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Libye : « Les massacres des populations civiles qui ont justifié l’intervention militaire en 2011 n’ont jamais existé »

Lefaso.net

Publié le vendredi 25 novembre 2022 à 19h30min

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Libye : « Les massacres des populations civiles qui ont justifié l’intervention militaire en 2011 n’ont jamais existé »

Cette déclaration émane du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ». Elle porte sur les récentes révélations autour de l’intervention militaire occidentale en Libye en 2011.

Onze ans après la guerre contre la Libye menée par l’OTAN (Organisation du traité de l’atlantique nord), la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays, de nouvelles révélations livrées au public par une enquête des journalistes du site d’information français d’actualités et d’investigation indépendant ‟Blast France” (blast-info.fr) apportent de nouveaux éclairages sur les motivations réelles de cette intervention militaire qui n’a pas tenu compte des mises en garde des leaders africains.

Ces révélations confirment une fois encore, à la suite des courriels de l’ancienne secrétaire d’Etat américain Hillary Clinton rendus publics par le département d’Etat le 22 juin 2015 et du rapport de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes du Royaume-Uni publié le 6 septembre 2016, que les raisons humanitaires évoquées pour détruire la Libye étaient totalement infondées.

Les massacres des populations civiles qui ont justifié l’intervention militaire n’ont jamais existé. Selon l’enquête publiée par la web tv de Blast France, tout était faux : « les événements et le martyr de Benghazi n’ont jamais existé » disent les auteurs. La guerre a été plutôt décidée lors d’un déjeuner d’affaires en novembre 2010 et, il fallait lui trouver un habillage politique circonstanciel en le créant.

Au lieu de l’humanitaire brandi pour la justifier, la guerre contre la Libye était motivée par des intérêts stratégiques, financiers, industriels et diplomatiques. C’était, en réalité, une opération de « changement de régime », un coup d’Etat pour utiliser un terme plus cru et plus actuel comme le reconnaitra avec pertinence le rapport de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Malheureusement, onze ans après cette opération de changement de régime en faveur de certains amis, la Libye est dans le chaos, politiquement, économiquement et sur le plan sécuritaire totalement effondrée, saccagée, en proie aux milices et aux groupes armés. Après le renversement du régime de Mouammar Kadhafi, une partie importante des 350 à 500 milliards d’euros d’avoirs libyens gelés par l’ONU et l’Union européenne dès le début de la guerre (et qui restent toujours gelés ; certaines données estiment ces avoirs à 400 milliards de dollars) a mystérieusement disparu de certaines banques pendant que de nombreux pays et des grands établissements bancaires renâclent quant à l’éventualité de voir ces sommes colossales quitter leur zone de confort actuel pour profiter au peuple libyen.

Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » trouve tardif le mea culpa de la France du 23 mars 2021 qui, à travers son président Emmanuel Macron, reconnaît que « La France a une dette à l’égard de la Libye et des libyens qui est une décennie de désordre ». Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », ce n’est pas seulement à l’égard de la Libye et du peuple libyen que la France et la coalition qu’elle a conduite ont une dette.

Le préjudice subi concerne toute l’Afrique et, les dégâts collatéraux sont visibles aux yeux de tous et en plein essor. Aujourd’hui, avec toutes les révélations livrées sur les motivations réelles de la guerre de l’Occident contre la Libye, on peut interroger à nouveaux frais les enjeux de cette opération militaire plus que spéciale.

Considérant que les services de renseignement occidentaux disposaient des informations révélées a posteriori mais que les dirigeants occidentaux ont choisi délibérément de mentir à l’opinion publique pour rester dans leur logique guerrière de déstabilisation de la Libye, il y a fort à parier que les projections stratégiques ne concernaient pas la seule Libye. En réalité, au regard des développements en cours, l’effondrement de la Libye n’était pas le seul objectif politique, militaire et géostratégique poursuivi et projeté.

Dire le contraire serait faire une injure aux intelligences qui ont conçu l’opération militaire : l’état final stratégique projeté et désiré n’aurait pas tenu compte des tendances dans l’environnement (mauvaise compréhension de l’environnement) et des intervenants éventuels. Le jeu est, pourtant, clair aujourd’hui que l’effondrement politique et économique de la Libye n’était qu’un objectif d’étape dans l’effondrement projeté de toute la zone sahélienne et de l’Afrique de l’ouest dans le cadre d’une stratégie bien pensée du chaos permanent dans la région africaine pour freiner son développement et la rendre vulnérable.

