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Abdou Khadre Sall, prétendant à la présidentielle 2024 : « Il faut faire en sorte que notre Afrique, notre Sénégal, ne soit pas seulement un cimetière »

Publié le vendredi 3 novembre 2023 à 12h04min

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Abdou Khadre Sall, prétendant à la présidentielle 2024 : « Il faut faire en sorte que notre Afrique, notre Sénégal, ne soit pas seulement un cimetière »

Chef d’entreprises, diplômé en administration économique et sociale et en transport et logistique international, il est également connu pour ses interventions sur les questions de gouvernance de son pays, le Sénégal. Abdou Khadre Sall, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un jeune qui a décidé de descendre dans l’arène politique, en se déclarant candidat à la candidature de la présidentielle de février 2024. En séjour à Ouagadougou, il a été reçu dans les locaux de Lefaso.net, vendredi 20 octobre 2023, pour une interview à travers laquelle, il motive son intention de briguer la présidence, analyse la situation nationale sénégalaise et se prononce sur des questions liées à l’Afrique, notamment la jeunesse. Interview !

Lefaso.net : Vous êtes un des candidats à la candidature de la présidentielle de février 2024, et à ce titre, vous sillonnez l’intérieur du Sénégal à la rencontre et mobilisation de vos partisans. Depuis quelques jours, vous êtes à Ouagadougou, dans quel cadre faut-il inscrire ce séjour ?

Abdou Khadre Sall : Je voudrais d’abord vous remercier de m’avoir reçu ici, dans les locaux de Lefaso.net, qui est un média très bien connu pour sa qualité, très suivi par les diasporas comme à l’intérieur du pays. Et à ce titre d’ailleurs, ça m’intéresse beaucoup, parce que nous avons beaucoup de compatriotes ici au Faso, qui font partie de notre diaspora et dont je sollicite le parrainage. Et par cette occasion également, je veux surtout expliquer qui je suis, qu’est-ce que je représente, ce qu’est le mouvement ‘’Askanou Sénégal’’, quels sont les enjeux et quelle est la vision que nous souhaitons imprimer au Sénégal, si nous venons à être élu. C’est dans ce cadre que je suis ici à Ouagadougou. Ma présence à Ouagadougou s’inscrit également dans le cadre de mes activités ; j’ai une filiale que j’ai créée ici depuis 2021, qui commence à prendre forme. Aussi, je suis venu rencontrer l’équipe et pour voir un peu comment ça se passe.

Justement, jusque-là, on vous connaissait dans le milieu des affaires, à telle enseigne qu’on se demande qu’est-ce qu’un jeune entrepreneur, qui a une telle assise, vient chercher dans le monde politique, plein de turbulences ?

C’est l’esprit de patriotisme. En tant qu’entrepreneur, on crée de la valeur, des emplois, on aide les gens à s’élever socialement, à gagner en dignité sociale. Sauf qu’à chaque fois que je viens dans mon pays, que ce soit en vacances ou dans le cadre de ma vie professionnelle, je vois que la misère sociale ne se résorbe pas ; les gens sont de plus en plus souffrants socialement, sur pas mal de paramètres. Le quotidien de nos compatriotes, au lieu d’évoluer, a tendance à reculer. Or, je fais partie de cette génération qui a été éduquée pour apporter une solution aux difficultés que rencontrent nos compatriotes au plan socio-économique.

En essayant de créer de la valeur ajoutée, et en faisant aussi du social collectif (parce qu’on a construit des salles de classe, des forages, etc.), on se rend compte aujourd’hui que l’apport ne sera efficace que lorsqu’on a des leviers politiques. De ce fait, nous avons un peu tâté le terrain politique, pour voir quelle est la mouvance politique qui répond à notre vision, notre stratégie, pour le Sénégal de demain Malheureusement, nous n’avons vu aucun mouvement, aucun parti politique, qui incarne cette vision. C’est dans ce sens-là que nous avons créé le mouvement ‘’Askanou Sénégal’’, qui a décidé de m’investir en tant que candidat, pour aller chercher ce poste suprême qui permettra demain d’être aux responsabilités et de pouvoir insuffler une dynamique économique à tous nos compatriotes, qu’ils puissent s’élever socialement…, bref, améliorer leur quotidien. C’est cela qui m’a amené en politique et qui me motive au quotidien à continuer le combat.

