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Prolifération de la dengue à Bobo-Dioulasso : « La multiplication des cas n’est pas liée aux activités de lâcher de moustiques », rassure Dr Moussa Guelbeogo

Publié le jeudi 7 septembre 2023 à 22h47min

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Prolifération de la dengue à Bobo-Dioulasso : « La multiplication des cas n’est pas liée aux activités de lâcher de moustiques », rassure Dr Moussa Guelbeogo

Pour cette année 2023, la région des Hauts-Bassins enregistre, à la date du 5 septembre, 1038 cas de dengue avec malheureusement 21 décès. Une situation qui interpelle les autorités sanitaires qui tentent de se mobiliser pour barrer la route à cette maladie. Face à la prolifération des cas de dengue à Bobo-Dioulasso, certains citoyens avaient pointé du doigt le projet Target Malaria (projet de lâcher de moustiques) d’être à l’origine. Des assertions que Dr Moussa Guelbeogo balaie d’un revers de main.

La dengue représente un problème de santé publique au Burkina Faso. Et depuis quelques temps, la ville de Bobo-Dioulasso connaît des cas récurrents de la maladie. L’information de la résurgence de la dengue a été donnée le 11 août dernier dans une note d’information du directeur des services médicaux et techniques du Centre hospitalier universitaire Souro Sanou de Bobo-Dioulasso. Dans un contexte où le paludisme impose un fardeau énorme à la population et au système de santé, la prise de conscience des autorités envers la dengue doit être prise au sérieux. Cette année, l’on pourrait dire que la flambée importante de dengue a débuté durant cette saison des pluies.

Depuis l’annonce de cette flambée de cas de dengue dans la commune de Bobo-Dioulasso, des voix se sont élevées pour pointer du doigt le projet Target Malaria d’être à l’origine. Que ce soit dans les grins de thé des quartiers ou sur les réseaux sociaux, les commentaires vont bon train. Pour certains, le lâcher de moustiques du projet Target Malaria est sans doute la cause de la prolifération de la dengue à Sya. Ainsi, chacun s’érigeait en acteur de santé et mieux en entomologiste. Du côté de la santé, les acteurs, eux, balaient d’un revers de mains ces « allégations ». Contactés pour en savoir davantage ainsi sur la question, les investigateurs du projet n’ont pas voulu se prononcer pour éviter les polémiques. Ils ont suggéré un « œil extérieur ».

Dr Moussa Guelbeogo, PhD en Entomologie médicale, est enseignant chercheur à l’université Joseph Ki-Zerbo, et chercheur associe au Centre national de recherche et de formation sur le paludisme. Il est par ailleurs le président de la commission spécialisée « Lutte anti vectorielle du ministère de la Santé ». Sur la question de savoir si le lâcher de moustiques à Bana a une incidence sur le nombre de cas de la dengue à Bobo-Dioulasso, Dr Guelbeogo rassure. « Nous sommes au courant du projet Target Malaria et le ministère suit de près ses activités. Ce projet travaille sur les moustiques qui transmettent le paludisme. Donc vous êtes d’accord avec moi que la flambée de la dengue ne s’aurait être liée aux activités de ce projet », a-t-il expliqué.

En effet, les moustiques génétiquement modifiés qui ont été lâchés par le projet Target Malaria à Bana dans l’arrondissement 7 de Bobo-Dioulasso en 2019, sont des moustiques de type anophèles gambiae, responsable de la transmission du paludisme. Alors que les moustiques responsables de la dengue sont des moustiques du genre Aèdes. Il s’agit de moustiques zébrés (de couleurs blanc noir) communément appelés moustiques tigres. Les moustiques lâchés à Bana avaient une distance de vol et de dispersion en moyenne de 136,80 mètres du point de lâcher, c’est-à-dire une distance très limitée. Alors que Bana est situé à une vingtaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso.

Aussi, leur longévité a été mesurée. A en croire le projet, les moustiques modifiés n’ont pas survécu aussi longtemps que leurs comparateurs non modifiés. Les analyses moléculaires des échantillons de moustiques collectés lors de la surveillance quotidienne de 20 jours n’ont pas identifié de moustiques modifiés après le 11e jour de recapture. Au cours des sept mois de surveillance régulière après le lâcher, selon toujours le projet, aucun moustique modifié n’a été détecté lors des analyses moléculaires des échantillons de moustiques collectés sur le site du lâcher ; ce qui « démontre que les moustiques modifiés n’ont pas persisté dans l’environnement ». En outre, les moustiques lâchés sont des mâles et ne piquent pas, donc ne transmettent pas de maladie.

