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Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

Publié le dimanche 5 février 2023 à 22h20min

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Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

Le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a accordé une grande interview diffusée sur la Radiodiffusion-télévision du Burkina, le vendredi 3 février 2023. Plusieurs questions ont été abordées au cours de cet entretien. Pendant plus d’une heure et demie, le chef de l’Etat a fait un tour d’horizon des préoccupations de l’heure. De la lutte contre le terrorisme, à la crise humanitaire, en passant par les relations internationales, la bonne gouvernance, la justice, etc., il a donné réponse à toutes les questions, sans langue de bois.

« Je me porte très bien. Les rumeurs vont train sur mon état. Ce n’est pas étonnant, au regard de la situation du pays », a lancé d’entrée le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, aux deux journalistes qui l’interviewaient. Après 120 jours passés à la tête du pays, il se dit plus que motivé, convaincu d’être sur le bon chemin. Cette motivation est en phase avec les résultats sur le terrain, confie-t-il. Il a affirmé que les terroristes sont aux abois. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils s’attaquent à des populations civiles non-armées, dit le capitaine Traoré. La reconquête du terrain a plusieurs phases. Le combat au sol, fait-il savoir, n’a pas encore commencé. Car pour gagner la guerre, il faut gagner la guerre du renseignement. Et le capitaine et son équipe travaillent à le rendre efficace. Un point d’honneur est également mis sur la consolidation des territoires reconquis.

« La guerre, ce sont des combats permanents. Et ce n’est pas parce qu’on perd quelques hommes que les choses n’évoluent pas positivement. Falagountou est une zone stratégique. On ne peut donc pas se lancer à la traque des terroristes après leur forfait, étant donné que c’est une zone frontalière », répond-t-il à une question sur cette commune du Séno reconquise il y a quelques semaines par les forces de défense et de sécurité, et à nouveau attaquée le 30 janvier 2023 par les terroristes.

Pas de négociation !

Le président de la transition n’est pas prêt à la négociation. Quand cette question lui a été posée, il a dit ne pas comprendre ce que les journalistes appellent négociation. « Comme je l’ai dit, cette guerre, ce n’est pas nous qui l’avons commencée. Ces terroristes ne défendent rien, ils n’ont aucun idéal. Ceux qui comprennent et qui veulent revenir, nous les accueillerons », darde-t-il.

L’acquisition d’armes est un fait. D’autres matériels de guerre sont même en cours d’acquisition, a affirmé le capitaine Ibrahim Traoré. « Les VDP sont une stratégie qu’on a expérimentée. La nouvelle donne, c’est qu’ils ne sont plus seuls. Ils sont mixés avec les FDS sur le terrain. Nous nous sommes réarticulés en six régions militaires. Certains VDP auront la tâche de faire la guerre ; d’autres, pour des raisons quelconques, nous leur attribuerons d’autres tâches », soutient le président de la transition, répondant du même coup aux accusations d’exactions qui seraient commises par ces supplétifs de l’armée. Pour le capitaine, la question des droits de l’homme est importante si bien que les VDP, au cours de leur formation, reçoivent des notions sur le sujet, grâce à des structures des droits de l’homme.

Des « exactions » de Nouna

Les enquêtes sont en cours concernant les tueries de Nouna, confirme Ibrahim Traoré. « Quand on dit que ce sont les VDP qui ont posé l’acte, c’est trop facile. L’analyse de la balistique est en cours. L’ennemi peut venir lui-même faire des exactions. Combien de fois la population a été attaquée par des hommes venus en tenue militaire ? », questionne-t-il.

La question de la division religieuse évoquée par certaines personnes n’existe pas, de son avis. Il ajoute que toutes les religions s’acceptent ici au Burkina Faso. Il en est de même pour les ethnies. Le capitaine souhaite d’ailleurs qu’on ne s’attarde pas sur ces sujets, parce que c’est de la « manipulation ». La communauté peule, souvent indexée, souffre le plus de cette guerre. Les troupeaux des membres de cette communauté et d’autres biens sont volés par les terroristes. Si bien qu’ils sont obligés de fuir comme toutes les autres ethnies. « Ceux qui jouent aux victimes ne font que du tort à cette communauté. J’ai envie de leur demander ce qu’ils font pour cette communauté », rétorque-t-il.