Vous êtes effectivement porté par ‘’Askanou Sénégal’’, quelles sont les valeurs que prône ce mouvement et qu’est-ce qui le différencie des autres partis et organisations politiques ?

Le mouvement ‘’Askanou Sénégal’’ a pour première des valeurs, le patriotisme. Pour moi, un Sénégalais, où qu’il soit, à partir du moment où il se réclame sénégalais, doit être patriote. Il y a aussi une valeur de travail, parce qu’il ne faut pas se leurrer, sans le travail, on ne peut pas faire grand-chose, et aujourd’hui, notre pays a plus que jamais besoin de créer de la valeur, de permettre à notre jeunesse de travailler. Pour cela, il faut trouver les leviers qui permettent de créer du travail pour cette jeunesse. Ce qui veut dire qu’en amont, il faut la former ; c’est très important, parce qu’une jeunesse non formée, non éduquée, est vouée à la perdition. Donc, nous œuvrons dans ce sens-là. Il y aussi les valeurs de respect ; parce qu’une fois qu’on est patriote, qu’on est travailleur, il faut être respectueux des institutions, respectueux de son pays, de ses voisins, etc. Une des dernières valeurs que nous prônons, c’est celle de croyance en soi. Pour moi, si on travaille, si on est respectueux des institutions, si socialement on aide ses voisins, il faut aussi croire en soi pour pouvoir s’élever socialement ; parce que quelqu’un qui ne croit pas en soi est voué à la déperdition. Ce sont donc des valeurs que nous véhiculons au sein de Askanou Sénégal. Et à travers ces valeurs, nous voulons aussi montrer à nos compatriotes, que nous sommes convaincus que le Sénégal de demain devra se faire avec Askanou Sénégal, car c’est le bien-être de tous que nous portons.

Askanou Sénégal a pour idéologie, « Jeunesse-Pragmatisme-Avenir meilleur ». De quelle idéologie classique est-elle proche ?

Parlant du sens étymologique même du nom « Askanou Sénégal »…, lorsque nous avons créé le mouvement, on aurait pu lui trouver un nom standard (mouvement pour la démocratie…, mouvement pour la prospérité…, etc.). Mais je me suis dit que nous, nous faisons partie de cette jeunesse décomplexée ; parce que pour moi, on est dans une phase de notre histoire, où la jeunesse africaine se lève pour réclamer une certaine avancée de ses conditions sociales et économiques. Dès lors, il faut déjà qu’on commence à s’approprier, comme disait Cheikh Anta Diop, notre langue, par exemple. Donc, ce serait incompréhensible, je pense, de se réclamer à la fois évolutionniste, pragmatique et derrière, créer un mouvement et lui donner un nom dans une autre langue. C’est ainsi que j’ai dit, on crée et on prend le nom « Askanou », qui en wolof, veut dire le peuple sénégalais.

En réalité, c’est le peuple qui nous intéresse ; comment faire pour que ce peuple-là se sente fier d’appartenir à une nation, qui s’appelle le Sénégal. Comment faire pour que nos institutions de demain puissent refléter le Sénégal que nous aimerons tous avoir ; donc le Sénégal dynamique et prospère, où les institutions sont indépendantes (le législatif comme l’exécutif et le judiciaire). Tout cela, ce sont des éléments sur lesquels nous travaillons quotidiennement. On ne peut pas développer le Sénégal, si demain, on n’est pas pragmatique. L’ensemble des projets farfelus auxquels on est habitué, sont des projets purement politiciens. Il est temps donc de dire à cette jeunesse sénégalaise : ‘’voici du concret, si vous faites ceci, vous allez parvenir à cela’’.