La coalition occidentale qui a mené l’intervention militaire en Libye doit être tenue pour responsable de la prolifération des mouvements terroristes djihadistes au Sahel et en Afrique de l’ouest. Elle a sur ses mains, déjà ensanglantées par le sang des libyens, le sang de chacun des africains tombés sous le coup des attaques barbares des terroristes djihadistes.

Les Etats qui ont participé à la déstabilisation de la Libye et de la zone sahélienne ne sont donc pas fondés à combattre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’ouest dans la mesure où ce terrorisme semble participer d’une manœuvre de fragilisation du Sahel et de l’Afrique de l’ouest pour en récupérer des marchés militaires et économiques et justifier une présence pérenne à relents néocoloniaux de sabordage des souverainetés. Comme l’intervention militaire en Libye, le terrorisme djihadiste qui, parfois, exploite les dissensions locales exacerbées à dessein, semble être le cache-sexe d’intérêts stratégiques, financiers, industriels et diplomatiques et le bras armé d’un tiers.

Les peuples africains ont pris la pleine mesure de la stratégie de la guerre permanente porteuse de chaos utilisée comme multiplicateur budgétaire pour et par des économies exsangues, surendettées. L’on a compris pourquoi les ventes d’armes ont explosé ces dernières années avec un marché de l’armement très florissant. Le rapport annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) de 2021 indique que les ventes d’armes et de services militaires ont généré un chiffre d’affaires de 531 milliards de dollars en 2020.

La guerre et le commerce de la mort font tourner l’économie, pourrait-on dire. Et les pays leaders dans ce domaine sont par ordre, pour ne citer que quelques-uns : les Etats-Unis (37% de parts avec pour destinataires l’Arabie saoudite, l’Australie et la Corée du Sud), la Russie (20%, avec pour destinataires l’Inde, la Chine et l’Algérie), La France (8, 2%, avec pour principaux destinataires l’Inde, l’Egypte et le Qatar), l’Allemagne (5, 5%, avec pour destinataires la Corée du Sud, l’Algérie et l’Egypte), la Chine (5, 2%, avec pour destinataires le Pakistan, le Bangladesh et l’Algérie), Le Royaume-Uni (3, 3%, avec pour destinataires l’Arabie saoudite, Oman et les États-Unis).

Il est notoirement reconnu qu’en remontant aux soutiens allégués du terrorisme djihadiste, il est facile d’établir ses sources d’approvisionnement en armes. Il faut de l’argent pour entretenir la guerre et, ce ne sont pas la contrebande et la vente de drogue qui constituent la source principale de financement des guerres impériales des djihadistes.

Leurs soutiens sont des entités étatiques parfois reconnues dans les relations internationales. La politique des sanctions mise en place contre la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine montre que, si l’Occident le veut, il peut assécher la source d’alimentation du terrorisme djihadiste et y mettre un terme. Mais, il est difficile d’être à la fois juge et partie dans ce genre de situation.

C’est pourquoi les peuples africains ne veulent plus participer à ce jeu de dupes qui se joue sur la scène internationale et dont les principales armes sont le fusil, le mensonge, le travestissement des faits quand on ne les crée pas soi-même de toutes pièces. Ainsi pourraient s’expliquer la rupture qui se creuse chaque jour entre l’Afrique et l’Occident et les révoltes subséquentes contre certains pays occidentaux en Afrique.

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », le 21ème siècle ne doit pas répéter les « Invasions barbares » de l’Antiquité européenne réinventées en terrorisme djihadiste. Les barbares en Europe occidentale ont démembré l’Empire romain d’occident jusqu’à sa disparition totale.

Au 5ème siècle, à la suite des Huns, des Vandales et autres Suèves et Alains, tous des peuples barbares sans foi ni loi, intolérants à l’égard de tout ce qui n’était pas de leur culture, mettaient à sac les villes et pillaient tout ce qui faisait les richesses des autres. Tout comme les peuples barbares de l’Antiquité, ce que les mouvements terroristes djihadistes apportent, c’est la violence des armes et la dissolution des organisations politiques et sociales existantes. En saccageant et détruisant écoles, pharmacies, hôpitaux, commerces, administrations et autres, ils ramènent les zones occupées à une ère ancienne afin de justifier leur recolonisation ultérieure sous le couvert de la religion.

Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle les pays africains impactés d’une manière ou d’une autre par le phénomène du terrorisme djihadiste à sortir des stratégies individuelles, même si elles ont leur utilité, pour penser à une stratégie solidaire grâce à laquelle ils devront adapter leur doctrine militaire à la menace asymétrique qui demande de revoir les capacités opérationnelles et une action militaire flexible et rapide dans le cadre d’une stratégie de sanctuarisation de nos territoires. Nos frontières individuelles, sans disparaître, auraient dû, dès les premiers moments, faire place à une frontière commune face aux mouvements djihadistes. Cela n’a, malheureusement, pas été le cas.

Il reste, cependant, admis que seule la mutualisation des forces est capable d’aider les pays africains à sortir du piège de la régression économique, sociale, diplomatique et stratégique à eux tendu par le terrorisme djihadiste. Des experts trouvent d’ailleurs curieux qu’il ne prospère que dans des zones dont des études existantes soulignent le sous-sol riche en métaux stratégiques et en ressources énergétiques comme un intérêt gazier expliquait, en partie, la guerre civile en Syrie toujours en cours pendant que ce qui avait été mis en avant portait sur la question religieuse et le désir de liberté démocratique face à la dictature du président Bachar el-Assad. Le diagnostic stratégique établi par cette déclaration du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » a pour objectif de servir à modéliser les actions politiques et militaires à entreprendre dans le cadre d’un renouvellement du style comportemental africain pour l’adapter au modèle de la dominance et de l’influence.

Parce que la situation dramatique que vivent les populations sahéliennes et d’Afrique de l’ouest a pour cause principale l’intervention militaire en Libye qui s’est révélée, avec le temps, une exploitation à des fins militaires et en Afrique du mécanisme biologique de l’infection virale avec un spectre large, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle la société civile africaine, notamment les organisations africaines de défense des droits de l’homme, à explorer toutes les voies possibles pour poursuivre, devant les juridictions internationales et locales des nations initiatrices, toutes les personnalités physiques, politiques, morales, médiatiques et étatiques responsables de la guerre en Libye et du chaos qui s’en est suivi à la fois en Libye, dans le Sahel et en Afrique de l’ouest.

La comptabilité de tous les dommages induits par cette situation devra leur être imputée. Elles sont aussi coupables de crimes de guerre systémique et de crimes contre l’humanité et de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

En 2010, les prévisions du Fonds monétaire international faisaient de l’Afrique de l’ouest l’une des destinations privilégiées pour les investisseurs et, son économie devait progresser plus vite que celle de certains pays émergents. Aujourd’hui, avec l’irruption d’un acteur imprévu sur la scène politique et sociale, ces prévisions optimistes semblent compromises à cause d’une intervention militaire couverte par la légalité internationale mais aux fondements totalement mensongers qui remettent en cause cette légalité.

Après l’épisode des barbares dans l’Antiquité, l’épisode des pirates au Moyen-Age, l’épisode de la traite négrière, l’épisode des conquêtes coloniales et celui de la première et de la deuxième guerres mondiales, l’Occident se trouve encore responsable du désordre mondial dans une logique permanente de remodelage des frontières et de régulation de la dynamique politique soumise aux intérêts économiques du moment. Et pourtant, l’Occident, à ses meilleurs moments, est concepteur de l’Ordre mondial.

Cet Occident-là est le plus préférable pour construire un monde en paix et économiquement dynamique profitable à tous. Les barbares n’ont apporté ni l’humanité ni la civilisation à l’Europe occidentale. Tout ce qu’ils ont apporté, c’est le désordre, les razzias, le gangstérisme, la destruction et le vol en bande organisée. L’humanité ne doit pas marcher à reculons à cause de la pression économique et des impératifs impérialistes ou de survie.

Fait à Abidjan, le 22 novembre 2022.
Pour « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ».
Le Président
Pr. Séraphin Prao

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