Pour ce qui concerne le ravitaillement des zones sous blocus, le capitaine indique qu’il n’y a pas de décélération. Il a pris l’exemple de commune de Sollé qui a été ravitaillée au cours de la semaine par voie terrestre. Chose qui n’avait pas été faite depuis des années. La commune d’Arbinda aussi l’a été. Cependant, le problème de location de camions persiste. Même si l’état-major général des armées a communiqué là-dessus, les choses n’ont pas considérablement évolué, d’après le capitaine Ibrahim Traoré.

Il y a du flou dans l’enlèvement des femmes à Arbinda, reconnaît le président de la transition. « Je pense que ministre de la Communication a donné des détails. Cela doit nous interpeller. Des langues se délient, on en saura davantage dans les semaines à venir », rassure-t-il.

Du musellement de la presse

Il n’y a pas une volonté manifeste de la part du capitaine Traoré et de ses hommes de museler la presse, assure le chef de l’Etat. « On peut nous reprocher de ne pas beaucoup communiquer, mais sachez que c’est la situation qui le recommande. On ne peut pas communiquer sur les opérations ponctuelles. Nous n’avons pas non plus l’intention de vous retirer la liberté de presse, mais nous sommes en guerre. Il faut qu’on prenne l’exemple sur d’autres pays en guerre », suggère-t-il.

Un canal sera d’ailleurs trouvé à travers la création d’un centre d’appel dans les prochains jours. Il informe que ce tuyau permettra de communiquer sans donner l’information à l’ennemi. Beaucoup d’ONG interviennent au Burkina Faso, constate le capitaine Ibrahim Traoré. Il assure qu’un inventaire est en cours. Parce que le gouvernement souhaite avoir un œil sur leurs mouvements, notamment les vivres qu’elles convoient dans les zones sous blocus. « Si cela n’est pas fait, on sera dans l’obligation d’abattre des avions », menace-t-il.

Un partenariat « gagnant-gagnant »

Sur les questions des relations internationales, il affirme que le Burkina Faso veut diversifier ses partenariats. L’ambition est de tisser des partenariats gagnant-gagnant. « Nous n’avons pas une dent contre un partenaire particulier. S’il y a des accords qui empêchent de donner de la dignité à nos populations, il est de notre devoir de les dénoncer. J’insiste sur la question de la souveraineté. Peu importe l’Etat, si c’est pour venir nous coloniser encore, nous ne sommes pas d’accord », clarifie-t-il.

Et quand on lui demande si Wagner est au Burkina Faso, le président de la transition dit avoir appris, comme tout le monde, que le groupe paramilitaire privé russe est au Burkina. C’est, selon lui, une rumeur qui a été ventilée par des gens de mauvaise foi pour isoler le Burkina, pour que tout le monde le fuie. Il dit d’ailleurs « merci » à ces gens, parce qu’ils ont permis de développer des stratégies endogènes. D’ailleurs, le Burkina Faso a déjà ses Wagner : ce sont les VDP, ironise-t-il.

Allégations de détournement de 400 millions par un capitaine

Pour ce qui concerne les allégations de détournement de 400 millions de francs CFA par un capitaine, Ibrahim Traoré dit avoir vu l’information un matin dans un journal. Il dit avoir tout de suite demandé à l’ASCE-LC et à l’état-major des armées d’investiguer. « Au fur et à mesure des investigations, on a compris qu’il y avait deux cas. Soit le journaliste n’a pas compris l’information, soit il est de mauvais foi. Jusqu’à l’instant où je vous parle, il n’y a rien de concret sur cette affaire, d’autant plus que le journaliste refuse de nous donner sa source », explique-t-il. Il ajoute que cette affaire a créé de la méfiance au sein de la troupe.