C’est cette vision pragmatique que nous voulons impulser dans l’arène politique sénégalaise. Les promesses politiques, on en a eu depuis plus de 60 ans. Je le disais tantôt, dans une de mes interventions, depuis 60 ans qu’on nous promet le minimum, que nous n’arrivons même pas à avoir. Donc, il est temps que les projets que nous allons proposer soient du concret, et dans le cadre du travail par exemple, dire à nos compatriotes qu’effectivement, notre jeunesse ne travaille pas parce que nos universités créent ce qu’on appelle les ‘’diplômés chômeurs’’. Il faut des formations diplômantes.

Nous allons faire de sorte que ces formations-là puissent être accompagnées, qu’il y ait des immersions dans les entreprises. Du coup, dans notre programme, on va créer la filière entreprenariat au sein de toutes les universités. Et avec cette filière, ça va non seulement permettre au privé comme au secteur public d’accompagner de manière efficace notre jeunesse dans la formation, mais également dans le financement. C’est de cette façon que les jeunes pourront créer des entreprises, les rendre viables et, partant, engendrer des emplois pérennes (pas comme on le voit aujourd’hui, des entreprises qui ferment au bout de six mois ou de deux ans, ce n’est pas cela qui va faire évoluer les choses). Une bonne formation, une bonne assise, un bon accompagnement, permettront à toute notre jeunesse d’être la clé du succès pour ainsi résorber le chômage au Sénégal demain.

Vous avez une vision que vous véhiculez bien, à suivre vos déplacements à l’intérieur du Sénégal. Mais, ne pensez-vous pas que votre jeunesse va être un handicap pour la conquête du pouvoir, quand on analyse surtout le paysage politique national actuel ?

J’ai tendance à reprendre qu’on dit souvent : ‘’vous n’avez pas assez d’expériences au niveau de la politique…’’, etc. Et je dis ceci : depuis les années 60, c’est parce qu’on a donné le pays à des gens qui avaient de l’expérience politique, que 63 ans plus tard, on est là à avoir cette discussion. Depuis 60 ans, je pense que c’est un temps assez long, pour essayer un système, et ce système-là, malheureusement, n’a pas porté ses fruits, il a montré ses limites. Il est temps de changer et de voir autre chose. Oui, je suis jeune, parce que j’ai 39 ans, mais sur le plan professionnel, je suis un homme très bien qualifié ; mon parcours m’a conduit à aller étudier en Europe après mon baccalauréat, puis à y travailler et à acquérir de l’expérience.

Aujourd’hui, j’ai quatre ou cinq entreprises, qui emploient des centaines de personnes à travers la France, en Afrique, dont le Burkina. Donc, je me dis, si on est capable de faire cela, je pense qu’avec de la vision et du pragmatisme, on doit pouvoir y arriver. Il ne faut pas que les Sénégalais tombent dans le piège de ‘’celui-là n’a pas d’expérience’’. Non ! J’étais dans les confins, les zones les plus reculées du pays, j’ai vu la souffrance de nos compatriotes, je leur ai parlé, franchement, par rapport à leurs conditions de vie difficiles. Aussi, humainement, socialement, j’estime qu’il est inadmissible qu’en 2023, dans certaines contrées du pays, on n’arrive pas à avoir accès à l’eau potable ; que nos femmes vont accoucher dans des centres de santé où il n’y a pas d’équipements.

J’étais dans un village où on nous dit que la sage-femme qui était-là a pris sa retraite depuis cinq ans, et que depuis lors, les accouchements ne se passent plus vraiment bien ; ce sont des femmes du village qui, quand c’est vraiment critique, jouent le rôle de sages-femmes. C’est inadmissible en 2023, dans un pays comme le Sénégal. Une grande ville comme Saint-Louis est, il y a quelques mois, restée quasiment une semaine sans eau. Pensez-vous que c’est admissible, alors qu’on y trouve, un fleuve qui peut permettre d’alimenter, même pas Saint-Louis, mais tout le Sénégal ? La liste est vraiment longue. Ceci étant, on ne peut pas tout bousculer tout d’un coup, mais on peut y arriver, en étant pragmatique, à se demandant quelles sont nos priorités. Aujourd’hui, les priorités des Sénégalais, je pense, c’est la santé, résorber la question du chômage des jeunes (parce qu’aujourd’hui, sur 100 Sénégalais, 70 sont des jeunes, dont plus de 80% sont au chômage).

