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Burkina : Le nouveau Premier ministre compte réduire les salaires des ministres

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Publié le dimanche 23 octobre 2022 à 22h13min

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Burkina : Le nouveau Premier ministre compte réduire les salaires des ministres

Le nouveau Premier ministre burkinabè, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, a accordé une interview à radio Oméga, ce dimanche 23 octobre 2022. Sa vision sur la réconciliation nationale, la constitution du gouvernement, le choix des partenaires internationaux dans la lutte contre le terrorisme ont été, entre autres, au menu de cet entretien dont nous avons retranscrit le contenu.

Radio Omega : Mesurez-vous l’étendue de la tâche qui vous attend ?

Me Apollinaire Kyelem de Tambela : Parfaitement, j’en suis conscient. Avant même d’être nommé Premier ministre, je suis un Burkinabè. Je vis ici, donc je connais les réalités du pays. Je suis parfaitement conscient de ce qui nous attend.

Les attentes sont nombreuses, bien sûr…

Bien sûr, tout à fait. C’est pour cela que nous parlons de refondation. C’est pour cela que le président parle d’urgence. Le président dit que tout est urgent.

L’épineuse question de la sécurité, le président est un militaire. Il connaît sans doute son rôle. Quelle place pour vous en tant que Premier ministre civil ?

C’est de constituer un binôme avec le président. Le président est un militaire, il est un homme de terrain. Il m’a fait comprendre que ce qui le préoccupe le plus, c’est la sécurisation du territoire et le retour des déplacés dans leurs localités d’origine. Le président va donc se charger du volet sécuritaire et moi, du volet civil ; c’est-à-dire de la gouvernance du territoire.

Avez-vous déjà une idée de votre structure gouvernementale dont le nombre est limité à 25 par la charte de la transition ?

Je pense que 25, c’est beaucoup. Je ne crois pas qu’il y aura 25 ministres. Je crois que nous en aurons un peu moins. Vu le problème sécuritaire du pays, il faut faire des économies sur tous les plans.

Des ministères seront scindés ?

Attendez de voir. Je pense que vous n’attendrez pas beaucoup. Vous verrez comment nous allons procéder.

A quand la formation de ce nouveau gouvernement ?

Je ne peux pas vous le dire, parce que vous savez que cela ne dépend pas seulement de nous. Il y a aussi les nécessités administratives. Sinon si cela ne dépendait que du président et de moi, les choses ne sauront durer.

Vous êtes également responsable du dialogue politique et de la réconciliation. Comment percevez-vous l’environnement politique ?

Je ne comprends pas bien votre question. Mais si c’est l’environnement politique, je le connais très bien. Maintenant quelle sera la réaction des hommes politiques ? Je ne peux pas vous le prédire. C’est avec le temps qu’on le saura.

Je veux dire qu’est-ce que vous attendez des acteurs politiques dans cette transition ?

Je pense que les acteurs politiques sont des Burkinabè. S’ils sont des patriotes, ils ne peuvent que soutenir l’action de notre régime de la transition qui consiste à donner la priorité à la sécurité des Burkinabè. Chaque jour qui passe, des Burkinabè meurent. Chaque jour qui passe, des Burkinabè sont chassés de leurs territoires. Si les acteurs politiques ont une fibre nationaliste, ils ne peuvent que soutenir notre action. Et à l’issue de notre action, ils pourront revenir sur la scène politique et recommencer leur jeu. Mais en attendant, c’est une question de survie du Burkina Faso et des Burkinabè.

Sur la question de la réconciliation nationale, le MPSR 1 avait engagé certaines actions. Quelle est votre vision sur les actions entreprises par vos prédécesseurs ? On a vu l’ancien président Blaise Compaoré qui était au Burkina…

Vous savez, je n’ai pas encore pris réellement fonction en tant que Premier ministre. Nous sommes encore au stade des négociations. Je ne connais pas l’étendue exacte de ce que faisait le MPSR 1. Mais je m’étais déjà prononcé par rapport à l’arrivée de Blaise Compaoré ici au Burkina Faso. Je vous ai dit par exemple que tout le monde est pour le pardon. Mais il y a un cheminement pour le pardon. Le pardon exige l’humilité de la part de celui qui demande pardon, et la sincérité de la part de celui qui demande pardon. J’avais dit que je n’avais pas perçu ces deux éléments dans l’arrivée de Blaise Compaoré et dans la proclamation de sa demande de pardon. De mon point de vue, cette façon de procéder n’était pas conforme. Je me suis déjà prononcé aussi sur la réconciliation.

