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Burkina/Santé : « Du bébé qui vient de naître, jusqu’au vieillard de 100 ans, tout le monde est concerné par l’AVC », Dr Natacha Ouédraogo, neurologue

Publié le lundi 16 octobre 2023 à 22h55min

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Burkina/Santé : « Du bébé qui vient de naître, jusqu’au vieillard de 100 ans, tout le monde est concerné par l’AVC », Dr Natacha Ouédraogo, neurologue

L’Accident vasculaire cérébral ou AVC est responsable de plus de 60% des hospitalisations dans les services de neurologie au Burkina Faso. Le coût direct moyen hospitalier de l’AVC est estimé à 316 810.3 FCFA (plus ou moins 230 774.8 FCFA). Et cela sans compter les frais qu’engendrera le long parcours médical des survivants. Face à cette pathologie aux conséquences désastreuses, Dr Natacha Kiswensida Ouédraogo, neurologue au service de neurologie du CHU Yalgado Ouédraogo a décidé de s’engager en créant une page Facebook dédiée à la sensibilisation sur cette urgence médicale. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle revient sur les facteurs de risque de l’AVC, des séquelles de l’AVC, des moyens pour l’éviter et nous parle également de sa page Facebook dénommée Stop AVC Burkina. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Vous êtes l’initiatrice de la page Facebook Stop AVC Burkina. Comment est venue l’idée de création de la page ?

Dr Natacha Ouédraogo : L’idée de créer cette page est venue après avoir vu plusieurs patients vivant même en ville qui m’ont plusieurs fois dit qu’ils ne savaient ce que c’était que l’AVC. Je me suis rendue compte qu’il y avait plusieurs personnes qui ne connaissaient pas cette maladie. Quand on ne connaît pas quelque chose, comment l’éviter ? L’idée m’est donc venue vu que beaucoup de gens sont sur les réseaux sociaux, de créer une page pour parler de la maladie, pour sensibiliser.

Alors quand on parle d’AVC, qu’est-ce que c’est ?

Quand on parle d’AVC, c’est d’un accident vasculaire cérébral. L’accident vasculaire cérébral est une maladie qui touche les vaisseaux au niveau du cerveau. C’est quand on a une obstruction ou une rupture d’un vaisseau dans le cerveau qu’on parle d’AVC. Et c’est la survenue brutale de cet accident au niveau des vaisseaux qui entraînera des conséquences sur le physique de la personne.

Et qu’est ce qui cause cette maladie ?

Quand on parle d’AVC, quand on parle de rupture, on parle d’un accident vasculaire cérébral hémorragique et quand on parle d’une obstruction, on parle d’un accident vasculaire ischémique. Quant aux causes, nous on parle plus de facteurs de risque. Quand on dit facteurs de risque, cela veut dire qu’il y a plusieurs éléments qui peuvent ensemble ou individuellement entraîner un AVC.

Quels sont donc ces facteurs de risque ?

Nous avons l’hypertension artérielle qui est le premier et le plus grand des facteurs de risque, le diabète, l’élévation du taux de cholestérol, le tabagisme. Fumer entraîne l’AVC, boire de l’alcool est un facteur de risque, la sédentarité, le fait de ne pas bouger, le stress et sans oublier l’obésité, le fait d’être gros. Ce sont essentiellement ces facteurs de risque qui sont au-devant pour emmener l’AVC.

Avez-vous une idée de la prévalence de l’AVC au Burkina et dans le monde ?

On n’a pas de chiffres pour tout le Burkina, parce qu’il n’y a pas d’études sur l’AVC au niveau national. Les publications que nous avons, sont des publications hospitalières. Ce sont des études menées à Yalgado, à Bogodogo, à Tengandogo, à Bobo, à Ouahigouya, dans les différents services de neurologie. Mais il n’y a pas une étude au niveau national. Selon les chiffres des différents hôpitaux, l’AVC est responsable de plus de 60% des hospitalisations dans les services de neurologie au Burkina et le taux de décès qui lui est imputable peut atteindre 17,9%.
Dans le monde, l’AVC est considéré comme la première cause de handicap acquis, la deuxième cause de démence et de décès ainsi qu’une cause majeure d’épilepsie, de chute et de dépression. En Afrique subsaharienne, l’incidence se situe entre 26 et 30 pour 100 000 habitants, la prévalence est de l’ordre de 58 à 243 pour 1 000 habitants. Et selon les prévisions, le nombre d’AVC passerait entre 2005 et 2030 de 16 à 23 millions et la mortalité due aux AVC de 5,7 à 7,8 millions.