Pour une nation, qui a quasiment toutes les ressources dont peut disposer une nation, qui a l’or, le pétrole, le gaz, c’est inadmissible. Regardez les pays du Golfe, comment se sont-ils développés ? Avec une seule matière, le pétrole, ils sont devenus des références mondiales. Donc, quand un pays dispose de toutes ces ressources-là, il est inadmissible de voir une jeunesse qui souffre autant, une population en recul sur le plan de l’indice de développement.

A Guédiawaye, où vous étiez en début octobre, vous disiez à vos partisans que vous n’avez pas trouvé un candidat, une organisation politique, qui reflètent votre philosophie. Alors, concrètement, quelle est cette vision-là et comment comptez-vous la dérouler, si vous êtes élu ?

A Guédiawaye, une banlieue de Dakar, que je salue au passage (on a une cellule très dynamique là-bas, une des premières cellules du mouvement), on a vu beaucoup de choses qu’il faut dénoncer. J’y suis allé, j’ai écouté les attentes de la population. Cette rencontre entre dans le cadre de la tournée que nous avons initiée à travers le Sénégal, qui consiste à aller écouter les gens et pour que demain, on puisse apporter des solutions à leurs problèmes. Nous estimons qu’il faut aller à la rencontre des gens, les écouter.

Effectivement, et par rapport à votre préoccupation, je répondais à une question, en disant que je n’ai pas vu sur le terrain politique actuel, quelqu’un qui reflète notre philosophie ; c’est parce que nous estimons que le Sénégal de demain devra se faire avec des actes concrets. Le Sénégal de demain ne doit plus se faire avec des promesses stériles, comme on les eues, jadis. Il faut arrêter cela. Il faut que nos compatriotes puissent conduire les projets à terme et à temps, dans la transparence et que l’Etat mette en place des systèmes de pénalités financières contre les entreprises défaillantes. Il y a beaucoup à faire pour nos populations des villes et des campagnes. Par exemple, à Dakar, pendant la saison des pluies, c’est une galère quotidienne pour les populations, elles ne peuvent plus avoir accès à leur domicile, du fait des inondations et de l’état des voies.

Le système d’assainissement n’est pas bien en place. Et cette situation, c’est depuis que nous sommes enfants. Chaque année, pendant la saison des pluies, c’est la galère. Et ça, c’est dans la capitale, imaginez à l’intérieur du pays. J’étais dans des villages à côté de Kolda, dans le sud, et un village qui s’appelle Kandia, qui est le chef-lieu d’une commune rurale. Non seulement ce chef-lieu de commune n’a pas d’électricité, mais les populations disent qu’il y a 75 villages autour, et que dans ces villages, ceux qui sont dans la partie nord arrivent à accéder au chef-lieu de la commune, mais ceux qui sont dans la partie sud, dès qu’il pleut, ne peuvent plus accéder. Même pour venir se soigner, c’est impossible.

Ce sont toutes ces galères-là qu’on doit quand même pouvoir résorber, à défaut de régler tout de suite, commencer le travail. C’est donc un ensemble de problèmes qui se posent aujourd’hui aux Sénégalais, que notre vision prend en compte. Notre vision, elle est claire : c’est d’impulser une nouvelle dynamique politique, basée sur le pragmatisme et des projets concrets, afin de permettre à nos compatriotes, un vivre-ensemble mieux, dans un Sénégal prospère et fort.

Quels sont les enseignements personnels que vous tirez de ces sorties, par rapport à votre décision même de briguer la magistrature suprême ? Le terrain vous conforte-t-il réellement dans votre décision ?

Ça m’a conforté d’aller à la conquête du suffrage universel de nos concitoyens. C’est vrai, je n’avais jamais fait l’intérieur du pays, c’est la première fois ; je me limitais à quelques grandes villes où j’ai de la famille (Dakar, Thiès, Touba…), quand je venais pendant les vacances ou dans mes activités professionnelles, mais dans ces villes déjà, j’ai été alerté par les conditions sociales de précarité dont souffrent nos compatriotes. En faisant l’intérieur du pays, dans les villages reculés où il est difficile d’avoir une autorité qui va s’y pointer, j’ai compris que ce n’est même plus une souffrance, c’est le désespoir. Et ce désespoir, en 2023, et dans un pays comme le Sénégal dont on parle comme référence, ce n’est plus acceptable, ce n’est plus tolérable. Je suis allé quelque part, où j’ai pleuré, quand on m’a raconté l’histoire d’un enfant qui est décédé parce qu’il y a ce problème d’accès à la maternité. Mes larmes ont coulé.

