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Burkina/Financement du développement : « Il faut que chaque citoyen comprenne qu’il est un bailleur de fonds », déclare Mory Sanou

Publié le mardi 26 septembre 2023 à 14h04min

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Burkina/Financement du développement : « Il faut que chaque citoyen comprenne qu’il est un bailleur de fonds », déclare Mory Sanou

Mory Sanou est enseignant d’éducation physique de formation (EPS) à la retraite. Il est bien connu dans le milieu du sport pour avoir occupé successivement les postes de directeur technique national à la Fédération burkinabè de football (FBF), directeur de cours au comité national olympique, directeur général des sports et plus de vingt ans enseignant à l’INJEPS actuel l’ISSDH. A la retraite depuis 2019, M. Sanou, s’est lancé dans l’écriture. Il a sur le marché deux œuvres qui sont : « Le sport et le développement : réseaux et institutions » et « Le sport et le développement : le rôle modèle de l’école ». Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il revient sur le contenu de ces livres, les motivations qui l’ont conduit à les sortir, entre autres. Lisez-plutôt !

Lefaso.net : Vous êtes à la retraite depuis 2019. Qu’est-ce qui vous occupe présentement ?

Mory Sanou : Ce qui m’occupe maintenant, c’est la vie de famille. Je m’intéresse aussi à l’économie numérique notamment au marketing de relation. Je poursuis aussi ma passion qui est le sport. Je suis également consultant en appui conseil dans des organisations de jeune et dans des ONG de la place.

Lefaso.net : Vous vous êtes également lancés dans l’écriture. Combien d’œuvres avez-vous sorties ?

M. S : J’ai deux livres déjà édités et plusieurs manuscrits. Je n’ai pas encore décidé de les publier. Le premier c’est « Sport et développement : réseaux et institutions ». Le deuxième c’est « Sport et développement : le rôle modèle de l’école ». Le premier livre est beaucoup plus technique. Il démontre comment le sport peut être organisé depuis les quartiers jusqu’au niveau de l’élite national comme international. Dans ce livre, je donne deux exemples d’organisations et de décentralisation de structures, notamment la Fédération burkinabè de football (FBF), qui s’occupe d’un sport beaucoup plus populaire et connu par tous. Comment on peut l’organiser jusque dans les quartiers, les villages pour qu’il y ait un lien pour une bonne circulation des ressources humaines, du bas vers le haut et des ressources financières du haut vers le bas de façon consciente ?

Ces exemples sont donnés pour démontrer comment les gens peuvent s’organiser, une fois qu’ils ont lu l’œuvre, mettre en place des structures sportives de proximité, opérationnelles.

Je donne par exemple un modèle de jeu qui inculque des valeurs sociales qui sont en train de se perdre aujourd’hui. Les enfants jouent plusieurs matchs tout en changeant des partenaires. Ils peuvent être adversaires au premier match, partenaire au deuxième match ainsi de suite. Donc, personne ne choisit son partenaire ou son adversaire. Cela est déterminé par une fiche. Cela correspond à ce que nous vivons dans la vie pratique. Parce que dans la vie pratique, personne ne choisit ses parents, ses enfants, ses voisins et ses collègues de service. Mais vous devez collaborer ensemble pour atteindre des résultats. Si nos enfants, dès le bas âge, pratiquent ce jeu, cela va leur inculquer des valeurs qui vont rester définitivement.

Si dans toutes les écoles du Burkina Faso cela est appliqué, on a de fortes chances de donner de vraies valeurs aux enfants pour l’avenir de la communauté. Dans le deuxième aspect de ce livre, je parle des conditions qui peuvent permettre le développement communautaire. Aujourd’hui, nous vivons une crise sociale marquée par l’insécurité et tout ce qui va avec. Si on recherche les causes de ces crises-là, il y a certains facteurs qui les favorisent, notamment les facteurs religieux, les facteurs politiques. Il est important que les gens aient une compréhension juste des concepts, alors chacun pourra se positionner et agir de façon efficace et profitable pour tous. Les gens aiment dire qu’ils sont apolitiques ou non religieux. Pourtant, la politique est une notion neutre qui s’applique à tous les secteurs de développement. En effet il y a la politique agricole, la politique sportive, etc. En fait, la politique, c’est se fixer des objectifs et réunir les moyens, les stratégies pour les atteindre ; ainsi que les mesures d’évaluation.