Devant quels signes doit-on être inquiété et se dire que ça peut être un AVC ?

Devant la survenue brutale, j’insiste sur le brutal, d’un déficit moteur ou sensitif. Quand je dis déficit moteur, tu es là et d’un coup, tu as la main ou le pied qui ne fonctionne pas bien, tu n’arrives pas à soulever la main, à marcher, ou tu n’arrives pas à parler, un trouble du langage, tu n’arrives pas à bouger la langue ou tu as un trouble de la vision. L’œil qui voyait, un coup ne voit plus. En ce moment tu peux penser qu’il s’agit d’un AVC.

Quand on fait un AVC, quelles sont les chances de survie ?

Actuellement, nous avons un tiers de décès à un mois, deux tiers de survie et un tiers gardant des séquelles.

Justement quels sont les séquelles de l’AVC ?

Il y a plusieurs séquelles. Nous avons des patients qui vont se retrouver déficitaires, c’est-à-dire qu’ils peuvent boiter ou avoir des membres qu’ils ne vont plus pouvoir mouvoir à vie. Nous pouvons avoir des patients qui n’arriveront plus à parler, ça veut dire qu’ils perdent le langage. Nous avons des patients qui auront des troubles de la mémoire et d’autres qui vont devenir déments, ça veut dire qu’ils ne sont plus intellectuellement posés. Ils posent des actes qui relèvent de la démence.

Y a-t-il une tranche d’âge qui est plus concernée par l’AVC qu’une autre ou un sexe plus qu’un autre ?

Quand on parle d’AVC, il y en a depuis les enfants jusqu’au sujet âgé. Même les bébés font des AVC. Quand on parle des facteurs de risque, il y a des facteurs hématologiques. C’est-à-dire que le sang a un problème. La personne a des troubles de la coagulation, ou bien la personne a des éléments du sang qui entraîne soit une hyper coagulabilité, soit un sang qui ne se coagule pas. On a aussi la drépanocytose qui est un facteur de risque.

Si ton cœur ne se porte pas bien, si tu as un problème cardiaque, en ce moment tu peux faire un AVC. Tu peux aussi faire un AVC parce que les vaisseaux qui mènent au cou ont de l’athérosclérose, ça veut dire qu’il y a des plaques, des dépôts de graisse qui se sont faits au fil du temps. Et ces dépôts vont entraîner une obstruction au fur et à mesure des vaisseaux ou bien le sang peut venir et enlever un petit morceau de ces plaques et aller obstruer un peu plus loin. Quand on parle d’AVC, du bébé qui vient de naître, jusqu’au vieillard de 100 ans, tout le monde est concerné. Homme comme femme. On dit que chez la femme jusqu’à la ménopause, elle est protégée pour le côté vasculaire à cause de ses hormones. Donc la femme est protégée jusqu’à ses 45 ans à peu près. Mais après 45 ans, elle a le même risque que les hommes.

Avez-vous des conseils pour éviter l’AVC ?

Pour éviter l’AVC, nous nous basons sur les différents facteurs de risque. Il faut se faire dépister pour l’hypertension artérielle, il faut se faire régulièrement prendre la tension. Et si je suis hypertendu, je dois me faire prendre en charge, prendre des médicaments, parce que jusque-là, quand on est hypertendu, c’est à vie. Quand on dit de prendre des médicaments, il y a des patients qui refusent ou qui prennent les médicaments pour un temps et plus tard arrêtent de le faire. Nous avons le diabète, l’élévation de la glycémie. On doit se faire mesurer sa glycémie pour voir si on est diabétique ou pas. Et si on est diabétique, il faut aussi se faire prendre en charge. Il y a des médicaments antidiabétiques. Il y a l’alimentation. Nous devons manger sainement et équilibré. Nous devons manger moins salé, moins sucré et moins gras. Avoir une alimentation équilibrée, manger beaucoup de fruits et des légumes, c’est important. Nous devons faire régulièrement du sport. Nous préconisons de faire au moins 30 à 45 minutes de sport deux à trois fois par semaine.

