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Burkina : « C’est un devoir pour la jeunesse de s’organiser par tous les moyens afin d’assurer la sécurité du pays », Larba Pilga

Publié le dimanche 10 septembre 2023 à 23h25min

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Burkina : « C’est un devoir pour la jeunesse de s’organiser par tous les moyens afin d’assurer la sécurité du pays », Larba Pilga

Lefaso.net a eu l’opportunité de rencontrer le directeur général de la Jeunesse et de l’éducation permanente au Burkina Faso, Larba Pilga. Monsieur Pilga est un leader engagé dans la promotion du bien-être et du développement des jeunes. Dans cette interview, il évoque les actions et stratégies mises en œuvre par le ministère des Sports, de la jeunesse et de l’emploi en faveur de la jeunesse burkinabè. Pour lui, « c’est un devoir pour la jeunesse de s’organiser par tous les moyens légaux afin d’assurer la sécurité du pays » dans un contexte de défis sécuritaires persistants.

Lefaso.net : Pourriez-vous nous décrire les programmes spécifiques mis en place pour aider les jeunes déplacés victimes de violence dans les zones de conflit ?

Larba Pilga : Le ministère en charge de la jeunesse déroule effectivement des activités, des actions et des programmes en faveur des jeunes en général, mais également en faveur des jeunes déplacés internes ou des jeunes vivant dans les zones à forts défis sécuritaires.

C’est dans ce sens que le FAFPA, le Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage exécute des programmes à leur profit avec l’appui de ses partenaires. Ces programmes permettent de renforcer les capacités des jeunes, notamment ceux qui sont dans les zones à défis sécuritaires pour leur permettre de cultiver la résilience et surtout disposer de connaissances afin de s’autonomiser en exerçant un métier.

La formation professionnelle se fait sous forme d’appels à projets, où des associations et coopératives qui sont dans le domaine postulent depuis les zones à défis sécuritaires. Ce sont donc elles qui dispensent les différentes formations aux jeunes une fois sélectionnées. Et il y a des mécanismes qui permettent d’accompagner ces jeunes après l’apprentissage pour s’auto-employer. Car une chose est de former les gens mais une autre est de les mettre en contact avec d’autres partenaires capables de les appuyer pour s’auto-employer afin de pouvoir se prendre en charge et d’aider leurs familles.

Parce que de ce qui nous revient, c’est que le chômage fait partie des causes de l’insécurité que nous vivons. Donc nous croyons qu’actionner davantage ce levier de développement des compétences et accompagnements à l’insertion, peut contribuer à cultiver la résilience et à lutter contre cette insécurité qui freine l’émergence du Burkina Faso.

Quels métiers ont été enseignés aux jeunes résidant dans les zones à hauts risques sécuritaires ?

La formation aux métiers est en fonction des zones. Nous tenons compte de la potentialité de chaque région pour identifier les filières devant faire l’objet de formation au profit des bénéficiaires. Les jeunes de la région du Centre-nord sont par exemple formés dans le domaine de l’agro-sylvo-pastoral. Dans la région du Sahel, nous avons en plus des métiers de l’agro-sylvo-pastoral, ceux de la transformation du lait.

Notons qu’en plus de la formation professionnelle, il y a d’autres axes dans lesquels nous intervenons. Dans pratiquement toutes les régions, nous organisons des formations en entrepreneuriat sur la culture de l’esprit d’entreprise. Ces formations sont précisément organisées par les structures déconcentrées du ministère jusqu’au niveau provincial. Ce qui permet effectivement aux jeunes outillés à l’esprit d’entrepreneuriat de pouvoir se diriger vers les structures de financement à l’effet de se faire accompagner dans la mise en œuvre de leurs micro-entreprises.
L’autre domaine dans lequel nous intervenons est l’éducation extrascolaire. Nous abordons à ce niveau l’éducation à la paix, au civisme, à l’extrémisme violent, etc.

Quelles mesures sont prises pour encourager l’emploi et l’entrepreneuriat chez les jeunes dans un contexte de sécurité précaire ?

Nous maximisons en effet dans la formation sur toute l’étendue du territoire pour créer le déclic entrepreneurial chez les jeunes. Et sachant que la formation en entrepreneuriat seule ne suffit pas pour créer son entreprise, des réformes au niveau des structures de financement placées sous la tutelle de notre département sont en cours. Cette initiative enclenchée sous le leadership du ministre en charge de la jeunesse, Dr Boubakar SAVADOGO, vise à impacter au mieux le financement des projets des jeunes.