La population mondiale est aujourd’hui exposée au risque de dengue

Dr Moussa Guelbeogo a rappelé que la dengue est une infection virale causée par un virus appelé DENV et transmise à l’être humain par la piqûre de la femelle du moustique infecté du genre Aèdes. « Environ la moitié de la population mondiale est aujourd’hui exposée au risque de dengue, (100 à 400 millions d’infections survenant chaque année). La dengue sévit dans les régions tropicales et subtropicales du monde entier, principalement dans les zones urbaines et semi-urbaines », a-t-il dit.

Le paludisme et la dengue sont deux maladies similaires par le fait qu’elles présentent des signes cliniques semblables et sont transmises par le moustique. Cependant, l’agent pathogène diffère : pour la maladie de la dengue, c’est un virus DENV qui est mis en cause et pour le paludisme un parasite appelé plasmodium. Le paludisme est transmis par la femelle du moustique du genre Anophèle alors que la dengue est transmise par la femelle du moustique du genre Aèdes. A en croire le docteur, la plupart des malades ont des symptômes légers ou n’ont aucun symptôme et se rétablissent en 1 à 2 semaines.

Cependant dans certain cas, la dengue peut être grave et entraîner la mort. Selon Dr Guelbeogo, si des symptômes apparaissent, ils commencent habituellement 4 à 10 jours après l’infection et durent de 2 à 7 jours. Les symptômes sont notamment une forte fièvre (40 °C), des céphalées intenses, une douleur rétro-orbitaire, des douleurs musculaires et articulaires, des nausées, des vomissements, un gonflement des ganglions, des éruptions cutanées. Les personnes infectées pour la deuxième fois courent un risque accru de dengue sévère.

Les symptômes de la dengue sévère surviennent souvent après la disparition de la fièvre. Il s’agit de douleurs abdominales sévères, de vomissements persistants, d’une respiration rapide, d’un saignement des gencives ou du nez, d’une fatigue, d’une agitation, de sang dans les vomissures ou les selles, d’une forte sensation de soif, d’une peau pâle et froide et d’une sensation de faiblesse.

En cas de dengue, Dr Moussa Guelbeogo préconise au patient de se reposer, de boire beaucoup de liquides, d’utiliser de l’acétaminophène (Paracétamol) pour soulager la douleur, d’éviter les anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’Ibuprofène et l’Aspirine, de surveiller les symptômes graves et surtout de contacter un médecin dès que possible. A ce jour, il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue. L’accent est mis sur le traitement des douleurs associées. Et pour éviter la maladie, il invite la population à suivre un certain nombre de recommandations.

« Les moustiques qui propagent la dengue sont actifs pendant la journée et piquent majoritairement dehors. Au Burkina, nos études ont rapporté deux périodes d’agressivité de l’Aèdes. Ce sont entre 16h-20h et 5h et 6h de matin. Pour réduire le risque de contracter la dengue, il faut se protéger des piqûres de moustiques et éviter la prolifération de moustiques autour des habitations par la destruction des gites dans et autour des habitations », a-t-il conseillé.

Il s’agit notamment de vider les réservoirs d’eau après chaque pluie, d’assécher les eaux stagnantes, d’éviter de garder non couverts les récipients contenant de l’eau, de se débarrasser des objets usagés qui favorisent la présence et la reproduction des moustiques, notamment les casseroles, les canaris, les vieux pneus, de changer tous les deux à trois jours l’eau des pots de fleur, de désherber les alentours des maisons, de porter des vêtements qui couvrent tout le corps, de dormir le jour comme la nuit sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide.

Dr Moussa Guelbeogo a salué les actions du ministère de la Santé qui a lancé le 18 août 2023, les journées de lutte anti larvaires dans les grandes villes du Burkina à savoir Bobo-Dioulasso et Ouagadougou. Il invite les communautés à s’approprier ces actions. « Si chaque chef de famille pouvait, chaque deux semaines, faire le tour de sa concession et détruire les gites domestiques et péri-domestiques, nous ferons reculer cette maladie de façon drastique », a-t-il souhaité.

Avant de poursuivre : « Le ministère de la Santé fait certes des efforts pour lutter contre cette maladie, mais la prévention, la protection individuelle contre les piqures des moustiques restent tributaires de l’engagement de chacun de nous, c’est-à-dire, nous devons adopter des comportements pour améliorer notre cadre de vie en évitant la prolifération des moustiques ».

Romuald Dofini
Lefaso.net

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