Il faut aussi perdre du poids. Si vous savez que vous êtes obèse, que vous avez pris du poids, il faut diminuer votre masse corporelle. Il faut revoir votre alimentation, faire du sport et vous serez équilibré. Si vous fumez, arrêtez de fumer. Si vous avez des difficultés pour arrêter de fumer, il y a des centres qui s’occupent de ça. Il y a à Yalgado le centre anti-tabac où vous avez la possibilité de vous faire aider pour que l’envie de prendre le tabac s’arrête. La cigarette a une substance, la nicotine qui entraîne une dépendance, donc des fois au début, on fume pour le plaisir, mais après on fume par dépendance. Si vous voyez que vous pouvez arrêter de fumer de vous-même c’est bien. Si vous ne pouvez pas, c’est que vous êtes dans la dépendance.

Si vous êtes alcoolique, vous prenez plus de 5g d’alcool par jour, il faut vous faire aider. Il y a le service de psychiatrie de Yalgado qui a un protocole pour vous aider à arrêter.

Revenons-en à votre page Facebook. En quelle année l’avez-vous créée ?

J’ai créé la page en juin 2020. J’ai d’abord créé une page qui s’appelait clinique neurologique de Ouagadougou. C’était une page de sensibilisation donnant l’opportunité de poser des questions sur les différentes pathologies neurologiques. C’était vraiment vaste parce que la neurologie c’est vraiment un grand champ. Pouvoir tout cerner et parler de tout en profondeur, c’était vraiment compliqué. C’est en 2023 que j’ai créé la page Stop AVC Burkina pour parler spécifiquement de l’AVC.

A ce jour, vous touchez combien de personnes en moyenne ?

Actuellement sur la page, il doit y avoir entre 4 800 et 4 900 personnes.

Comment arrivez-vous à concilier la gestion de votre page et votre travail ?

Pour concilier les deux, je pense que c’est mon vécu quotidien à l’hôpital qui m’inspire pour les publications sur la page. Ce sont les cas que je rencontre à l’hôpital, les incompréhensions des patients que j’essaie d’expliquer sur la page. Donc c’est ma vie professionnelle, ma vie à l’hôpital qui me motive sur les différents sujets que j’aborde.

Avez-vous des retours sur ce que vous faites ?

Pas vraiment. J’ai plutôt une satisfaction morale de savoir que je fais ma part, parce que l’AVC quand il s’installe au vu des conséquences (c’est la première cause de handicap acquis dans le monde et c’est la deuxième cause de démence dans le monde). Au vu de cela et au vu de la mortalité, je pense que je fais ma part en tant que médecin et neurologue, c’est de prévenir. Je préviens le patient des risques qu’il y a, de ce qu’il doit faire ou ne pas faire pour éviter l’AVC. Pour moi, c’est une satisfaction morale, si non des retours, je n’en ai pas vraiment. J’essaie autant que cela est possible d’informer toujours. Je regarde le nombre de personnes qui ont vu les publications et cela m’encourage.

Un dernier mot ou un appel à lancer ?

Stop AVC Burkina est une page que nous avons créé pour informer, sensibiliser les gens. Nous voulons toucher le plus grand nombre de personnes et nous savons qu’il y a des gens qui nous suivent. Ce que nous voulons, c’est que ces personnes puissent être des relais pour qu’un plus grand nombre de personnes soit touché, informé des risques. Cette page est une branche d’une association dénommée Stop AVC au Burkina. Cette association fait dans la prévention et la prise en charge de patients victimes d’AVC.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Auguste Paré
Lefaso.net

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