« Nous avons certes trois fonds de financement, mais il y a quelques difficultés à résoudre », Larba Pilga, directeur général de la Jeunesse et de l’éducation permanente

Ces difficultés sont liées notamment au mode de financement qui ne permet pas de recouvrer rapidement l’entièreté des fonds octroyés aux jeunes.
Ayant conscience que l’entrepreneuriat des jeunes est aussi l’ouverture vers les marchés publics, l’on constate que le gouvernement est en train de créer à leur profit, les conditions favorables d’accès aux marchés publics. L’on se souvient même d’une annonce du chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, lors d’une rencontre avec les jeunes. Il avait affiché la volonté d’aller vers des mesures tendant à favoriser l’accès des jeunes promoteurs aux marchés publics.

Tout cela nous amène à comprendre que la question de l’emploi des jeunes ne doit pas être seulement liée à la fonction publique. C’est une question qui doit aussi être traitée au niveau du secteur privé. Et la voie royale pour l’employabilité des jeunes, c’est l’auto-emploi. Cela nécessite qu’il y ait des formations en entrepreneuriat et des créations d’entreprises. Mais qu’il y ait également, aménagement des conditions pour permettre aux jeunes promoteurs d’entreprises d’émerger.

Comment arrivez-vous à mettre à la disposition de ces jeunes en « zones inaccessibles », les fonds de financement dont vous avez fait cas ?

Il y a en effet, des régions à forts défis sécuritaires qui sont de nos jours difficiles d’accès. C’est sûr que lorsque vous êtes dans ces zones, c’est effectivement difficile de pouvoir bénéficier des opportunités de l’État. Mais le ministère de la Jeunesse a des guichets uniques dans les treize régions. Et dans certaines provinces, il y a des représentants des fonds. Donc ces jeunes qui sont dans ces zones continuent de monter leurs projets qu’ils envoient au niveau du représentant provincial, qui l’envoie au niveau régional.

Et quand le comité doit siéger pour analyser les dossiers des jeunes qui ont postulé pour accéder au financement des différents fonds, ceux résidant dans les localités à défis sécuritaires sont aussi pris en compte. Ceci, dans le but de faire en sorte que ces derniers ne se sentent pas abandonnés. Si bien qu’on ne sent pas la rupture comme on tente de nous le faire croire.
Bien qu’ils soient dans des zones à défis sécuritaires, l’administration continue d’exister dans ces différentes provinces et régions à travers notamment les structures déconcentrées du ministère des Sports, de la jeunesse et de l’emploi.

« C’est pourquoi les dossiers sont toujours remontés pour que ces jeunes ne soient pas abandonnés et continuent de bénéficier des opportunités d’insertion que le gouvernement offre à travers notre département »

Pourriez-vous nous parler des efforts du ministère en matière de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent parmi les jeunes ?

Au niveau de la direction générale de la Jeunesse et de l’éducation permanente, nous avons une direction qui s’occupe de l’éducation extrascolaire. C’est dans ce volet que nous disposons d’une batterie d’activités telles que des panels, des activités socioéducatives, des conférences sur les thématiques comme l’extrémisme violent, la cohésion sociale, la radicalisation, etc. Nous avons aussi conçu des modules à partir de ces thématiques qui sont partagées avec nos structures régionales et provinciales. Et les représentants de ces structures exploitent lesdits modules pour en faire de l’animation, à travers des panels, des conférences, des causeries socioéducatives auprès des jeunes.

La preuve, c’est que nous avons célébré récemment la journée internationale de la jeunesse sur toute l’étendue du territoire. Et le thème retenu portait sur « Comment les jeunes vivant en milieu rural peuvent continuer de bénéficier des opportunités du ministère en charge de la jeunesse dans un contexte de crise sécuritaire au Burkina Faso ». À cette occasion, plusieurs activités ont été menées parmi lesquelles celles que j’ai précédemment évoquées. C’est donc dire que cela est une question qui nous tient à cœur au sein de notre département.

C’est pratiquement toutes les semaines que nous initions des activités dans ce sens à travers nos services techniques. Certaines activités sont menées au sein de notre direction et d’autres sur le terrain. Nous étions par exemple cette semaine dans la commune de Saaba de concert avec les structures régionales et certaines associations pour animer des thématiques notamment sur le vivre ensemble et l’extrémisme violent.

Comment le ministère encourage-t-il la participation des jeunes à la vie civique et politique malgré les défis sécuritaires ?