C’est inadmissible. Et c’est là où je me dis que c’est une expérience humaine (la tournée) enrichissante et c’est un sacerdoce aussi que je m’impose, de faire en sorte que demain, le Sénégal que je veux représenter, soit un Sénégal où les politiques pourront regarder les populations et leur dire : ‘’oui, ça, c’est moi qui l’ai fait et j’en suis fier’’. J’exhorte aussi les enfants de ces contrées-là à suivre ces exemples, pour que demain, le Sénégal devienne le pays dont nous rêvons tous, le Sénégal où notre système de santé, notre système d’éducation, notre fibre économique se développent. Aujourd’hui, tous les jours, nous voyons nos frères et sœurs prendre des pirogues pour aller au cœur de l’Atlantique se perdre. Et même souvent, quand ils arrivent, on les retourne.

Beaucoup sont devenus mentalement fragiles, ils ont des problèmes psychologiques, d’autres sont morts. Ils font cela parce qu’ils n’ont plus d’espoir. Je suis allé dans une région qui s’appelle Diourbel, j’ai discuté avec les jeunes, et ils m’ont donné une réponse qui m’a fait froid au dos. Ils m’ont dit : ‘’en fait, tous les gens qui sont là, ne sont pas encore partis parce qu’ils n’ont pas encore le billet, ils n’ont pas encore assez d’économie pour acheter le billet. Sinon tous ces gens-là que vous avez autour de la table, ils sont prêts à partir, une fois ils ont leur billet, parce que nos grands-frères sont déjà partis’’. Vous imaginez ? C’est lourd de conséquences ! Cela veut dire que quelque part, nos administrations ont failli. Je ne dis pas qu’elles ont failli sur tous les plans, l’Etat est une continuité.

Quand Askanou Sénégal va arriver au pouvoir, il va forcément continuer le travail qui a été commencé ; parce qu’on va faire le point des chantiers qui ont été entamés ou en prévisions, voir ce qui a été bien fait, le conserver et ce qui n’a pas été bien fait, faire mieux et continuer. Donc, on n’est pas là pour dire que tel régime n’a pas fait. Un pays, c’est une succession de générations. Quand nous serons au pouvoir, on n’oubliera pas qu’il y a eu des présidents avant nous et que chacun a fait selon le contexte de son époque. Nous ne sommes pas là pour dire un tel pouvoir n’a rien fait, non ! Notre mouvement, c’est le pragmatisme. Donc, les débats stériles, ça ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c’est qu’est-ce qu’on va faire à partir de notre accession au pouvoir, pour qu’à la fin du mandat, les Sénégalais se disent qu’effectivement, depuis 60 ans, il y a eu de petites évolutions, mais désormais, on assiste à de grandes évolutions. Et un candidat comme moi, est prêt à impulser cette dynamique, pour que demain, une fois on aura épuisé notre mandat, quelqu’un d’autre prenne et continue dans la lancée. C’est cela ma philosophie.

Sur cette question d’immigration clandestine, vous avez taclé le pouvoir Sall ; pensez-vous réellement que c’est un phénomène qui peut être arrêté, quand on sait que c’est une préoccupation globale partagée par tous les pays africains, ce n’est pas spécifique au Sénégal, qui est d’ailleurs une zone de transit pour de nombreux Africains ? Est-ce réaliste de promettre aux Sénégalais que cette question-là va être résorbée, une fois au pouvoir ?

