LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Burkina/ Cohésion sociale et vivre ensemble : « Il faut que chaque Burkinabè sache que son voisin est son frère et ami », Me Titinga Pacéré

Publié le mercredi 9 août 2023 à 22h15min

PARTAGER :                          
Burkina/ Cohésion sociale et vivre ensemble : « Il faut que chaque Burkinabè sache que son voisin est son frère et ami », Me Titinga Pacéré

Le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire depuis huit ans. La dégradation accrue de la situation sécuritaire fait que la cohésion sociale et le vivre ensemble vont mal. Me Titinga Pacéré, avocat, écrivain et chef coutumier donne des pistes pour le retour de la paix et la consolidation de la cohésion sociale et le vivre ensemble.

Lefaso.net : Le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire depuis des années. Pensez-vous que c’est une crise communautaire entre Mossis et Peuls comme le disent certains ?

Me Titinga Pacéré : Nous avons pensé qu’il était bon qu’on supprime l’organisation de la chefferie coutumière et nos valeurs. Sinon la chefferie coutumière était tellement organisée de telle manière que personne ne pouvait attaquer ce peuple. Ceux qui disent que la crise sécuritaire est une crise communautaire entre Mossis et Peuls, je tiens à leur dire que c’est faux. Un Peul a déjà dirigé le Mogho pendant sept à huit ans à la mort de Mogho Naaba Oubri. Il s’appelait Modibo. Et il a très bien dirigé le Mogho. Il a même nommé des chefs de canton mossés. Je vous donne un exemple tout proche. Je suis devenu chef de Manéga en 2016.

Le premier gouvernement que j’ai formé, j’ai nommé un chef peul membre de mon gouvernement. Il règle tous les problèmes entre les Peuls. Mais quand il y a un problème entre un Peul et un Mossi, il vient me le soumettre. Et avec tous les membres de mon gouvernement, nous trouvons une solution. Lors de sa nomination, l’Emir du Liptako était à Manéga. Le chef peul de Barkoundouba était présent.

Cela veut dire quoi ? Chez moi, il ne peut pas y avoir de conflit entre Peuls et Mossis. Mon père n’a eu que deux garçons. Mon petit frère porte le nom Sambo. C’est le chef peul de Manéga qui a donné ce nom peul. Pour dire que nous nous entendons bien. Il ne faut surtout pas dire qu’il y a un conflit entre les Peuls et les Mossis. Pour moi, nous cherchons à nous créer des problèmes. Nous cherchons à lutter contre tel groupe ethnique et on accuse. Cette crise, c’est nous les Burkinabè aujourd’hui qui l’avons créée. Parce que nous voulons diviser le pays.

Pensez-vous que l’ethnicisme et le radicalisme religieux grandissant au Burkina Faso ont un impact négatif sur la cohésion sociale et le vivre ensemble ?

Pas du tout. C’est nous qui avons inventé tout ça. Sachez que Me Pacéré est dignitaire à la cour du chef suprême des Bobos Mandarè Le chef Bobo m’a donné le nom Sanou Sogossira. C’est nous qui avons créé ces problèmes artificiels pour que les gens s’attaquent. Moi j’ai pris en charge des enfants de toutes conditions sans distinction d’ethnies ou de croyances. Chez nous dans la nature des choses on s’aime entre groupes ethniques. On s’aime entre religions. On s’aime entre régions. Ce qui nous arrive aujourd’hui ce n’est pas du burkinabè. On m’a dit quelque chose. On m’a dit que c’est la pauvreté et les frustrations qui ont fait que les uns ont pris les armes contre les autres.

Cela est peut-être vrai, mais en partie seulement. En 1973, il y a eu la fameuse sécheresse. Il y a eu des morts à cause de la faim. C’était la pauvreté et la sécheresse, mais à aucun moment personne n’a eu l’idée d’attaquer un village. C’est une paresse intellectuelle de raisonnement que nous avons aujourd’hui en essayant de trouver des faux-fuyants. Pour moi, le vrai problème est que nous avons renoncé à nos valeurs de tradition, de cohésion sociale, de vivre ensemble et de paix. Si on s’y met tous, nous pourrons résoudre notre problème.

Selon vous, en tant que chef coutumier, quels sont les mécanismes traditionnels qui peuvent permettre de résoudre cette crise sécuritaire ?

Nous n’avons qu’à retourner vers le Burkina Faso des traditions. Pas la tradition d’un groupe ethnique, mais de tous les groupes ethniques parce qu’on a tous l’idée de vivre ensemble et de paix. Alors, nous allons retrouver notre cohésion sociale.

Qu’est-ce que les Burkinabè peuvent faire pour le retour de la paix à ce stade ?

Pour le retour de la paix, il faut retourner à la fraternité et à l’Afrique traditionnelle. Il faut éviter l’ethnicisme et le régionalisme. Et accepter de partager avec les autres ce qu’on a. Il faut qu’on se mette dans la tête que ce pays nous appartient tous. Et il ne faudra pas en déchirer une partie. Il faut que chacun laisse son voisin pratiquer sa religion sans stigmatiser.

Il faut retourner à nos valeurs et les mettre en application. Il faut que nos gouvernants prennent en considération l’Afrique traditionnelle dans ses règles qui prônent la cohésion sociale, le vivre ensemble et la tolérance religieuse. Parmi les terroristes, on retrouve beaucoup de Burkinabè. Il faut qu’ils sachent que nos ancêtres n’ont pas fait ce qu’ils sont en train de faire. Ce qui se passe actuellement ne nous honore pas. Nous avons oublié nos ancêtres et leurs valeurs.

En tant que leader coutumier, quel message avez-vous pour les Burkinabè ?

J’aimerais que nous nous replions sur nous-mêmes de telle sorte à reconnaître que nous nous sommes trompés et que nous retournions à nos traditions. Certains jeunes pensent que la chefferie traditionnelle, c’est du passé. C’est une erreur. Parce que les peuples extérieurs, que ce soit ceux de l’Europe ou de l’Orient, ils ont des valeurs. Et ils se plient dans ces valeurs jusqu’aux valeurs de religion. Il ne faudrait pas qu’on nous fasse des reproches sur nos valeurs de culture et de tradition. Je veux que chacun fasse son mea culpa.

Que chacun se dise qu’il s’est orienté vers une voie qui n’est pas celle de nos ancêtres. Je vous le dis, en mille ans, on n’a pas connu un conflit ethnique. On n’a pas connu un conflit interreligieux. Pourquoi aujourd’hui des gens veulent voir ces choses ? Il faut qu’on retourne à nos valeurs. Il faut que chaque Burkinabè sache que son voisin est son frère et ami. Dans le milieu culturel on dit que le premier médicament d’un homme c’est son voisin. Si sa maison prend feu c’est le voisin qui viendra l’aider à éteindre le feu. Que chacun accepte son voisin dans sa religion. Je ne suis pas découragé. J’ai foi que nous allons nous en sortir. Il y a encore la vie et il y aura toujours la vie pour notre pays.

Propos recueillis par Rama Diallo
lefaso.net

PARTAGER :                              

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique