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Jean-Pierre Palm, ministre des Sports et des Loisirs : "L’Etat providence, c’est fini"

Publié le mercredi 14 décembre 2005 à 08h10min

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Jean-Pierre Palm

La cinquantaine bien sonnée, le colonel de gendarmerie, Jean Pierre Mori
Ardjouma Palm est à la tête du département des Sports et des Loisirs, il y a
maintenant près de quatre mois. Depuis son arrivée, on parle de sa volonté
d’imprimer une autre vision de la chose sportive.

Pour en savoir davantage, nous l’avons rencontré et il s’est exprimé sans
fioriture sur un certain nombre de sujets : c’était tantôt le sportif ou encore le
militaire qu’on avait en face de nous. Bref, celui qui accepte qu’on l’appelle
JPP dit que c’est une mission qui lui a été confiée même s’il affirme que le
milieu du sport est assez difficile.

"Le Pays" : Comment vous sentez-vous dans ce costume de ministre des
Sports et des Loisirs depuis quelques mois maintenant ?

Jean-Pierre Mori Ardjouma Palm : C’est une mission qui m’a été confiée et je
ne peux pas me juger mais ce sont ceux de l’extérieur qui peuvent apporter
un oeil critique sur ce que je fais ou commence à faire. Je tiens à dire que
c’est un milieu assez difficile du moment où il est disparate. Nous avons du
monde qui vient d’un peu partout, de niveau d’études et de milieu social
différents. Cela pose quelque fois des problèmes dans les échanges mais
comme je le dis, je m’inscris dans une concertation permanente, parce que le
sport est un facteur d’unité, de cohésion, d’amitié. Nous essayons en tant que
premier responsable du département, d’apporter notre touche pour que les
gens puissent communiquer et taire les petites bagarres qu’on a pu constater
par le passé.

Quels sont les enseignements que vous tirez des rencontres que vous avez
eues avec toutes les fédérations sportives ?

Les premiers enseignements que je retiens, c’est que tout le monde a à
coeur de pouvoir aboutir à un certain effort du sport burkinabè d’une manière
générale. Toutes les fédérations ont abordé les problèmes sans aucune
retenue, parce que ce fut des débats francs et ouverts. Le gros problème,
c’est celui de l’ensemble du Burkina, à savoir l’argent. Il s’agit de voir ce qu’il
faut faire pour que le sport puisse s’auto- suffire. C’est notre problème,
puisque chacun attend de l’Etat qui n’a pas une enveloppe extensible à
souhait. Nous sommes dans un pays dont les moyens sont limités mais a
beaucoup de besoins dans pratiquement tous les domaines.

Vous avez dû faire le constat des fédérations qui ont le plus de problèmes
financiers.

Il y a de nouvelles fédérations comme par exemple celle du base-ball, un
sport méconnu au Burkina. J’étais étonné qu’il y ait une fédération de
base-ball et c’est dans la salle que nous nous sommes imprégnés des règles
de cette discipline qui sont quelque peu complexes. Ce sont des fédérations
qui n’ont aucun moyen mais il y en a qui sont bien organisées comme celle
du judo qui nous a fait une bonne impression, les dirigeants du basket ont fait
un développement futuriste de cette discipline au Burkina.

Vous parlez d’initiatives. Comment entendez-vous développer cette idée pour
que le sport au Burkina ne s’essouffle pas ?

La première idée que j’ai eue en échangeant avec des partenaires, c’est de
voir si les Burkinabè peuvent consentir à donner un minimum, que ce soit 50
ou 100 F CFA à ajouter sur leurs factures d’eau, d’électricité, de téléphone,
pourquoi pas sur la boisson m’ont dit certaines sociétés. Mais il ne faut pas
obliger les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas faire. Nous allons procéder
par un jeu de questionnaires à déposer dans les foyers, pour permettre aux
gens de répondre.