Sur la question de la gouvernance, le président de la transition laisse entendre que l’ASCE-LC a carte blanche pour investiguer dans toutes les institutions. La présidence du Faso ne dérogera pas à la règle. Car c’est la gouvernance qui est la cause de tous les problèmes que vit le Burkina Faso. « La lutte contre la corruption est engagée et on ira jusqu’au bout », prévient-il. Les remaniements ministériels intervenus ne sont pas, pour le capitaine Ibrahim Traoré, une erreur de casting. Car chaque ministre a reçu un cahier de charges et une règle de conduite ; et si un ministre déroge à ces règles, il va de soi qu’on le remplace.

La situation du colonel Emmanuel Zoungrana

La situation du colonel Emmanuel a été aussi évoquée. D’après le président de la transition, il était en prison pour des raisons qu’il ne maîtrisait pas. Il avait bénéficié d’une liberté provisoire. Il dit avoir été par la suite surpris que des enquêtes l’incriminent encore pour un coup qu’il préparait depuis sa cellule. Des traces de ce coup auraient été trouvées dans son téléphone. « Je suis en bons termes avec tous mes frères d’armes. Avec le colonel Zoungrana, je n’ai pas de relations particulières », précise-t-il.

La situation des mines inquiète également le capitaine Ibrahim Traoré. Il affirme qu’ils travaillent pour maintenir le cap afin que d’autres mines ne ferment pas. Les mines fermées seront rouvertes. Le code minier sera également révisé parce qu’on ne sait pas exactement la quantité d’or qui sort du pays.

La justice sera reformée. Elle sera basée sur nos valeurs. « Un programme sera mis en place. Les peines de prison seront converties pour qu’elles soient des peines de travaux forcés pour construire le Burkina Faso », envisage-t-il. Il a terminé en disant que le Burkina est sur le chemin de la victoire. Car la guerre sera bientôt lancée et la victoire est certaine. Le pays retrouvera son calme d’antan, promet-il.

Obissa Juste MIEN
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 5 février 2023 à 18:18, par Nick En réponse à : Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

    Le code minier sera également révisé parce qu’on ne sait pas exactement la quantité d’or qui sort du pays.Et Quest ce que l’on attend avant de changer une telle loi ? Donner du temps aux entreprises de bien se beurer ? J’ai mal, ET pendant combien de temps ces lois bidons sont en place ? Comment un pays souverain peut il signer des lois aussi inacceptables ?

  • Le 5 février 2023 à 20:48, par Souk En réponse à : Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

    Les terroristes gagnent du terrain dans les villages. Ne pas le dire, c’est mentir.
    Il faut reconnaître que d’avoir renversé le pouvoir en place il y a une année n’a pas fait avancer la situation, peut être même est ce le contraire ?
    Il faut espérer que les soldats burkinabè vont réussir. Il ne faut compter que sur les forces du pays car aucun étranger ne viendra mourir pour le Burkina.

  • Le 5 février 2023 à 21:05, par Ka En réponse à : Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

    ’’’’’’’’’’’’’’’’Et quand on lui demande si Wagner est au Burkina Faso, le président de la transition dit avoir appris, comme tout le monde, que le groupe paramilitaire privé russe est au Burkina. C’est, selon lui, une rumeur qui a été ventilée par des gens de mauvaise foi pour isoler le Burkina, pour que tout le monde le fuie. Il dit d’ailleurs « merci » à ces gens, parce qu’ils ont permis de développer des stratégies endogènes. D’ailleurs, le Burkina Faso a déjà ses Wagner : ce sont les VDP, ironise-t-il.’’’’’’’’’’’’’’’’’’