Je ne tacle pas, je constate. Je constate qu’aujourd’hui, il y a cette jeunesse-là qui part en masses vers des horizons sombres, des ténèbres. C’est un constat, au vu et au su de tout le monde. On le voit quotidiennement. Maintenant, je dis, on ne va pas du tic au tac résoudre le problème, on va mettre en place les leviers qui permettent de résoudre ce problème-là, une bonne fois pour toute. Et ce levier-là, ce n’est pas un miracle. Ce levier, c’est de créer de l’emploi pour nos jeunes. Quand aujourd’hui, dans les quatorze régions du Sénégal, on a une industrie de transformation locale, qui emploie des jeunes, localement, ce sont des emplois directs et quand les gens sont occupés à aller travailler, ils sont moins occupés à faire du thé dans le quartier et à penser le soir que peut-être demain, ils n’auront pas de quoi à payer leur petit déjeuner.

Donc, ils n’auront plus à réfléchir à aller chercher l’El Dorado que, sans doute, ils n’auront pas. Je me baladais pendant l’été dans les rues de Marseille, et j’ai rencontré un Sénégalais, un marchand ambulant. Je vais vers lui et me mets à discuter. C’est là il m’explique qu’il est passé par la pirogue… et me dit : ‘’je le regrette amèrement’’. Il le regrettait, parce que quand il est arrivé en Espagne, à la limite, on les considérait comme des esclaves. Et il me dit encore : ‘’moi, quand j’étais chez moi, j’étais un petit commerçant, je gagnais ma vie correctement, mais on m’a fait croire que de l’autre côté, je serai un milliardaire. Et quand je vois de jeunes frères comme vous, qui viennent en vacances, nous aussi, on se dit c’est possible’’. Voilà, il a été déchanté à son arrivée là-bas. Mais, la honte de repartir au pays, la honte de l’échec l’habite (parce que pour lui, c’est une honte de répartir au pays et reprendre son petit business qui lui permettait de gagner sa vie correctement).

En discutant avec lui, j’ai compris que même en prenant la mer, ces gens-là sont à jamais abîmés de l’intérieur. Donc, je voudrais dire à nos compatriotes, qu’avec Askanou Sénégal, on essayera de mettre en place des projets dynamiques, sérieux, d’accompagnement. Nous allons accompagner nos diplômés-chômeurs que nous mettons sur le marché et qui finissent par faire la vente à la sauvette etc. Nous allons les accompagner à s’insérer dans les entreprises. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est la pratique. Il faut faire en sorte que l’espoir renaisse chez les gens, car ils n’ont plus l’espoir de demain pour pouvoir aider leurs familles, et s’aider eux-mêmes, et avoir une dignité sociale. Lorsque nous allons parvenir à cela, vous verrez que les gens ne prendront plus les pirogues.

Sur la ligne des intentions pour la présidentielle de février 2024, il y a cet autre jeune, Ousmane Sonko, dont vous n’avez de cesse réagi à chaque épisode judiciaire le concernant. Aujourd’hui, justice est partiellement rendue, mais l’administration traîne pour lui remettre la fiche de parrainage. N’est-ce pas un mauvais signe pour la présidentielle à venir ?

J’ai toujours dit que cette présidentielle-là doit être inclusive, et je pense que toute l’opposition est unanime là-dessus. Une présidentielle inclusive permettrait à toutes les couches de la société d’être représentées, parce qu’en chaque parti, en chaque mouvement, s’identifient des citoyens, et c’est la globalité qui permet de faire le Sénégal. Donc, c’est avec l’ensemble qu’on fait un pays. Aujourd’hui, monsieur Sonko est un opposant au régime, avec des principes et des valeurs qu’il véhicule ; certains, on ne les partage pas, sur d’autres, nous visions convergent. Il a eu quelques déboires de justice, et j’ai même entendu à travers mon staff politique, qu’il a repris le jeûne (la grève de la faim, ndlr) qu’il avait arrêté. Et à ce sujet, je dis que monsieur Sonko doit savoir que malade, il ne servira pas grand-chose au Sénégal et que faire une grève de la faim, qui peut abîmer sa santé, pour que demain le poste qu’il veut briguer, il l’exerce avec de la diminution, ne servira pas le Sénégal.

