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Colloque Afrique-Asie et le monde : « Face au péril terroriste, les Burkinabè ont su compter le nombre de leurs amis sur l’échiquier international », Pr Serge Théophile Balima

Publié le lundi 8 janvier 2024 à 21h55min

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Colloque Afrique-Asie et le monde : « Face au péril terroriste, les Burkinabè ont su compter le nombre de leurs amis sur l’échiquier international », Pr Serge Théophile Balima

Le professeur Serge Théophile Balima, éminent universitaire et ancien ministre de la communication et de la culture au Burkina Faso, a captivé l’audience du colloque international Afrique-Asie et le monde, en présentant la communication inaugurale. Son intervention, riche en réflexions, a abordé des sujets importants comme le poids de l’histoire coloniale, les questions identitaires et la problématique des conflits en Afrique, ainsi que les nouvelles perspectives de partenariats entre l’Afrique et l’Asie. C’était le mercredi 13 décembre 2023 à Ouagadougou.

Le Pr Serge Théophile Balima a entamé sa communication en replongeant l’auditoire dans le passé, mettant en exergue le poids de l’histoire coloniale et les tentatives de destruction des cultures africaines et asiatiques.

Le poids de l’histoire coloniale

« Nos deux continents ont connu les mêmes tragédies dans l’histoire des peuples. L’imaginaire érotique occidental est saturé de fantasmes sur la sensualité prêtée aux femmes orientales. Mais ce stéréotype, né en même temps que les grands empires coloniaux, contribue à décrire les espaces asiatiques comme des terres de peu de vertu », a-t-il indiqué.

En vue d’étayer ses propos, Pr Serge Balima met en relief les opinions de l’illustre théoricien littéraire et critique palestino-américain, feu Edward Wadie Saïd, à travers son livre intitulé « Culture et impérialisme ». Pr Balima affirme que l’auteur considère l’orientalisme comme un savoir occidental sur l’Orient qui est à la fois un aspect du colonialisme et de l’impérialisme.

De plus, il relève que les marchands occidentaux ont décrit l’Orient, selon Saïd, comme un creuset de péchés et de dépravation pour mieux justifier la colonisation et l’appropriation de ce que bon leur semblait, des épices jusqu’aux ressources naturelles.

« Tout méprisants et racistes qu’ils aient été dans la description de ces cultures, les occidentaux ont véritablement vu dans nos peuples asiatiques et africains tout ce qu’il y avait de mauvais, même s’ils ne se privaient pas de certains plaisirs terrestres dans nos contrées. Ils ont envahi des pays étrangers qu’ils ne connaissaient pas, renversé leurs dirigeants, volé leurs ressources et dénigré leurs peuples », rappelle Pr Serge Balima.

Il mentionne que le même phénomène s’est produit en Afrique. « Les conséquences démographiques, ethnologiques, culturelles et économiques de la saignée esclavagiste sont incalculables. Malgré ces faits troublants, certains théoriciens et spécialistes occidentaux prétendent que le nombre de millions d’Africains traités en esclaves n’a constitué nullement un handicap au décollage socio-économique du continent », a révélé Pr Balima, ajoutant que ces théoriciens prétendent même que, mathématiquement, l’Afrique a bénéficié tout compte fait de sa propre exploitation…
Après donc plusieurs siècles de domination et d’exploitation coloniale, Pr Balima souligne que l’Afrique et l’Asie se retrouvent maintenant dans la sauvegarde et la préservation de leurs cultures endogènes soutenues par un élan de solidarité sans précédent.

Cette première partie de la communication du Pr Balima a montré la nécessité de comprendre ces héritages pour forger un avenir commun, mettant en lumière les tentatives continues des deux continents pour préserver et revitaliser leurs identités culturelles.

Problématique des conflits et de la paix en Afrique

En effet, le deuxième point de sa communication met en avant les questions identitaires, ainsi que la complexité des conflits et la quête de la paix en Afrique. Du point de vue du Pr Balima, la question de la relative inertie des trajectoires de développement en Afrique subsaharienne a longtemps été analysée sur deux volets. D’une part, dans le cadre des théories de la dépendance : échange inégal, domination, néocolonialisme. D’autre part, à travers une approche privilégiant les dynamiques internes : corruption, institutions biaisées, formes spécifiques d’exercice du pouvoir étatique.

De l’interprétation du conférencier, ce choix méthodologique n’est point neutre. « En se basant sur la relation avec l’Europe comme matrice explicative de trajectoires de développement, l’analyse élude une part importante des relations économiques extérieures de l’Afrique subsaharienne, notamment celle avec le monde asiatique », fait savoir Pr Balima.