En fonction des réponses, nous verrons si les gens
adhèrent ou pas à l’idée. Si la population adhère, un calcul effectué par des
journalistes donne la somme d’un peu plus d’un milliard de francs CFA. Il faut
en plus créer une dynamique entre le public et le sport pour la gestion de ce
fonds, afin de permettre à tout le monde d’avoir un oeil dessus. Je ne sais pas
comment cela va se faire mais nous sommes pour l’instant au niveau des
contacts.

La question d’argent est à l’ordre du jour en ce début de saison, avec la
Fédération burkinabè de football (FBF). On n’en parlait pas mais cette fois, il
était question de tension de trésorerie qui ne permettait pas à la FBF de
débuter à temps le championnat national. Comment vous expliquez cette
situation ?

Je ne dirai pas que la fédération burkinabè de football était en manque
d’argent. Elle voulait boucler son budget avant de démarrer le championnat. Il
faut reconnaître également que l’actualité a été très dense ces derniers mois
au Burkina, avec l’élection présidentielle, et le Tour du Faso. C’est l’une des
raisons qui ont amené la FBF à repousser le début du championnat et non un
problème d’argent. Tout le monde avait les gorges chaudes sur ce sujet mais
je peux confirmer qu’il va commencer le 17 décembre prochain. C’est la date
donnée par la FBF et j’ai dis à ses dirigeants lors de notre rencontre de
respecter cette date.

Les marques de cigarettes sont présentement interdites dans le sponsoring
sportif. Mais la FBF qui reçoit du soutien sous forme de mécénat se voit
imposer une taxe d’impôt de 35% sur 200 millions F CFA. Cela ne fait-il pas
un peu trop dans un pays qui dit vouloir développer le sport.

Le Burkina est un pays qui vit essentiellement des taxes douanières, et à
l’intérieur, les impôts permettent aussi de payer les salaires des
fonctionnaires. Je suis un peu mal placé pour vous donner une certaine
réponse et le mieux serait d’approcher le ministre des Finances. Nous avons
longuement échangé avec lui et il a sorti des arguments un peu solides sur
ce sujet ; néanmoins il essaie d’être compréhensif. Nous trouverons une
formule pour permettre au sport de pouvoir évoluer.

Le gouvernement peut trouver une possibilité pour exonérer les structures
sportives de ces taxes comme cela se fait dans des pays de la sous-région.

Il est vrai que les gens donnent mais il y a un jeu qui se fait. Le patron d’une
structure m’a fait savoir que certaines sociétés peuvent se faire des dons
exonérés d’impôts. Il dit comprendre la position du ministère des Finances,
parce qu’il y a des gens qui n’ont pas été sérieux et c’est ce qui pose peut-être
problème. Le ministre des Finances, Jean-Baptiste Compaoré est très ouvert.
Je pense que les discussions ne sont pas terminées et il est en train
certainement de réfléchir sur comment aider le sport qu’il aime bien.

Avec toutes ces difficultés financières, on doit craindre une non-participation
des clubs du RCK et de l’USO à la prochaine campagne africaine.

J’ai rencontré les présidents du RCK et de l’USO sur cette question en
promettant qu’ils auront l’appui nécessaire pour ne pas tomber au premier
tour comme on en a l’habitude. Nous leur avons promis mais je leur ai fait
savoir qu’ils ne doivent pas être trop gourmands. Quelquefois quand vous
demandez aux gens de vous faire un devis, il vous arrive d’être complètement
démoralisé par rapport à certaines rubriques. Il faut que chacun se mette
dans les normes du Burkina et sache que là où les gens doivent faire le
minimum d’efforts le Burkinabè doit en faire deux fois plus compte tenu de
nos moyens. Nous mettrons un minimum à la disposition de ces deux clubs
mais à eux de faire le double effort pour parvenir au tour suivant.

Pour ces 5èmes jeux de la Francophonie, il a été rapporté que vous avez
décidé de gérer au ministère tout ce qui est aspect financier. Cela a posé
quelques problèmes avec surtout l’équipe nationale de football. Qu’en est-il
exactement ?