Moi, je l’encourage à continuer à se battre, mais pas en abîmant sa santé ; parce que le Sénégal a besoin de jeune leader dynamique, qui puisse apporter quelque chose. On n’apporte pas quelque chose quand on est malade. Donc, c’est un appel que je lui lance et réitère. Maintenant, là où moi, je suis très satisfait, c’est quand la justice a montré son indépendance ; parce que depuis 2021, j’ai fait énormément d’interventions, où j’ai dit que l’indépendance de nos institutions doit être un préalable pour une démocratie comme la nôtre. Et là, quand tout le monde disait le contraire, un juge s’est levé et a dit : ‘’attention, ici au Sénégal, il y a toujours une justice’’. Là, la justice a réaffirmé qu’elle est assez indépendante.

Après, le reste, est-ce qu’il va recevoir ses fiches de parrainage ou pas, il y a quand même des processus juridiques, que je ne maîtrise pas (j’attendrai que mon staff juridique me donne plus d’éléments pour que je puisse me prononcer là-dessus). Mais à partir du moment où la décision a été actée par le juge, je pense que la machine ne va pas tarder à s’enclencher, afin qu’il reçoive ses fiches de parrainage, qu’il doit avoir comme tout Sénégalais qui veut apporter quelque chose à son pays.

Macky Sall a désigné son successeur à la présidentielle, son Premier ministre, Amadou Bâ, qui est un poids lourd du sillage politique, avec l’avantage de l’administration, du gouvernement, etc. Dans cette configuration, peut-on envisager un bloc, une candidature unique de l’opposition face au candidat du parti au pouvoir ?

Vous savez, en politique, tout est possible. On dit souvent que chacun se bat avec ses armes. Aujourd’hui, si on a la vision de faire en sorte que demain, le Sénégal sorte des vices actuels pour devenir une nation forte et dynamique, et surtout prospère, avec des sénégalais qui s’élèvent socialement, il faut miser sur les projets, les programmes. Et nous, Askanou Sénégal, avons axé notre programme sur huit points majeurs, qui reflètent vraiment l’Etat actuel du pays, tout secteur confondu. Comment on peut faire pour améliorer cela ? Si demain, dans le cadre de ces élections, on se rend compte qu’il sera utile, pour notre Sénégal, de coaliser avec d’autres mouvements ou partis, pour permettre de porter encore plus loin notre parole, et éventuellement faire aboutir nos engagements, notre projet, nous sommes prêts à la discussion. Etre fermé, ça veut dire qu’on est là à défendre des intérêts personnels, or on n’en est plus à cela. Aujourd’hui, c’est l’intérêt du peuple, l’intérêt de la nation, qui nous incombe. Donc, si demain, à travers notre candidature, on doit coaliser avec d’autres forces, ce sera une question qu’on pourra mettre sur la table et le comité exécutif du mouvement prendra la décision qui sied.

Au-delà de sa position géographique, le Sénégal a toujours été cité en exemple en matières de démocratie, de vitalité des institutions… et comme un pays qui a connu des leaders qui ont porté et défendu le panafricanisme. Quelle sera votre vision pour construire cet esprit panafricain, qui est de plus en plus une demande et une posture de la jeunesse africaine ?

Il faut le faire, mais de manière intelligente. Aujourd’hui, notre problème en terme de diplomatie, sur le plan sous-régional, c’est qu’on gère ces questions panafricaines avec de l’émotion. Aujourd’hui, la diplomatie, c’est l’art de ne dire ni oui ni non, mais surtout de le faire en enlevant les émotions et faire de sorte que ça serve à la nation, à la jeunesse, qu’elle soit sénégalaise ou africaine. J’en appelle donc à la responsabilité collective, à la fois de nos dirigeants que de nos jeunesses, en leur disant qu’on entend la demande, qui est très forte, mais ce doit se faire par étapes, et pas de manière brutale. Cela est très important, parce qu’aujourd’hui, on a des partenaires dont on a besoin ; le monde, c’est un grand village, et il faut cohabiter avec ses voisins, discuter avec eux. Moi, je suis ici au Faso pour justement véhiculer aussi des messages positifs et voir en termes de diplomatie, si je suis élu, ce que je serai amené à faire avec mes frères burkinabè, mes voisins et frères guinéens, maliens, mes frères ghanéens, ivoiriens, etc.