Il explique qu’aujourd’hui, ces référents occidentaux tendent à être marginalisés, car les anciennes métropoles n’étant plus les seules capables d’inspirer une normalité juridique et politique. « Leurs instruments linguistiques ne sont plus les seuls à pouvoir faire passer le message dans la conscience nationale et internationale », a-t-il précisé.

À ce titre, Pr Balima revient sur un extrait des propos de l’ancien ministre de l’Information de la République démocratique du Congo, feu Anicet Kashamura. « Au cours de l’histoire, le vainqueur a diffusé sa culture, il l’a entourée d’un mythe et c’est lui qui a déterminé les structures de la société chez les vaincus. Ainsi, la destruction culturelle des peuples dominés s’est-elle réalisée depuis la cité grecque jusqu’à l’époque des impérialismes contemporains… Ces puissances imposaient, sans répit, leurs cultures aux autres et forçaient, s’il le fallait par la violence, les autres nations à les imiter et à adopter leur mode de vie. De nos jours, aux méfaits de la colonisation, est venu se greffer un phénomène social : la décolonisation synonyme de dépotoir culturel », citait-il…

Selon l’ex ministre de la culture burkinabè, dans l’approche socratique, le dialogue comme mode de résolution des conflits est indépendant de toute position de domination sociale. Et c’est là, renchérit-il, toute la difficulté des acteurs décisionnels africains, qui bien souvent, perçoivent le dialogue comme une forme de discours sans vouloir vraiment l’implémenter. Il ajoute qu’on use alors de stéréotypes tribaux et ethnicistes implicites pour verrouiller le dialogue, empêchant ainsi de faire tomber les fausses idées, les fausses opinions et les fausses vérités qui ont cours dans certaines communautés à la base.

Un nouveau partenariat dans un nouveau monde

Le Pr Balima a ainsi examiné de près les dynamiques sociales et politiques qui alimentent les conflits, avant d’entamer la dernière partie de son exposé, explorant les relations entre l’Afrique et l’Asie dans un monde en évolution rapide. Le Pr Balima introduit en ces termes : « L’Occident n’est plus le centre du monde et le Burkina Faso en a pris conscience ».

Dans cette partie, l’expert des sciences et techniques de l’information et de la communication évoque la nécessité d’un nouveau partenariat, adapté aux réalités du XXIe siècle pour faire face aux défis actuels et futurs. « Face au péril terroriste qui répand la terreur sur les braves populations de notre pays, les Burkinabè ont su compter le nombre de leurs amis sur l’échiquier international. C’est dans ce contexte, que la nécessité d’élargir ses partenaires dans le monde, l’a conduit à s’orienter vers l’Asie où sa cause est mieux entendue », a-t-il déclaré.

Pr Balima souligne que les gouvernements du Burkina Faso et ceux du monde asiatique ont décidé d’établir ou de renforcer leurs relations diplomatiques, économiques et culturelles, guidés par une volonté commune de développer des relations d’amitié et de coopération. Il soutient alors, que la conviction de la force dont revêt la solidarité entre les peuples, constituant la voie durable pour le développement et la paix dans le monde, a été le principal motif d’engagement du Burkina Faso au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Cette Alliance ouvre, explique Pr Balima, la voie à l’instauration future d’une coopération dynamique dans les domaines d’intérêt commun pour les trois pays, tous membres du groupe des Pays les moins avancés (PMA) et des Pays en développement sans littoral (PDSL).

Pour Pr Balima, depuis 2005, les échanges entre l’Afrique subsaharienne et l’Asie (du Japon à l’Inde) devancent en effet, ceux entre l’Europe et l’Afrique. Et si la Chine est incontestablement le moteur de cette évolution, elle n’en est pas le seul acteur…
En conclusion, Pr Balima estime que les rapports inextricables entre le calcul social et l’économie, les considérations culturelles et les besoins de technologies, les options politiques et les impératifs de développement sont aujourd’hui, si manifestes qu’il faut que les Africains maîtrisent leur histoire. Il leur faut poursuit-il, utiliser la clé de leur culture s’ils veulent être les acteurs de leur affirmation, les gestionnaires de leur vie et les stratèges de leur futur.

L’intervention du Pr Serge Théophile Balima a suscité des discussions animées parmi les participants au colloque, composés d’académiciens, de chercheurs et de professionnels du domaine. Ses perspectives éclairantes ont jeté les bases d’un dialogue stimulant et ont ouvert la voie à des réflexions approfondies sur les défis et les opportunités qui façonnent l’avenir de l’Afrique, de l’Asie et du monde.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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