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Burkina/Santé : Donner son sang, c’est contribuer à l’effort de paix, foi de la directrice générale du CNTS, Dr Alice Kiba/Koumaré

Publié le samedi 17 juin 2023 à 09h30min

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Burkina/Santé : Donner son sang, c’est contribuer à l’effort de paix, foi de la directrice générale du CNTS, Dr Alice Kiba/Koumaré

Le 14 juin de chaque année, est commémorée la Journée mondiale du donneur de sang. Cette année 2023, la célébration est placée sous le thème « Sang, plasma : partageons la vie, donnons souvent ! » En prélude à la commémoration, la directrice générale du Centre national de transfusion sanguine, Dr Alice Kiba/Koumaré, a accordé une interview à Lefaso.net. Pourquoi donner son sang, surtout dans ce contexte marqué par une situation sécuritaire difficile ? Quelle est la contribution du CNTS à l’effort de paix ? Quels sont les besoins en sang du Burkina ? Quelles sont les perspectives du CNTS ? Autant de questions auxquelles a bien voulu répondre la directrice générale. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Ce 14 juin, le monde entier commémore la journée mondiale du donneur de sang. Au Burkina c’est Kaya qui abritera les activités le 17 juin 2023. L’actualité du pays c’est surtout la lutte contre le terrorisme et l’appel des autorités à l’effort de paix. Comment le CNTS contribue-t-il à l’effort de paix ?

DG CNTS : Le CNTS, à travers les vaillants et valeureux donneurs de sang, que je salue au passage, contribue à l’effort de paix en ce sens que ceux-ci permettent, en donnant régulièrement leur sang de rendre disponible de façon permanente des produits sanguins labiles pour la prise en charge transfusionnelle des blessés par balle.

Il y a aussi le personnel qui à travers l’appel à la mobilisation pour l’effort de paix s’est organisé pour apporter sa contribution financière.

Y a-t-il une relation entre les attaques terroristes et la production des produits sanguins ?

Il y a en effet un lien entre les besoins en sang et les attaques terroristes parce que le CNTS doit s’organiser en permanence pour répondre aux besoins en produits sanguins labiles en cas d’attaques terroristes. Malheureusement, les possibilités de collecte mobiles sont réduites dans les zones à forts défis sécuritaires. Par conséquent, cela est à l’origine d’une réduction du nombre de poches collectées dans ces zones.

C’est donc le lieu pour moi d’inviter les populations de ces zones à se déplacer régulièrement dans nos sites fixes pour faire leurs dons. En rappel, nous avons un site fixe de collecte dans 10 des 13 régions de notre pays avec deux sites fixes pour le Centre régional de transfusion sanguine de Ouaga, à Paspanga et Tengandogo.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la collecte dans ces localités ?

La principale difficulté est la réduction des capacités de collecte car il y a moins de possibilités d’organiser des collectes en stratégies avancées, c’est-à-dire en équipes mobiles. Les équipes se concentrent plus sur les grandes villes. Ensuite il y a la réduction du rendement des collectes dans ces zones car la population est préoccupée par d’autres soucis que le don de sang. Je profite de l’occasion pour inviter les populations de ces grandes villes (jeunes, associations, services, etc…) à donner régulièrement leur sang

Comment gérez-vous ces difficultés ?

Pour gérer ces difficultés, nous communiquons massivement. Nous avons la page Facebook, le site web du CNTS et grâce à l’accompagnement de la presse, nous arrivons à communiquer. Nous appelons aussi les donneurs qui sont arrivés à leur échéance pour donner le sang. Nous réorganisons notre stock. Pour ces zones, quand il y a une attaque, nous réorganisons les stocks et là où il y a suffisamment de produits sanguins, nous rappelons les stocks pour les mettre à la disposition de là où il y a eu l’attaque pour la prise en charge des blessés.

Nous sommes en période d’hivernage, une période où le CNTS a du mal à avoir assez de sang, comment expliquez-vous les difficultés pendant cette période ?

Ces difficultés s’expliquent par deux phénomènes. Pendant la période d’hivernage, il y a la baisse des collectes parce que les meilleurs donneurs de sang que sont les élèves et les étudiants sont en vacances. Et aussi il y a les travaux champêtres dans les zones reculées. Les gens sont occupés à cultiver la terre.