Le problème c’est ce qu’on nous a amené à considérer comme politique ; notamment la démocratie avec les partis et la conquête du pouvoir. C’est là le souci. Dans ce système donc, les citoyens donnent le droit de gérer leurs biens matériels, financiers et moraux à d’autres citoyens ; ceux-ci voyant l’immensité du patrimoine à gérer, les cachent aux populations qui les leurs ont confié. C’est un jeu de cache-cache qui se passe autour des biens de la population, entre les différents partisans organisés généralement en deux blocs : les tenants du pouvoir et leurs opposants en face ; avec les syndicats qui perturbent le jeu. Le peuple qui fait la politique réelle (agricole, économique etc.), est privé de la gestion effective de ses moyens et ressources.

Lefaso.net : De quoi parle le deuxième livre intitulé : « Sport et développement : le rôle modèle de l’école » ?

M. S : Pour ce qui concerne le deuxième livre, il parle du sport et développement avec le rôle modèle de l’école. Ici, j’explique que l’école est l’incubateur du développement communautaire. Tout passe par l’école étant donné qu’il est le lieu par excellence d’apprentissage. En plus, il faut comprendre que la notion d’école s’étend à tous les aspects de la vie communautaire en tant que situation d’apprentissage. Il est envisagé ici, comment développer un secteur de développement qui est le sport, à partir de l’école, en liaison avec d’autres secteurs. Inculquer certaines valeurs aux élèves qui sont la base de la communauté ; et impliquer les populations environnantes dans la vie et la gestion de l’espace communautaire qu’est leur école. Il s’agit donc, de s’appuyer sur ce modèle-là pour transmettre les bonnes valeurs aux enfants. Toutes choses qui vont favoriser une vie communautaire plus pratique, harmonieuse et responsable.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui vous a motivé à éditer ces livres ?

M. S : J’ai édité ces livres pour contribuer à la cohésion sociale. Faire connaitre le sport à sa juste valeur. Parce que, le sport, c’est une entreprise. Il faut que les gens comprennent que c’est une entreprise. C’est un endroit où on travail et quand on travail, on construit quelque-chose. Ensuite, c’est une école en tant que lieu de formation, d’apprentissage et de transmission de valeur et de biens. J’ai donné un exemple de transmission de valeur ci-dessus. Quand vous prenez l’enseignement, c’est le sport seul qui est appelé « éducation physique et sportive ».

On éduque les populations dès leur plus jeune âge dans la pratique du sport. Le troisième élément, le sport crée le marché, c’est l’économe. Quand il y a une activité sportive d’envergure, cela attire les gens, créant ainsi un espace de communication, de circulation de biens et services. Il s’agit de savoir organiser cela de façon efficace et régulière. Le constat est que le sport est relégué à un second rôle. Tandis que si on le prend au sérieux, non seulement c’est une entreprise, une école et un créateur de marché. Si nous revenons à l’être humain lui-même, c’est le premier capital, en terme économique. Parce que c’est lui qui produit. Le sport battit l’être humain. Quand vous voyez la plupart des sportifs, ils ont un bon physique, un bon mental. Quand vous allez dans les centres de formations, vous voyez les jeunes ont très peu de timidité. Le livre est très pratique. Nous comptons organiser des conférences à cet effet, pour inviter les gens à le mettre en pratique.