C’est cela la diplomatie et ce doit se faire avec la manière, sans émotion. L’émotion, il faut la mettre de côté, être pragmatique et faire de sorte que nos demandes puissent aboutir, en toute intelligence, et qu’elles puissent permettre aussi à notre jeunesse d’en profiter. Ce, d’autant qu’il y a le renouvellement de générations qui va se faire d’ici 20, 30 ans. Donc, il ne faut pas qu’on loupe cette case-là. Encore une fois, le panafricanisme, c’est une demande sociale collective de notre jeunesse, on en prend compte, on essaie de négocier pour que nos intérêts puissent prévaloir (c’est important) et que demain, dans toutes les relations bilatérales comme multilatérales, il est important que la jeunesse africaine, et dans le cas du Sénégal, la jeunesse sénégalaise, puisse se retrouver dans les différents contrats que nous allons signer avec des puissances étrangères.

Quelle est la place de la diaspora sénégalaise dans votre programme ?

La diaspora sénégalaise occupe une place importante dans notre programme. Dans notre discours de candidature, j’en appelais à cette diaspora, en disant que le Sénégal de demain se construira aussi avec elle. J’ai eu la chance de voyager dans pas mal de pays, énormément de pays, dans les cinq continents, et à chaque fois, même dans les pays les plus reculés, j’ai toujours rencontré un sénégalais. Et souvent, il occupe un très bon poste dans une très grande entreprise. Je me suis toujours dit, toutes ces compétences, toutes ces expériences, si on les amène au pays, je puis vous assurer que le travail sera beaucoup plus facile. Je ne dis pas à nos compatriotes de rentrer tous, tout de suite, non. Mais je leur dis ceci : il faut faire en sorte que notre Afrique, notre Sénégal, ne puisse plus être seulement un cimetière pour nous qui avons vécu dans la diaspora.

Il faudra que chaque Sénégalais, où qu’il vive, sache que le Sénégal de demain se construira avec lui, et qu’il commence déjà à impulser des dynamiques, à investir. On créera une banque de la diaspora, qui permettra de faciliter ce retour progressif pour que demain, quand ils seront à la retraite ou quand ils auront leur business qui a bien grossi au pays, ils puissent juste rentrer, sans honte et sans arrière-pensée, avec une seule idée : construire leur pays. A cette diaspora, je lui dis, désormais, les barrières qui vous empêchaient de rentrer au pays seront levées, quand nous serons-là, et il faudra que collectivement, on essaie de faire en sorte que le Sénégal ne soit plus un cimetière ; parce qu’on a des forces-vives partout, j’ai même entendu qu’il y un sénégalais à la NASA, c’est quand même extraordinaire. Donc, cette diaspora doit pouvoir apporter son expertise pour aider nos pays à s’émanciper sur le plan économique, social…et je pense que demain, le Sénégal, l’Afrique de l’Ouest, voire l’Afrique tout entière, seront des endroits où il fera bon vivre, où la sécurité et la paix règneront, où la prospérité ne sera plus une illusion.

Quel message vous reste-t-il pour conclure cette interview ?

Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de parrainage, parce que je suis candidat à la candidature, cela veut dire qu’il y a plusieurs candidatures qui sont à la recherche de parrainages. Moi, j’exhorte tous les gens qui s’identifient à notre philosophie, celle de changement pour nos compatriotes, de changement réel, à nous parrainer pour nous permettre demain de pouvoir apporter cette nouvelle vision et accomplir cette ambition que nous avons pour notre cher pays, le Sénégal. C’est un honneur d’être parmi vous, de dire aussi aux Sénégalais, non seulement à vos lecteurs d’ici et de la diaspora, mais aussi à tous nos compatriotes sénégalais vivants ici et ailleurs, que désormais, il faudra que notre jeunesse consciente puisse entrer dans le terrain pour pouvoir combattre et montrer que le Sénégal de demain, l’Afrique de demain, se fera avec nous, jeunesse. Ce ne sera pas un combat théorique, ce sera une conviction réelle, avec des projets concrets et le pragmatisme certain.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
Photos et vidéos :
Auguste Paré
Bonaventure Paré

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