J’ai été surpris et étonné d’apprendre cette information. La Fédération de
football a présenté un budget qui a été honoré. J’ai toujours dit que nous ne
devons pas faire de la rétention de l’information vis-à-vis des journalistes
parce que c’est votre outil de travail. Il n’y a eu aucun problème avec toutes
les fédérations qui ont une délégation aux jeux de la Francophonie. Au sujet
des primes, j’ai pris la responsabilité sur moi de ramener tout le monde à des
normes assez justes, puisque les gens demandaient des sommes
faramineuses et j’ai dit non. Ce sont des jeux beaucoup plus culturels que
sportifs et nous devons être conscients de cela.

Le Burkina qui était très attendu au Tour cycliste de Madagascar, ne s’y est
pas rendu dit-on pour des raisons financières.

Je tiens à souligner que je ne rentrerai pas dans la gestion quotidienne des
fédérations. Il ne m’appartient pas à moi, ministre des Sports et des Loisirs de
dire à telle fédération, "vous devez aller à telle manifestation". C’est la
fédération qui estime que compte tenu de la préparation de ses athlètes, elle
veut participer à telle compétition. Nous cherchons ensuite les voies et
moyens pour l’aider à y participer convenablement mais si la fédération ne
m’approche pas, ce n’est pas moi qui vais les rejoindre pour leur faire savoir
qu’il y a ceci ou cela.

La fédération de cyclisme ne m’a pas approché pour ce tour et je n’ai pas vu
une correspondance dans ce sens. Il faut que les gens arrêtent également de
spéculer. Nous venons de finir le Tour du Faso et je pense que nos athlètes
sont aussi fatigués, parce que c’est éprouvant. Enchaîner des tours cela peut
être aussi enchaîner des contre-performances et comme on le sait, le
Burkinabè n’aime pas perdre même s’il ne met pas les moyens. Je pense que
c’est l’une des raisons qui ont sans doute amené la fédération à ne pas
s’engager pour ce Tour de Madagascar.

Face aux disciplines existantes, quelles vont être vos priorités pour le
rayonnement de certaines d’entre elles sur le plan international ?

Lors des rencontres avec les fédérations, j’ai dit aux dirigeants que la
première des choses c’est l’organisation au sein des structures et surtout
éviter des discussions inutiles. C’est par-là qu’on peut voir clair dans les
perspectives. Ensuite, il faut qu’on fasse en sorte que les athlètes qui sont en
mesure de compétir à l’extérieur, grâce à leur talent certain, qu’on puisse les
suivre et pouvoir les faire sortir pour des compétitions plus huppées et
éventuellement les placer dans certains clubs européens ou même africains
où le sport est beaucoup plus développé.

Je crois qu’il faut partir sur une
organisation rigoureuse et la découverte des talents. Il s’agit pour les
fédérations à travers leur direction technique de sortir les talents et voir
comment on peut les placer. Je me plais à dire, que des joueurs comme
Didier Drobga, Samuel Eto ont coûté zéro franc à leur pays en matière de
formation mais valent aujourd’hui 200 millions de F CFA mensuel. Ce sont
des sources d’investissement dans leur pays. Mais que le travail ne se fasse
pas dans le désordre.

Je ne parle pas que des footballeurs, puisque nous avons des basketteurs
dehors mais en matière de tennis, ce n’est pas évident. Au sujet de cette
discipline, j’ai rencontré il y a peu de temps un technicien marocain qui était
récemment à Ouaga et nous avons échangé sur comment vulgariser cette
discipline. C’est une vision que j’ai mais néanmoins la concertation se
poursuit et je me dis qu’on trouvera les voies et moyens pour qu’il y ait
réellement un essor de notre sport.

Comment expliquez-vous cette volonté de confier au Comité national
olympique et des sports burkinabè (CNOSB), de mettre en place une
structure de supporters. Est-ce en même temps une façon de dissoudre les
deux structures déjà existantes ?

Je n’ai pas parlé de dissolution. J’ai une conception du sport mais quand des
structures qui sont supposées amener un plus à l’équipe s’adonnent à la
"boxe" qui n’est pas leur discipline réelle, cela crée un environnement
malsain autour de l’équipe. Ce milieu demande une certaine réorganisation
et allez demander à un de ces comités de vous présenter un récépissé. Ils
n’en ont pas. En prenant l’exemple de la CAN 98 organisée dans notre pays,
je demande à ce qu’on donne le nom d’un pays qui a affrété des avions pour
ses supporters afin de soutenir son équipe.

