un bon exemple. Son président Amado TRAORE est seul ou presque à avoir fait de l’équipe ce qu’elle est aujourd’hui. S’il n’a pas pu tenir certaines de ses promesses, c’est certainement parce que le fardeau était trop lourd pour ses épaules. Il y a les parrains qui sont des hommes politiques ou des grands commis de l’administration, mais ils ne donnent que de temps en temps des subsides. Or un club de football ne peut pas grandir sur la base de l’aumône. Il faut des budgets bien planifiés et exécutés avec la rigueur.

Le deuxième enseignement est le manque de formation des jeunes. Au Burkina, les clubs ont fui leur responsabilité de préparer la relève. Ce sont des particuliers à travers des centres de formation qui initient les enfants à la pratique du football. Cette défaillance est très grave pour l’avenir même de la discipline. On ne peut plus bâtir des équipes compétitives à travers la méthode traditionnelle de recrutement dans les quartiers puisque ces entités ont perdu leur capacité de production avec l’évolution socioéconomique. Les pépinières comme Carabine Jaune pour l’EFO, les équipes de Samandin et Bilbalogho pour l’ASFA- Yennenga...ont tous disparu.

Le seul foyer de l’Ouest

Le renouvellement des générations se fait pratiquement à travers le seul vivier de l’Ouest. Conséquence les joueurs sont arrachés très jeunes de leur milieu naturel et soumis à des tâches pour lesquelles, ils ne sont pas préparés. La pression dans les clubs de Ouagadougou n’a rien à voir avec celle de Bobo-Dioulasso.

Dans la capitale, l’esprit est plus professionnel avec ses exigences de résultats alors qu’à Bobo-Dioulasso le paternalisme est toujours de mise avec le laxisme qu’il engendre. Voilà pourquoi le taux d’échec est très élevé. Et c’est le football national qui perd avec la « mort » prématurée des talents qui auraient pu s’épanouir s’ils avaient eu le temps de la croissance.

Sinon comment comprendre que des clubs présentent deux équipes différentes en deux saisons. Sous le prétexte de rajeunissement, une équipe entière est balayée et remplacée par de nouvelles recrues. On n’a pas besoin d’être un technicien pour savoir que l’échec est garanti dans ces conditions. Si on réussit à être champion au niveau national parce qu’on patauge dans la même boue, sur le plan continental, on se fait broyer par les équipes mieux organisées qui mettent du sien dans leur préparation.

Changer les méthodes

La Fédération Burkinabè de Football dont le rôle est d’administrer le sport roi doit prendre les mesures nécessaires à son épanouissement. A sa charge, il faut noter le manque de véritables championnats de jeunes adoptant la formule classique des matchs aller-retour comme chez les seniors. Les clubs doivent pouvoir présenter des équipes dans les trois catégories - minime, cadette et junior-avant de prétendre évoluer dans l’élite. Les compétitions organisées à la va-vite pendant l’intersaison et baptisées championnat national de petites catégories ne seront jamais la solution du problème.

Si le manque de moyens est indéniable, il faut prendre alors des mesures courageuses comme la réduction des équipes de première et deuxième division ou la re formulation des deux championnats afin de pouvoir dégager les ressources nécessaires à la mise en place de véritables championnats de petites catégories. Les Burkinabè ne sont pas moins talentueux que les autres. La différence réside dans l’approche des choses et le management. L’absence des Etalons à la CAN 2006 et le double échec de nos clubs doivent constituer des leçons.

Notre conception du foot n’est pas la bonne. Une équipe nationale ne vaut que ce que valent les clubs. On peut faire tout ce qu’on veut pour pousser les Etalons Seniors, mais il n’y aura pas de résultats significatifs tant que les clubs seront des figurants sur la scène continentale. Notre contre-pied est l’Egypte. L’équipe des Pharaons qui vient d’être sacré championne d’Afrique à la CAN 2006 est composée à 90% de joueurs EL ALHY, le club vainqueur de la ligue africaine des champions.

Tous les pays qui ont brillé lors de la CAN en Egypte ont des clubs bien côtés dans les compétitions continentales. Le temps est venu de se regarder dans la glace pour éviter les échecs répétés des clubs sur la scène africaine.

Par Ahmed Nazé

L’Opinion

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