Grâce au dynamisme du Conseil national de la jeunesse du Burkina Faso, nous pouvons dire sans risque de nous tromper que c’est l’une des rares fois où nous avons eu une participation massive des jeunes aux sphères de décisions. Il n’y a pratiquement pas de délégation spéciale sans représentation des jeunes. C’est ainsi que les jeunes se sont organisés au niveau des communes et des régions pour désigner leurs représentants aux fins de participer à l’animation et à la gestion des collectivités territoriales.

Au niveau national, lorsqu’on prend l’Assemblée nationale, il y a bien des jeunes qui participent à l’animation de l’Assemblée législative de transition. Le président du Conseil national de la jeunesse et d’autres jeunes y sont représentés. C’est dire que malgré les défis sécuritaires, nous faisons la promotion de la participation des jeunes à la vie publique, à la vie politique.

Nous avons au niveau du ministère en charge de la jeunesse, un mécanisme qui permet de promouvoir la participation des jeunes au développement dans les divers secteurs d’activités.

« Dans cette vision, il y a le Programme national de volontariat qui envisage mettre sur le chantier de développement 100 000 jeunes »

Et il y a cette année, plus de 20 000 jeunes qui ont été recrutés.
Il y a également des jeunes à travers les organisations de jeunesse qui font toujours de la veille citoyenne et qui continuent d’organiser des activités à caractère citoyen dans les différentes villes du pays. Nous pensons que c’est de bonne guerre. Car nous pensons que les jeunes sont en train de jouer leur rôle quant à la vie civique et politique du Burkina Faso.

Y a-t-il des programmes spécifiques de formation professionnelle et de réinsertion pour les jeunes anciens combattants radicalisés ?

Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas mis en place un programme spécifique pour les jeunes anciens combattants qui auraient déposé les armes. C’est un appel qu’avait effectivement lancé le gouvernement pour que ceux qui se sont radicalisés puissent déposer les armes et se réinsérer dans la société. Mais en tant que ministère en charge de la formation professionnelle, nous sommes prêts pour accompagner ces jeunes anciens combattants à se réinsérer.

Car nous disposons déjà de programmes de formation professionnelle, d’éducation extrascolaire et des mécanismes de réinsertion à travers les dispositifs de financement des jeunes précédemment évoqués.

En plus de cela, il faut noter que notre département a anticipé pour réfléchir sur le mécanisme de réinsertion des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). La guerre va finir et il va falloir redéployer ces jeunes. C’est pourquoi nous avons anticipé pour réfléchir à des programmes spécifiques pour voir comment les former en fonction des filières que chacun voudra embrasser ou à travers d’autres mécanismes. Cela, afin qu’après la guerre, il puisse y avoir un plan qui permette de réinsérer ces milliers de jeunes qui ont accepté de s’engager pour la défense de la patrie.

Donc, de concert avec le ministère de la Défense sous la tutelle de laquelle ces VDP sont engagés, les réflexions vont se poursuivre. Car si l’on n’anticipe pas, il est possible que le problème de réinsertion de ces jeunes se pose.
En ce sens, il est bon de rappeler que c’est notre département qui avait initié les formations au profit des anciens militaires et policiers radiés. Ce qui signifie que nous ne manquons pas d’expériences ou de mécanismes pour accompagner ces jeunes dans la réinsertion.

Comment le ministère envisage-t-il de promouvoir la cohésion sociale et le dialogue intercommunautaire parmi les jeunes ?

Cela est en effet, une préoccupation pour le ministère. Parce que tant qu’il n’y a pas de dialogue intercommunautaire mais aussi intergénérationnel, on va toujours être confronté à des difficultés. Quand nous avons l’occasion d’organiser nos camps éducatifs, nous faisons en sorte qu’il y ait les représentants des jeunes des treize régions ou des 45 provinces en fonction des disponibilités budgétaires.

Cela permet déjà de favoriser ce brassage intercommunautaire. Quand vous êtes de la région du Sahel, et que l’on vous fait séjourner au moins deux semaines avec les ressortissants des autres localités du pays, cela crée les conditions pour chacun de pouvoir se connaître mutuellement. C’est parce qu’on ne connaît pas l’autre le plus souvent, qu’on croit qu’il est mauvais.

