Burkina/Exposé sur la situation de la Nation : « Nous pouvons affirmer notre souveraineté sans envenimer nos relations avec les autres », conseille le député Daouda Diallo
Le Premier ministre Apollinaire Joachimson Kyélèm de Tambéla a procédé le vendredi 1er décembre 2023 au traditionnel exposé sur la situation de la Nation devant les députés de l’Assemblée législative de la transition (ALT). Toute la journée a été consacrée aux échanges entre le chef du gouvernement et les députés. A l’issue de cet exposé, quelques députés ont accepté de donner leurs appréciations. On retient donc des points de satisfaction mais aussi des insuffisances constatées par ces députés. Tout en appréciant l’exposé et les réponses du Premier ministre, Dr Daouda Diallo, 4e vice-président de l’ALT, a émis quelques réserves notamment sur les propos à l’encontre des partenaires occidentaux. Pour lui, ces déclarations sont de nature à durcir encore plus les rapports avec l’extérieur au lieu de les améliorer. Si certains députés ont recommandé la convocation des assises nationales sur la paix, d’autres ont invité le Premier ministre à ne pas occulter la question de l’environnement.
A l’issue de cet exposé, de nombreux députés se disent satisfaits sur certains résultats engrangés mais ont formulé aussi quelques recommandations au gouvernement burkinabè en vue de contribuer au développement du pays.
Le Dr Daouda Diallo, 4e vice-président de l’ALT, dit avoir une appréciation mitigée de l’exposé du Premier ministre, notamment sur les questions relatives aux relations avec certains partenaires. Mais il a relevé des points positifs de cette prestation du Premier ministre.
« Aujourd’hui, nous sommes dans une bonne perspective avec le fait qu’un des axes importants du Plan d’action pour la stabilisation et le développement (PAS-D) de la Transition est en train d’être mis en œuvre. C’est-à-dire la restauration de l’intégrité du territoire, parce que le gouvernement est en train de prendre des options sérieuses sur ce plan. Maintenant, nous n’avons pas à subir les terroristes, nous opposons une réponse, une riposte aux attaques qui sont faites. Ce qui veut dire que nous sommes en train de monter en puissance sur le plan de la reconquête de l’intégrité du territoire. Et cela est une très bonne nouvelle. L’autre bonne nouvelle, c’est que nous avons une prise en charge assez conséquente des personnes déplacées internes avec de bonnes perspectives pour les femmes lorsqu’elles vont être réinstallées dans les zones qui vont être libérées. Nous avons de bonnes perspectives dans le cadre de la refondation de la Nation avec des dispositions qui sont en train d’être prises pour que nous puissions impulser véritablement un développement au sortir de cette mauvaise période de terrorisme que nous connaissons », indique-t-il.
totalement certaines positions ou déclarations sur certains partenaires, notamment occidentaux. Pour lui, ces annonces ne font que durcir les relations du Burkina Faso avec ces différents pays. « Ce qui n’a pas été de mon avis assez bien, c’est le fait qu’il y ait des frondes vis-à-vis de l’Occident de manière générale, qu’il y ait des annonces qui, de mon point de vue, sont de nature à durcir encore plus nos rapports avec l’extérieur que de les améliorer. Je pars du principe que nous pouvons affirmer notre souveraineté, nous pouvons être responsables dans la gestion de notre pays, nous pouvons avoir un développement endogène mais tout en n’envenimant pas les rapports que nous pouvons avoir avec l’étranger. Nous devons être dans une posture ou dans une démarche consistant à pouvoir affirmer notre souveraineté mais tout en étant dans une stratégie consistant à apaiser nos rapports avec les autres. Il y a de bonnes perspectives mais il faut qu’on se mette aussi dans la perspective d’apaiser nos rapports avec un certain nombre de pays. Le monde se fait avec tout le monde, pas seulement avec quelques-uns », conseille-t-il.
Pour le député Moussa Sangaré, le Premier ministre a fait un discours sincère sur la situation de la Nation. « Dans ses réponses, il a indiqué sans complaisance que 65,65% du territoire national est aujourd’hui libéré dont 22,39% subit encore des incursions terroristes. Il a demandé à ce qu’on se donne la main pour lutter contre ce fléau qui nous nuit au quotidien. On peut dire que globalement, je suis satisfait de son exposé. Mais comme ce sont aussi des projets qui sont envisagés, des ambitions, c’est difficile pour moi de dire que je suis satisfait tant que je ne vois pas certaines actions réalisées sur le terrain », confie-t-il.