    Bravo ! Le président Ghanéen nous mentait jusqu’à aller confirmer à l’ONU que le groupe Wagner est à nos frontières. Et comme je ne cesse de le répéter : ’’Dénoncer les choses qui ne vont pas n’est ni une offense ni une atteinte à la sécurité nationale. Bien au contraire, c’est une aide vers la perfection (qui, quoi qu’il en soit, n’est plus de ce monde...) Le jeune Traoré vient de nous éclaircir. Oui cette sortie nous donne un petit espoir. Attendant la suite, car, ’’’’’les jeunes dirigeants et autres "opposants historiques" sont toujours pleins de bonnes résolutions et d’idées généreuses et "intègres" avant d’accéder au pouvoir, mais ils changent radicalement une fois qu’ils y sont et gouter le pouvoir.’’’’’

    Ce qui m’a déçu c’est que les journalistes n’ont pas creusé sur le futur du Burkina dont les élections. Peut-être avec le concours de nos VDP, nous vaincrons les terroristes, mais oublié que dans notre continent la Guinée, le Mali, le Tchad ainsi que le Burkina, des pays qui sont à la traîne en matière de démocratie est inamissible. Comme Goïta, Traoré n’ose plus dire qu’il n’est là pas pour le pouvoir, et comme le copier-coller avec le Mali est devenu l’œuvre de nos dirigeants sans détour, l’alternance au pouvoir est encore une chimère. Et, il faut le dire, ces deux putschistes veulent bénéficié de la complicité de certains pays comme la Russie avec un dictateur sanguinaire ou l’Iran qui pend ses ressortissants qui veulent exprimer démocratiquement, pourtant ils chantent a haute voix la démocratie. Dans ces pays, la cupidité des clans au pouvoir se conjugue bien avec l’affairisme des sociétés occidentales transnationales, avec la bénédiction des dirigeants occidentaux.

    C’est aussi cela qui prouve, si besoin en était encore, que l’une des causes des malheurs de l’Afrique, c’est d’avoir des populations qui comptent beaucoup plus sur les Occidentaux que sur elles-mêmes pour arriver à bout des dictateurs. Ces populations croient à tort que l’Occident les tirera du bourbier politique.

    C’est d’ailleurs cette attitude des peuples se comportant parfois en spectateurs de leur propre destin, qui a permis à bien des dictateurs de durer pendant longtemps au pouvoir. Mais, bien des peuples sont en train de se réveiller, heureusement, poussés certainement par la misère et galvanisés par les succès d’autres peuples qui ont osé dire non à l’autocratie et à l’arbitraire.

    En tous les cas, les putschistes ont du souci à se faire avec un monde dominé par la démocratie. Ils se trompent s’ils pensent être à l’abri. La race de chefs d’Etat putschistes toujours accrochés au pouvoir, est en voie de disparition et ils devraient une bonne fois pour toute, en prendre conscience. Le processus semble irréversible. Les présidents les plus intelligents seront ceux qui sauront anticiper pour sortir par la grande porte, aux fins de se prémunir contre toute bourrasque démocratique. Ceux qui s’entêteront finiront tôt ou tard par être balayés par leur peuple.

  • Le 12 février 2023 à 22:22, par Alph@2025 En réponse à : Grande interview du président de la transition : Retour sur les grands points évoqués

    Ibrahim TRAORE est certainement de bonne foi, c’est ce qui est dommage. C’est déjà très bien, mais malheureusement, la bonne foi ne suffit pas. Nos problèmes sont complexes, multiples et multiformes. Dans cette configuration, la ligne droite n’est pas (loin s’en faut), le plus court chemin. Si on ajoute le fait que ceux qui soutiennent le président IB ont des agendas différents et parfois antagonistes, et que ceux qui ne le soutiennent pas sont nombreux, ne serait ce que par la manière par laquelle il a pris le pouvoir, il doit faire preuve d’une grande perspicacité et d’un pragmatisme à toute épreuve. De plus, je suis certains qu’il ne s’attendait pas à ce que le gestion des affaires de l’état ait ce niveau de complexité. Et très franchement, son premier ministre ne l’aide pas beaucoup.
    La formation d’IB ne le prédispose pas à des calculs à long terme. Je ne le sous-estime pas, et peut-être même qu’il me sur prendra agréablement mais ce que je vois en ce moment ne me pousse pas à l’optimisme. Que Dieu nous vienne en aide

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