Le deuxième aspect qui justifie qu’en cette période nous avons des difficultés à rendre disponibles les produits sanguins, c’est l’augmentation de la demande. Pendant cette période, il y a le paludisme qui augmente la demande en produits sanguins dans nos hôpitaux. Il y a aussi les autres pathologies qui nécessitent l’utilisation des produits sanguins. Je cite par exemple, les hémorragies de la délivrance, il y a la prise en charge des patients atteints d’insuffisance rénale chronique à travers la dialyse, la prise en charge des cancers. Tout cela contribue à rendre cette période difficile.

Selon nos chiffres, lorsque nous allons vers les étudiants, une seule collecte peut nous permettre d’avoir 100 poches de sang. Alors que pendant la période où les élèves et les étudiants ne sont pas là, nous peinons même à avoir 50 poches par sortie.

Quels sont vos besoins sur cette période ?

Les besoins de collecte en période ordinaire sont de 600 poches par jour pour tout le pays. Pendant cette période, les besoins sont quasiment doublés avec un besoin de 500 poches par jour pour la seule zone de Ouagadougou.

Quel est le besoin annuel du pays en produits sanguins et combien collectez-vous réellement ?

Selon les recommandations de l’OMS, si dans une population, 1 à 3% de celle-ci donne son sang, c’est suffisant pour couvrir les besoins transfusionnels. Sur cette base et au regard de la population actuelle au Burkina Faso, les besoins théoriques sont estimés à environ 229 000 poches de sang à prélever par an. Nos prévisions de collectes sont tributaires des ressources mises à la disposition du CNTS. A titre d’exemple en 2022, 124 401 poches ont été collectées sur une prévision de 125 000 poches.

Certains citoyens ont la volonté de donner de leur sang mais les sites de collectes ne sont pas légions, quelles solutions proposez-vous ?

Nous avons régulièrement ces plaintes. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour mettre des sites avancés de collecte. On essaie de quadriller toute la ville de Ouagadougou pour mettre en place des sites fixes. Le plaidoyer a été fait auprès d’un certain nombre de partenaires qui ont accepté de nous accompagner. Nous sommes en train d’identifier et de finaliser les sites fixes essentiellement les CMA de la ville de Ouagadougou.

La cérémonie officielle se déroule à Kaya sous le thème : « Sang, plasma : partageons la vie, donnons souvent ! » pourquoi un tel thème ?

Le thème met en exergue la nécessité de donner le sang et le plasma. Souvent les gens ont l’impression que c’est seulement les globules rouges alors que le plasma aussi en cas d’hémorragie, en cas de déficit en facteur de coagulation, est souvent utilisé.

Le thème met aussi en exergue le fait de donner régulièrement. Le sang a une durée de vie. Quels que soient les efforts que vous faites aujourd’hui pour avoir des produits sanguins, au bout de 42 jours au maximum, ces produits sont périmés. Vous voyez que si vous collectez suffisamment aujourd’hui, il faut que dans 42 jours, vous ayez un stock qui soit renouvelé pour permettre de sauver des vies dans les hôpitaux.

Qu’est-ce qui est prévu pour ces manifestations ?

Ce qui est au programme de la commémoration de la Journée mondiale des donneurs de sang, c’est qu’il y aura la diffusion d’un message du ministre de la santé à l’endroit des valeureux donneurs de sang le 14 juin 2023 pour marquer l’événement. Au Burkina Faso, les autorités ont décidé de commémorer officiellement la journée le 17 juin et ce sera à Kaya. Pour cette journée, la veille, c’est-à-dire, le 16, il y aura un cross populaire dans l’après-midi suivi d’aérobic, ceci pour inviter les donneurs à faire du sport, parce que tous ceux qui font du sport sont en bonne santé et quand on est donneur de sang, il faut maintenir sa santé. Le jour-j, le samedi, la journée commence à 10h sous le haut patronage de son excellence M. le Premier ministre, la présidence de M. le ministre de la santé et de l’hygiène publique et le parrainage de Mme le ministre de l’action humanitaire. Cette journée sera marquée par les discours officiels. Il y aura aussi la décoration de huit donneurs réguliers de sang. L’année passée, nous avions promis de voir comment accompagner les donneurs à préserver leur sang afin de pouvoir nous accompagner toujours. Cette année, la cérémonie sera l’occasion de faire le lancement de la vaccination des donneurs réguliers de sang contre l’hépatite B qui est très prévalente dans notre pays.