Pour moi, la vraie réconciliation au Burkina Faso consiste à réconcilier l’ensemble des Burkinabè avec l’ensemble des Burkinabè. Généralement, les gens, quand ils parlent de réconciliation, c’est une vision politique, c’est-à-dire la réconciliation entre les acteurs politiques de différents régimes entre eux. Mais cela a concerné une minorité de Burkinabè. Nous sommes 22 millions, il faut faire en sorte que chacun des 22 millions se sente Burkinabè. Vous savez déjà qu’ils vivent pratiquement en dehors de l’Etat parce qu’il y a pas de structure de l’Etat à leur niveau. Ces gens ne sont pas réconciliés avec l’Etat. Donc il s’agira de faire en sorte que tous ces gens puissent se sentir Burkinabè et puissent savoir que nous avons une cause commune à défendre. C’est cela la vraie réconciliation.

On connait vos penchants proches de Thomas Sankara. Est-ce que cela va se sentir dans votre gouvernance ?

J’ai déjà eu à dire qu’on ne peut pas développer le Burkina Faso en dehors de la ligne tracée par Thomas Sankara. Cela n’est pas possible parce que nous sommes un pays sous-développé avec peu de moyens. Nous ne pouvons que compter que sur nos propres forces si nous voulons nous en sortir. Actuellement, vous avez remarqué qu’on patine depuis longtemps. Pourquoi ? Parce que nos propres produits, ce que nous produisons, ne sont pas consommés. Nous consommons ce qui vient d’ailleurs. Regardez les vêtements, les chaussures d’occasion qui inondent nos marchés, etc. Comment voulez-vous que nos cordonniers puissent s’en sortir si cela continue ? Comment voulez-vous que nos tisserands puissent s’en sortir si cela continue ? Si la poubelle des pays occidentaux est déversée sur nos territoires ?

L’économie est au ralenti, monsieur le Premier ministre. Le pouvoir d’achat est faible ; quelle mesure urgente ?

Comme je l’ai dit, je n’ai pas encore pris fonction. Il faut connaître les réalités pour savoir maintenant par quelle mesure urgente nous allons procéder. Nous allons commencer par abroger la décision du président Damiba qui consistait à relever le traitement [salarial] des ministres et du président du Faso. Ensuite, nous essayerons de voir si c’est possible qu’on joue sur le prix du carburant parce que tout est basé sur cela. Si le prix du carburant augmente, tout augmente. Tout fonctionne à partir du carburant. Nous essayerons de voir parce que je ne peux pas vous dire si on pourra le réduire ou pas. Mais nous essayerons de voir si cela est possible de revenir sur ces décisions, afin de relancer l’économie.

Vous êtes en train de dire que les salaires qui ont été augmentés chez les ministres, ces salaires seront revus à la baisse ?

Ecoutez, le président est d’accord, je suis d’accord aussi. Je pense qu’ensemble, nous essayerons de revoir cette décision pour réconcilier les Burkinabè avec eux-mêmes.

On termine sur la question du partenariat dans cette lutte contre le terrorisme. Des voix s’élèvent pour réclamer un partenariat avec la Russie, parce que le partenaire français ne produit pas de résultats selon elles. Quel est votre avis sur le sujet ?

Mais nous sommes déjà en partenariat avec la Russie ! Je l’ai déjà dit. C’est mon propre oncle Pierre-Claver Damiba que le président Lamizana avait envoyé en Russie pour négocier les relations entre la Russie et le Burkina Faso, donc c’est depuis la prise de pouvoir du président Lamizana. C’est depuis les années 60 que nous sommes en relation avec la Russie. Nous sommes déjà en partenariat avec la Russie. Vous savez que nous achetons des armes de la Russie, de l’Ukraine, etc. Les partenariats existent. Mais peut-être qu’on pourrait renfoncer les partenariats en tenant compte des réalités actuelles.

Mais quoi qu’il en soit, il ne sera pas question pour le Burkina Faso de se laisser dominer par un partenaire quelconque, quel que soit le pays. Il ne sera pas question pour le Burkina Faso d’être dompté et dominé par un partenaire quelconque. Nous négocierons avec tous les partenaires en ayant en vue l’intérêt du Burkina Faso. Si nous estimons qu’un partenaire n’est pas loyal avec nous, nous attirerons son attention. S’il persiste dans son comportement, nous reverrons nos relations avec ce partenaire. Cela doit être clair et compris par tout le monde. C’est la souveraineté du Burkina Faso qui sera prise en compte.

Propos retranscrits par SB
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