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Santé : Loin d’être une fatalité, le pied bot est pris en charge avec de bons résultats au Burkina

Publié le mardi 5 septembre 2023 à 23h30min

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Santé : Loin d’être une fatalité, le pied bot est pris en charge avec de bons résultats au Burkina

Le pied bot congénital est une malformation qui touche environ 1000 bébés par an au Burkina Faso. Devant les cas de pied bot, les parents sont la plupart du temps désemparés, ne sachant à quel saint se vouer. Nous nous sommes rendus à l’Hôpital protestant Schiphra à la rencontre de parents venus pour les soins de leurs enfants atteints de pied bot. Dans cet hôpital et dans six autres au Burkina, le programme pied bot Hope Walks Burkina Faso redonne le sourire aux parents et enfants souffrant de pied bot.

Le 20 septembre 2019 naissait la petite Alya, troisième enfant de ses parents. Les premiers jours de joie seront très vite remplacés par l’inquiétude. En effet, plus les jours passent, plus Abibata Sawadogo, maman de Alya, remarque que sa fille n’a pas des pieds « normaux ». Inquiète, son premier réflexe est de demander l’avis des vieilles femmes de son entourage afin de savoir de quoi il en retourne. Elles lui diront que les enfants qui marcheront vite ont ce type de pieds. N’étant pas rassurée, la maman de Alya se rend dans un centre de santé où le médecin va lui montrer des images de pieds bots et l’orienter à l’hôpital Schiphra pour voir un pédiatre.

Direction alors Schiphra où le pédiatre l’orientera vers Dr Oubda Faïçal, spécialiste de la prise en charge du pied bot. Dans la salle d’attente, elle rencontre d’autres parents venus avec leurs bébés dont les pieds sont pareils à ceux de sa fille. Elle sera reçue par le conseiller parental pour un entretien puis un rendez-vous. Le Covid-19 étant passé par là, c’est lorsque sa fille aura six mois, qu’elle débutera son traitement. Aujourd’hui à bientôt 5 ans, Alya est déclarée guérie de pied bot.

Mais le pied bot congénital, qu’est-ce que c’est ?

Selon Dr Faïçal Oubda, spécialiste de la prise en charge du pied bot et par ailleurs manager du Programme pied bot Hope Walks Burkina Faso, le pied bot est une malformation congénitale du pied, ce qui veut dire que l’enfant naît avec le pied bot. Elle peut concerner un pied ou les deux. « Lorsque vous observez le pied, au lieu d’être orienté vers l’avant, la partie antérieure avec les orteils est tourné vers l’intérieur. Lorsqu’on observe de l’arrière, le talon est incurvé vers l’intérieur et si vous regardez de côté, le tendon est monté plus haut que les orteils qui pointent vers le bas. En termes médicaux, il y a quatre déformations caractéristiques qui forment l’acronyme CAVE : le Cavus qui est le fait que l’arche du pied est accentuée ; l’Adductus qui est le fait que la partie antérieure est comme cassée vers l’intérieur ; le Varus du talon, lorsque vous regardez le talon, il va vers l’intérieur et l’Equin, où quand vous regardez de profil, les orteils pointent vers le bas et le talon pointe vers le haut », explique-t-il.

Comme Alya, les enfants reçus à Schiphra pour pied bot ont pratiquement la même histoire. Quand son bébé naît, Rihanata Bougouma, institutrice dans le Ganzourgou a constaté comme le reste de son entourage que l’enfant avait des pieds recourbés. Quand il a trois jours, elle décide de l’emmener en consultation dans un CHU à Ouagadougou. Le pied bot est détecté et l’enfant débute le traitement.