« Ainsi, le brassage à travers le dialogue intercommunautaire permet à chacun d’apprendre de l’autre, de découvrir ses valeurs culturelles et de mieux se comprendre pour cultiver le vivre-ensemble »

Aussi, les jeunes doivent être formés sur les mécanismes locaux de résolution des conflits intercommunautaires. Nous avons dans cette vision initié un programme transfrontalier qui a concerné les communes frontalières des régions du Nord et de l’Est. C’est un projet qui a fait la promotion du dialogue social et de l’implication des jeunes dans les mécanismes locaux de résolution de conflits. Il y a à cette occasion des jeunes leaders qui ont été formés et qui ont à leur tour formé leurs pairs.

Des leaders religieux, coutumiers et de la société civile ont été également réunis dans des salles pour être formés sur les mécanismes locaux de résolution des conflits. Ce qui leur a permis de savoir comment impliquer les jeunes, comment cultiver les valeurs de vivre-ensemble, de cohésion sociale et de dialogue intercommunautaire au sein des jeunes.

Comment le ministère mesure-t-il l’impact de ses initiatives en faveur de la jeunesse dans les zones de crise sécuritaire ?

Concernant les actions mises en œuvre dans le cadre de la crise sécuritaire, nous ne pouvons pas pour le moment parce qu’il faut une certaine durée pour le mesurer. Mais on peut déjà voir s’il y a des effets de nos interventions sur les jeunes. Et cela est mesurable à travers les mécanismes que nos directions générales en charge des études et statistiques sectorielles utilisent pour collecter les informations au niveau des différentes structures déconcentrées dans les 45 provinces et les treize régions. Donc, nous pouvons affirmer qu’il y a des effets sur nos cibles, même si tout n’est pas rose.

Quels sont les défis rencontrés jusqu’à présent ?

Nous rencontrons effectivement des défis d’accessibilité des zones à défis sécuritaires dans la mise en œuvre de nos activités. Cependant, en attendant que ces zones soient accessibles, nous travaillons avec les structures habilitées et déconcentrées pour mener nos différentes activités. Parce qu’on ne va pas dire qu’il y a l’insécurité et abandonner les jeunes d’une province ou d’une région. Du moment où il y a des associations, des coopératives compétentes pour dispenser la formation aux jeunes dans ces localités, nous passons donc par ces structures, le temps que la paix revienne.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour la jeunesse burkinabè dans un contexte de crise sécuritaire prolongée, et quelles sont les priorités du ministère à cet effet ?

Je dirai qu’il faut que la jeunesse se batte davantage. Parce que c’est quand le pays connaît la paix et une stabilité que l’on peut parler d’avenir. Donc, en tant que directeur général de la jeunesse, j’invite les jeunes à davantage serrer la ceinture et s’engager pour que nous puissions reconquérir le territoire national, afin d’assurer la paix et la cohésion sociale.

J’estime que les jeunes ont plus besoin de la stabilité et de la paix que les anciens. Parce que ce sont les jeunes qui ont beaucoup plus d’avenir.

« Et afin de pouvoir réaliser ses ambitions, c’est un devoir et une priorité pour la jeunesse de s’organiser par tous les moyens légaux en vue d’assurer la sécurité du pays »

77,9% de la population a moins de 35 ans, et il appartient à cette jeunesse de s’organiser en associations, coopératives ou de façon individuelle, à travailler pour ramener la quiétude au Burkina Faso.

S’agissant des priorités, ce que je perçois ici comme priorité, c’est de comment donner des capacités aux jeunes. Aujourd’hui, quoi qu’on dise, tant qu’un être humain n’a pas de compétences, il ne peut pas s’auto-employer. Alors que la principale politique de notre département, c’est d’aller vers l’auto-emploi du jeune, afin qu’il soit créateur d’emploi pour lui-même et d’autres personnes, au lieu d’être un chercheur d’emploi ou une charge.

Et c’est pourquoi en cette année 2023, 1500 personnes déplacées internes (PDI) sont programmées pour bénéficier de la formation professionnelle. Aussi, 645 autres seront identifiées pour bénéficier de la formation avec l’appui des partenaires.
À cet effet, des décrets ont été pris en conseils des ministres pour réorganiser le domaine de la formation professionnelle. Cela, pour qu’une personne ayant bénéficié de la formation professionnelle ne chôme pas. Mais qu’elle puisse être capable de s’auto-employer ou de travailler dans une entreprise privée.

L’autre élément, c’est la question de civisme et de paix. Les jeunes doivent être des messagers de la paix et de la cohésion sociale. Nous travaillons à ce niveau de concert avec d’autres départements ministériels qui ont en charge la question, pour voir comment nous inculquons les valeurs aux jeunes.

Propos recueillis par Hamed Nanéma
Lefaso.net

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