Agé d’une trentaine d’années, Issa Bagré a dû abandonner son activité d’orpaillage à Poura en 2016 pour répondre à un appel plus fort : celui de sa famille. En effet, son père l’a appelé à le rejoindre à Ouagadougou, alors qu’il était sur le point de se rendre à Gaoua, une ville située dans le sud-ouest du Burkina Faso. Il n’a pas hésité à répondre à cet appel, quittant ainsi son labeur dans les mines aurifères pour une nouvelle vie en ville.

Aujourd’hui, Issa vit dans la capitale burkinabè et opère son activité de piroguier au barrage de Tanghin. Ce barrage est un point de passage vital pour de nombreux travailleurs de la zone, mais aussi pour les jeunes mendiants, communément appelés "garibous". Ces derniers traversent le barrage pour aller mendier en ville.

Deux autres personnes mènent la même activité qu’Issa dans le barrage de Tanghin. L’un d’entre eux est un artiste musicien portant des dreadlocks

La traversée de l’espoir

Les rives du barrage de Tanghin voient défiler toute une variété de passagers chaque jour, et Issa est là pour les aider à traverser en toute sécurité. Habile et expérimenté dans l’art de manœuvrer sa pirogue, il offre un service indispensable à la communauté locale.

Les tarifs qu’Issa applique sont modestes mais suffisants pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Les passagers qui sont au moins deux doivent payer 100 francs CFA chacun pour la traversée. Cependant, si un passager préfère avoir la pirogue rien que pour lui, le tarif passe à 200 francs CFA.

Outre l’activité de piroguier, Issa dit pratiquer le jardinage pendant la période sèche

Une activité qui nourrit son homme

Nous avons appris que certaines périodes de l’année sont particulièrement fructueuses pour Issa. Les mois de septembre et octobre sont des périodes d’afflux de passagers. Les eaux du barrage se gonflent en cette période, rendant les déplacements plus difficiles. Sans oublier les autres obstacles présents dans l’eau qui obstruent souvent le passage. C’est à ce moment que la pirogue d’Issa est le plus sollicitée. À la fin d’une journée fructueuse, Issa peut empocher jusqu’à 5 000 francs CFA.

En entendant le récit du jeune homme, nous nous rendons à l’évidence que le démarrage de son activité de piroguier n’a pas été sans effort. Issa a dû débourser en effet la somme totale de 125 000 francs CFA pour acquérir sa pirogue, il y a deux ans de cela. Cela représente une somme considérable pour un homme qui cherchait à se lancer dans une nouvelle activité, mais la passion et la détermination d’Issa l’ont poussé à investir dans son avenir.

Un aperçu du paysage lors de notre balade sur le barrage avec Issa

Une abnégation

La pirogue d’Issa n’est pas seulement un moyen de subsistance, mais aussi un lien avec la communauté qu’il sert. À travers les eaux du barrage de Tanghin, il transporte les espoirs, les rêves et les aspirations des passagers qui empruntent sa barque chaque jour. Auparavant, des expatriés empruntaient sa pirogue à des fins de tourisme. Mais aujourd’hui, la crise sécuritaire que connaît le pays des hommes intègres a mis les affaires au ralenti dans tous les domaines, y compris celui d’Issa.
Ainsi, notre immersion dans l’univers d’Issa Bagré, le piroguier au barrage de Tanghin, nous a offert un aperçu fascinant de la vie et des défis quotidiens de cet homme déterminé. Son histoire est un rappel poignant que derrière chaque activité professionnelle se cache une vie, des sacrifices et une volonté inébranlable de servir et de réussir, tout en restant fidèle aux valeurs familiales qui ont guidé ses choix.

Hamed NANEMA
Lefaso.net