Malheureusement faute d’un suivi régulier, le traitement s’avère inefficace. Dame Bougouma apprendra par la suite, par une connaissance que le traitement du pied bot se fait aussi à Schiphra avec de bons résultats. Quand nous la rencontrons à l’hôpital protestant, son fils devait débuter à nouveau, le jour-même son traitement alors qu’il a 14 mois. Le traitement du pied bot, selon Dr Oubda, débute par la pose d’un plâtre sur le pied en vue de corriger tout doucement la malformation avant de procéder à une petite chirurgie, puis au port des attelles. « La première phase, c’est la phase de correction. On va faire des manipulations du pied pour arriver à identifier ce qu’on appelle la tête du talus. Une fois qu’il l’identifie, l’agent de santé va manipuler le pied et le tirant vers l’extérieur parce qu’il est tourné vers l’intérieur. Ça se fait progressivement. Chez un bébé, nous avons remarqué qu’entre quatre et six plâtres suffisent, donc entre quatre et six semaines de plâtrage, mais pour cela il faut que le bébé vienne très tôt après la naissance. Nous les prenons jusqu’à maximum deux ans après la naissance parce qu’à cet âge-là, les ligaments sont toujours souples et malléables et le traitement est beaucoup moins difficile.

Après les quatre à six semaines de plâtrage, 80 à 90% des enfants auront besoin de ce qu’on appelle une ténotomie du tendon d’Achille parce que le tendon d’Achille est raccourci. C’est ce qui fait que le talon est surélevé et le pied est en équin. On va faire une petite opération sous anesthésie locale chez les bébés pour allonger le tendon d’Achille. Une fois que cette opération est faite, le même jour sur place, un met un petit pansement et on va plâtrer le pied pour 21 jours ou trois semaines pour donner le temps à la plaie et au tendon de bien cicatriser et de bien s’allonger. Au bout des trois semaines, on va enlever le plâtre et l’enfant va passer à la phase de maintien avec les attelles d’abduction parce que dans le pied bot, le pied est tourné vers l’intérieur et les attelles sont tournées vers l’extérieurs. Il y a des angles précis. Elles sont tournées vers l’extérieur à 70 degrés et lorsqu’on le pose au sol, on va voir qu’il y a ce qu’on appelle la dorsiflexion de 10 à 15 degrés. L’attelle est conçue de sorte que vous avez un trou d’inspection pour vérifier que le pied de l’enfant est bien tourné vers l’extérieur. La phase de maintien par l’attelle a deux sous-phases : la phase intensive qui dure trois mois pendant lesquelles l’enfant va porter les attelles de jour comme de nuit et on le laisse 30 minutes le matin pour son bain et 30 minutes le soir pour son bain. Lorsque l’enfant va passer les trois mois, il va porter l’attelle uniquement les nuits pour dormir par exemple de 18 heures à 6 heures du matin. Donc à 6 heures on enlève l’attelle, on le laisse jouer, apprendre à faire quatre-pattes, apprendre à marcher, apprendre à jouer, etc. Et là, les rendez-vous vont s’espacer pour que l’enfant puisse recevoir des attelles de plus en plus grandes comme ses pieds grandissent jusqu’à atteindre l’âge de 4 ou 5 ans où il va être déclaré guéri du pied bot », détaille Dr Oubda.

Il souligne qu’il est important que l’enfant soit suivi jusqu’à 4-5 ans afin d’éviter tout risque de récidive comme ce qui est arrivé au fils de Rihanata Bougouma.
Tous ces soins, précise le médecin, sont fournis gratuitement aux patients. Normalement, le coût du traitement s’élève à 250 000 FCFA par an. Mais grâce au programme pied bot Hope Walks Burkina Faso, ces soins sont offerts gratuitement dans sept formations sanitaires à travers le pays. A ce jour, ce sont plus de 1000 enfants qui ont bénéficié de cette prise en charge gratuite à l’hôpital Schiphra, au CHU Souro Sanou de Bobo-Dioulasso, au CHR de Fada au centre espoir de Fada, à la clinique Dr Sédego de Léo, au centre médico-chirurgical Morija de Kaya au centre médico-pédiatrique Persis de Ouahigouya.

Le conseiller parental, secret du très bon taux de réussite du traitement du pied bot
A en croire Dr Oubda, le taux de réussite du traitement a été récemment évalué et estimé à 91%. De quoi rendre fier l’ensemble de l’équipe de prise en charge, parce que ce taux n’est pas loin des 95% du Dr Ponseti, du nom du médecin dont la technique est utilisée pour la prise en charge du pied bot.

Si ce taux de réussite a pu être atteint au Burkina Faso, c’est en partie grâce au rôle que joue le conseiller parental. Il est en effet le premier à recevoir les parents et l’enfant avant tout contact avec le médecin. Lors de ce premier contact, il fait la sensibilisation sur le pied bot avant même que le diagnostic ne soit posé par le médecin. De telle sorte, que même s’il s’avère que l’enfant reçu ne souffre pas de pied bot, ses parents pourront être un relais d’information dans la société. Une fois le diagnostic posé, le conseiller parental est chargé d’expliquer en termes simples, le processus du traitement. Au regard de la durée, il convient en effet, de bien préparer les parents.

Le conseiller parental est aussi chargé d’appeler les parents pour leur rappeler les différents rendez-vous. Et ceux qui ont des difficultés à suivre le traitement jusqu’au bout, avec des rendez-vous manqués, ces conseillers sont chargés d’aller leur rendre visite à domicile pour échanger avec eux sur les difficultés qu’ils ont et les amener à continuer le suivi. Grâce au conseiller parental, l’hôpital observe un taux de 89 à 90% de rendez-vous respectés. Un rôle crucial dans la prise en charge des patients, que prend à cœur Luc Bamogo, conseiller parental à l’hôpital Schiphra. « La première de nos missions, c’est vraiment de veiller à ce que les parents, les enfants ne s’inquiètent pas trop. Quand ils viennent, nous communiquons avec eux, on leur explique en quoi consiste le traitement (...) Notre rôle, c’est vraiment d’aider à ce que le traitement soit plus efficace. Parce que quand les parents viennent, ils sont dans un état émotionnel, psychologique fatigué. Nous les rassurons que s’ils suivent bien le traitement, les enfants sont guéris à 100%. », laisse entendre Luc Bamogo.

Bien qu’animé de bonnes intentions, le conseiller parental se trouve souvent confronté à certaines difficultés. Ces difficultés résident principalement dans le fait que certains parents ne vont pas au bout du traitement et ce malgré les relances du conseiller. Certains ne répondent plus aux appels. Mais pour les parents rencontrés à l’hôpital Schiphra, le conseiller parental a été d’un soutien pour eux : leur rappelant régulièrement les rendez-vous et toujours disponible à répondre à leurs questions et inquiétudes avec bienveillance.

Parler du pied bot pour faciliter l’accès au traitement

La maman de la petite Alya qui est guérie du pied bot, s’est aujourd’hui assigné la mission de parler autant que possible de la maladie autour d’elle, afin que des mamans dans la tourmente retrouvent le sourire comme elle.

Parler du pied bot, sensibiliser les sages-femmes, gynécologues et pédiatres sur la maladie, c’est aussi une des missions du programme pied bot Hope Walks. Et ce, afin de mieux faire connaître la maladie et donner ainsi la chance aux enfants atteints d’être pris en charge. « Si les sages-femmes, les infirmiers, les gynécologues, les pédiatres qui sont au niveau des services de maternité et de pédiatrie savent ce que c’est que le pied bot et où il faut référer les cas de pied bot qui naissent dans leurs centres, alors, il va sans dire que l’accès au traitement sera facilité », a laissé entendre Dr Oubda. Tout en soulignant que le pied bot n’est une fatalité, encore moins une malédiction comme l’imaginent certains parents, Dr Oubda rappelle qu’il est important que la prise en charge se fasse le plus tôt possible, afin de garantir le succès du traitement.

Justine Bonkoungou
Lefaso.net
Photo et vidéo : Auguste Paré

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