Il a également recommandé la convocation d’assises nationales sur la paix afin d’impliquer tous les Burkinabè de l’intérieur et de la diaspora dans le processus de reconquête du territoire et de la recherche de la paix. « Je recommande qu’on convoque les assises nationales sur la paix afin d’impliquer toutes les filles et tous les fils du Burkina Faso dans cette réponse au terrorisme et aussi impliquer les Burkinabè de la diaspora pour que nous mettions nos idées ensemble, voir dans quelle mesure nous pouvons sortir de cette ornière. Le gouvernement a, certes, des bonnes idées mais dans la masse populaire, d’autres ont aussi des bonnes idées qui peuvent aider le gouvernement à lutter contre le terrorisme. Ce sont notamment les autorités politiques, coutumières, religieuses dont certains se sentent laissées de côté. Mais si on convoque tout le monde, ceux qui vont venir pourront donner des idées pertinentes », a-t-il recommandé.
Haoua Fofana, 2e vice-présidente de l’ALT dit avoir écouté avec beaucoup d’intérêt le discours du Premier ministre. Mais elle restée sur sa soif parce que le chef du gouvernement n’a pas évoqué la question environnementale pourtant importante à ses yeux. Selon elle, la question environnementale va de pair avec la lutte contre le terrorisme parce que dit-elle, à la fin de la restauration du territoire, il faut également restaurer l’environnement.
« Sur le discours du Premier ministre, je l’ai écouté agréablement jusqu’à la fin mais j’étais restée sur ma soif, sur le fait que son discours n’a pas évoqué les questions d’environnement. Or notre environnement est fortement dégradé non seulement par notre mode de production et de consommation ou notre mode d’utilisation de nos terres et également par le terrorisme qui impacte fortement sur l’environnement. Avant le terrorisme, l’environnement était déjà beaucoup dégradé par nos modes de production et de consommation. Je veux également parler de nos modes d’affectation ou d’utilisation des terres. En plus de ces facteurs de dégradation sur l’environnement, il y a l’impact du terrorisme sur l’environnement. Par rapport à cela, il faut faire d’abord un état des lieux de cet impact. Aujourd’hui, il est question de la restauration de l’intégrité du territoire mais à la fin, il sera également question de la restauration de l’environnement », explique-t-elle.
Haoua Fofana fonde son espoir que ses préoccupations et suggestions seront prises en compte par l’exécutif pour qu’à la fin du terrorisme, « la question environnementale soit prise en compte de façon intégrale afin de restaurer totalement l’environnement ».
Dr Alain Diédon Hien, député à l’ALT, s’est montré confiant quant à l’opération de reconquête du territoire nationale. Il a invité notamment ceux qui ont rejoint les groupes armés terroristes à revenir à la raison pour l’intérêt supérieur de la Nation. « Quand on regarde l’exposé du Premier ministre, il y a six mois, le taux de reconquête a évolué. On fait de grands pas et les victoires de ces derniers jours nous réconfortent. Ce sont des victoires éclatantes qui montrent bien que si tous les Burkinabè, nous nous mettons main dans la main, nous quittons derrière tous ceux qui nous endeuillent en étant des complices, nous sommes rassurés que les jours et les mois suivants, cette question du terrorisme et d’insécurité ne sera plus d’actualité dans notre pays. Donc, c’est vivement inviter les autres qui restent là-bas (dans les groupes armés terroristes), à revenir à la maison pour que nous puissions reconquérir entièrement ce pays et aller de l’avant », appelle-t-il.
« S’il y a de l’amélioration à faire, c’est souhaiter que pour des autres exercices, le Premier ministre puisse appeler davantage d’éléments concrets, de mesures qui impactent la vie des Burkinabè parce que les chiffres, les statistiques, c’est bien mais nos populations veulent des aspects pour lesquels, elles retrouvent ou sentent que leurs conditions de vie de tous les jours se sont améliorées. C’est par exemple le retour des PDI, la reconquête du territoire. Si nous allons dans ce sens, nous allons avoir plus d’éléments qui rassurent tous les Burkinabè que main dans la main, nous devrons continuer à consentir des efforts pour financer notre paix et que les années à venir, le développement sera au rendez-vous pour reconstruire ce pays que les générations nous ont laissé et que ceux qui viendront vont trouver un pays radieux où il fait bon vivre », a déclaré Dr Alain Diédon Hien.
Retrouvez l’intégralité de l’exposé du premier ministre sur la situation de la Nation dans le document ci-après :
Mamadou ZONGO
Lefaso.net