Vous aviez effectivement promis l’année dernière une campagne de vaccination contre l’hépatite aux donneurs où en êtes-vous ?

Le processus est en cours avec la vaccination de 7 350 donneurs bénévoles de sang cette année et si les ressources le permettent, 15 000 donneurs seront vaccinés au bout de trois ans et le processus suivra son cours grâce aux efforts conjugués du ministère de la Santé et des partenaires.

Parlant de question de santé, vous arrive-t-il de rejeter beaucoup de poches pour des questions de maladies ?

Les rejets de poches sont essentiellement liés aux hépatites, notamment B et C parce que la prévalence est hyper élevée dans notre pays. Selon nos statistiques, les taux de rejet liés à ces maladies sont de 12%. Ça veut dire que si on prélève 100 poches, nous allons rejeter douze à cause des personnes infectées par l’hépatite B et C. En dehors des hépatites, il y a le VIH et la syphilis, mais ces marqueurs, c’est dans l’ordre de 0,5% à 1%. Nous saluons donc l’initiative du ministère de la Santé de rendre gratuit le traitement contre l’hépatite C. Nous, nous venons avec la vaccination contre l’hépatite B pour espérer garder pendant longtemps nos donneurs contre l’hépatite B.

L’autre aspect qu’il faut saluer aussi c’est que le ministère de la Santé a intégré la vaccination contre l’hépatite B dans le programme élargi de vaccination. Donc les enfants qui naissent et font leur vaccination, le sont contre l’hépatite B.
On a l’habitude de dire que le sang est gratuit, est-ce toujours le cas ?
Le sang est totalement gratuit. On ne cessera de le dire. Que ce soit dans les formations sanitaires publiques ou privées.

Quelles sont les perspectives pour l’année prochaine ?

Les perspectives, c’est essentiellement de maintenir les acquis que nous avons en matière de don de sang en accroissant le nombre de poches que nous collectons pour mettre à la disposition des malades dans les hôpitaux. Une autre perspective, c’est de faire l’interconnexion de l’ensemble de nos sites. Nos sites ne sont pas interconnectés, donc ça pose un problème, parce que lorsqu’un donneur donne son sang dans une autre localité autre que celle où il a l’habitude de donner, on a du mal à comptabiliser l’ensemble de ses dons, parce que n’étant pas faits sur le même site. Nous poursuivrons aussi le plaidoyer pour accroître le nombre de vaccins que nous mettrons à la disposition de nos donneurs réguliers pour les aider à se prémunir.

Nous sommes à la fin de cet entretien. Un appel à lancer ?

Comme nous sommes dans le contexte de la célébration de la Journée mondiale du donneur de sang, je voudrai tout d’abord dire un grand merci à l’ensemble de nos donneurs parce que grâce à leur action, ils participent à l’effort de paix en permettant de rendre disponibles les produits sanguins à travers leurs dons réguliers de sang. Ils permettent au Centre national de transfusion sanguine de rendre disponibles en temps réel les produits sanguins pour la prise en charge des blessés par balles.

Ensuite, à l’endroit de la population, pendant la période de juin à octobre, cette période est considérée comme étant difficile pour la disponibilité des produits sanguins. Donc l’appel que j’ai à lancer, c’est d’inviter l’ensemble des jeunes de toutes les grandes villes à se rendre massivement dans les sites fixes de prélèvement, deux sites à Ouaga, un site fixe à Bobo, Koudougou, Fada, Gaoua, Ouahigouya, Dori, Kaya, Dédougou et Tenkodogo.

Donc, rendez-vous massivement dans les centres régionaux de transfusion sanguine pour faire un don de sang et surtout n’oubliez pas de répéter le don de sang chaque trois ou quatre mois parce que le sang est une denrée périssable. Quand on se mobilise, dans 40 jours, il faut encore qu’on puisse avoir un stock suffisant si on veut disponibiliser les produits sanguins pour la prise en charge des malades.

Propos recueillis par Justine Bonkoungou
Vidéo : Auguste Paré
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