Dans ce sens, il faut dire bravo à
nos responsables politiques qui ont voulu apporter un plus mais certains ont
voulu en faire un gain personnel. Il y a tout un bruit qui entoure ces
supporters et je dis non. J’ai dit au président du CNOSB, Pascal Kinda que la
réflexion est de voir comment le supporter peut apporter quelque chose à
l’équipe non seulement en supportant mais aussi en mettant la main à la
poche. Ce n’est pas celui qu’on supporte qui doit payer pour être supporté et
si c’est ainsi, cela a un nom.

Contrairement à ce que les gens disent, j’ai reçu Mahamadi Kouanda et
Noufou Ouédraogo dans ce bureau et leur ai donné deux semaines pour me
trouver une solution, parce que je ne suis pas un homme à marcher dans
cette pagaille. Quand vous donnez un franc ici, ce sont des critiques de l’autre
côté. C’est fini, cette histoire d’Etat providence. Si j’ai de l’argent, je pense qu’il
vaut mieux le remettre à ces jeunes qui sont sur le terrain pour améliorer
leurs performances.

Le supporter, c’est quelqu’un qui doit fournir un effort
pour montrer à son équipe qu’il l’aime et non recevoir de l’argent pour aller
se promener dans les gradins. Tout Burkinabè digne de ce nom est un
supporter des Etalons.

N’est-ce pas vous mettre à dos ces deux structures ?

Il n’y a aucun combat. J’ai 52 ans et dépassé l’âge d’avoir peur de quelqu’un.
Ensuite, le ministère est celui qui a le cordon de la bourse. Je n’écarte
personne mais peut-être que j’ai été incompris. Le CNOSB doit avoir à coeur
de réfléchir sur comment organiser les supporters des Etalons, et d’ailleurs si
on veut retourner à la base, c’est de demander aux présidents des clubs de
faire venir leurs supporters, parce que ce sont leurs joueurs qui évoluent en
équipe nationale.

J’ai été ahuri par ce que j’ai entendu sur la CAN 2004 en
Tunisie. D’abord, les gens allaient réveiller l’entraîneur pour voir les joueurs à
une certaine heure parce qu’il y a le "wack". Le rôle du supporter n’est pas de
s’immiscer dans la gestion quotidienne de l’équipe. Quand on crée cet
environnement malsain, ce n’est pas bon.

Certains de vos confrères m’ont dit
qu’ils ne pensaient pas que quelqu’un allait avoir le courage de poser ce
problème, parce que ça dérangeait tout le monde. Il faut seulement avoir du
bon sens et parler aux gens les yeux dans les yeux.

Les deux semaines sont-elles déjà passées et si oui qu’est-ce qui va se
passer ?

Les deux semaines sont passées et c’est avant que je ne rencontre le Comité
national olympique. Ils font d’ailleurs partie des premiers contacts que j’ai eus.
Je ne vais rien faire mais je ne sais pas pourquoi les gens prennent ce
problème à coeur. Il faut éviter de mettre de la mousse sur un problème qui
n’en est pas un . Le ministère n’a pas à gérer les supporters ; mais s’ils ne
venaient pas nous demander de l’argent pour tel ou tel voyage on allait
fermer les yeux là-dessus parce que financièrement cela nous coûte.

Au
point de vue rentabilité, je n’en vois pas la nécessité. Mahamadi Kouanda et
Noufou Ouédraogo peuvent se retrouver suivant l’organisation qui va être
mise en place à la tête d’une structure mais il faut que le supporter apporte
quelque chose à l’équipe, financièrement j’entends. Les supporters du Mali
ont donné 200 millions F CFA aux Aigles, les Ivoiriens ont déposé 50 millions
devant leur équipe nationale. Dites moi ce que nos supporters ont donné. Je
ne voudrais pas qu’on monte la moutarde un peu trop.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO
Le Pays

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