Lefaso.net : Dans un des chapitres, vous parlez de l’origine et la nature du développement de l’homme. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

M. S : Le développement, c’est porter à son niveau le plus parfait ou bien augmenter la quantité. Il peut être bon comme il peut être mauvais. Lorsqu’une maladie se développe, elle aboutit à la mort. Cela pour attirer l’attention sur le fait que tout ce qu’on appelle développement n’est pas forcément bon. Voici pourquoi malgré les avancées dans plusieurs secteurs, l’humanité s’enfonce de plus en plus dans l’insécurité et bien d’autres fléaux. L’homme est au centre du développement, il est important de savoir qui est l’homme ? D’où il vient ? Ou il va ? Dans la vie pratique, on voit plus le physique et on s’intéresse plus à cela par rapport à l’esprit qui anime le physique.

La compréhension de l’être essentiel est importante pour pouvoir agir selon cet être essentiel. Donc, il faut que l’homme comprenne qui il est et s’il se développe, qui il doit devenir. Cette méconnaissance est la cause de majorité, sinon de tous les problèmes que nous vivons aujourd’hui dans notre communauté humaine. C’est à ce niveau que tous les hommes sont égaux sans exception. Chercher à résoudre toute autre inégalité est un combat vain. La véritable lutte contre la corruption c’est résoudre ce problème d’obéissance. La bonne compréhension de cette vérité améliorerait certainement les rapports humains sur la présente terre appelée à être détruite très bientôt. Le développement actuel de l’humanité, se fait sous le contrôle de la parole de corruption initiale de Satan ; ce qui explique l’insécurité de plus en plus diversifiée. En effet, l’ignorance et le mépris de la parole de Dieu est croissante et surtout dans les milieux religieux se réclamant de Dieu ; cela n’est ignoré par personne.

Lefaso.net : Un autre aspect évoqué dans ton livre, c’est le financement du développement. Comment doit se passer le financement, de façon générale ?

M. S : Le financement du développement doit partir de chaque homme. Tous ceux qui sont concernés doivent comprendre qu’ils sont le capital de départ. Ce que les gens doivent comprendre, si vous avez 5 francs, vous avez un début de 1 million. Si la gestion de ces 5 francs est faite de façon communautaire, c’est à dire en réseaux ; elle sera rentable. Je donne un exemple : si 20 millions de Burkinabè cotisent chaque jour 5 francs cela fait combien de francs par jour qui peut être déposé dans une banque ? Les spécialistes en finance savent quels intérêts cela peut produire au bout d’un certain temps. Je parle en ce moment de bailleurs de fonds locaux. Que chaque citoyen comprenne qu’il est un bailleur de fonds. Le citoyen doit comprendre que l’Etat, c’est lui.

Il faut leur faire comprendre que le territoire national du Burkina Faso est la partie qui a été attribuée à une population que nous sommes. Ce territoire a été subdivisé en régions, en provinces, en villages et la plus petite partie de ce territoire-là, c’est la parcelle familiale. L’homme étant corps, âme et esprit, le corps physique est sa portion de terre (son état) productrice de richesse. Il est important que les populations s’organisent par quartier et voisinage pour faire face aux défis qui s’annoncent de plus en plus compliqués, avec l’appui conseil des employés de l’Etat, ceux du secteur privé et des ONG.

Lefaso.net : Vous avez également abordé la question de l’unité nationale. Le sport peut-il-aider à cela ?

M. S : Le sport naturellement rassemble les gens sans aucune distinction. Pour ce qui concerne la question de l’unité nationale, il y a trois facteurs d’unité naturels. Le premier, c’est la famille. Elle unie les gens de façon naturelle, ensuite Il y a le quartier et le troisième, c’est la profession. En consolidant ces trois facteurs on peut aller véritablement vers une unité nationale. Ceci est tributaire du système de gouvernement et du leadership communautaire. Le système mondial actuel (la démocratie) imposé à l’Afrique, l’a été pour son pillage et son maintien sous domination. Ainsi donc, quel que soit la bonne volonté des dirigeants d’origine africaine, ils ne pourront que perpétrer l’exploitation et le maintien des populations dans la précarité, s’il n’y a pas une réforme profonde, impliquant chaque citoyen. Je parle donc de leadership d’identification qui consiste à faire réfléchir et agir chaque citoyen comme leader au sommet et à la base.

Le développement communautaire pourra ainsi se faire de façon participative, en partant des petites communautés aux grandes. Organiser naturellement les populations par voisinage, pour prendre en charge leur développement par une école intégrée. Les consultations des populations, doivent suivre le même principe ; ce qui permettra d’économiser de fortes sommes déployées pour des recensements, élections et autres activités dites démocratiques. Dans le livre, je dis que les partis politiques tels que conçus ne peuvent pas faire la cohésion sociale ; les maux liés à leur existence sont éloquents à cet effet. Je propose même leurs disparitions à terme. Si on met l’accent sur les trois facteurs d’unité naturelle, une unité nationale véritable peut alors être envisagée.

Lefaso.net : Quels sont vos attentes en éditant ces livres pédagogiques ?

M. S : Mes attentes vont dans cinq directions. Les livres nous donnent des éléments et invitent les jeunes à se réunir en associations sportives de proximité, dans leurs quartiers, dans les services. Au niveau des adultes, à être des appuis conseils autour des valeurs d’unité et de cohésion. Pour ce qui concerne les autorités administratives et politiques, c’est de faciliter la formalisation des associations des jeunes et de les responsabiliser. Cela concerne également les sportifs d’élites parce qu’il y a plusieurs, après leur carrière, qui s’effacent complètement alors qu’ils sont des modèles. Leur seule présence est une source d’inspiration. La presse, parce que la communication est la clé de tout. En tant que croyant, je sais que le monde est le fruit de la communication de Dieu. Dieu n’a pas utilisé du matériel, il a parlé, il a communiqué et les choses sont venues à l’existence. La communication est donc très importante tant pour faciliter le développement et la cohésion sociale.

Lefaso.net : Combien coûte ces œuvres et où peut-on les trouver ?

M. S : Il faut dire que ces œuvres ont été éditées en Allemagne par une maison d’édition. Elles coutent chères parce qu’il faut commander pour qu’on les envoie. Donc, j’ai fait une édition locale, j’ai tenté d’imprimer ici avec mon éditeur en demandant le soutien du ministère des Sport. Cela a duré plus de deux ans avant d’aboutir plus ou moins. C’est pourquoi je n’ai pas pu produire assez pour mettre à la disposition du public. Le premier coûte 4000 FCFA et le deuxième 6000 FCFA pour ce qui est de l’édition locale. Si quelqu’un veut payer, pour le moment, il ne peut que commander en ligne.

Ce que j’ai, je préfère donner que de vendre. C’est cette décision que j’ai prise en entendant de pouvoir le produire suffisamment.

Lefaso.net : Est-ce que vous avez un dernier mot ou un appel à lancer ?

M. S : J’espère que ces livres contribueront au bon vivre-ensemble et à la cohésion sociale. L’appel, que je peux lancer, surtout dans le contexte que nous vivons, chacun doit comprendre que ce pays-là, nous l’aimons tous. Personne ne l’aime plus que l’autre. Si quelqu’un a une responsabilité, il faut dans un premier temps lui faire confiance et l’accompagner ; à moins d’avoir des preuves tangibles de sa mauvaise foi. Parce que notre problème, ce n’est pas ce que nous ne connaissons pas mais, plutôt ce que nous croyons savoir avec certitude comme étant vrai alors que c’est faux. Il faut toujours relativiser. On peut être sûr de quelque-chose alors que son fondement est faux. A cause de cela, il est bon d’avoir des cadres de dialogues, de concertations et de vérité. Ainsi ceux qui couvrent le mensonge consciemment, ceux-là seront mis à nu à terme.

Interview réalisée par Obissa Juste Mien
Lefaso.net

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