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L’école de Tibtenga : Une insulte au "développement"

Publié le lundi 12 décembre 2005 à 09h06min

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Les habitants du village de Tibtenga (département de Kalsaka 90 km de Ouahigouya) sont amères. L’espoir de voir la construction d’une école digne dans leur village s’est fondu comme du beurre de karité sur du feu. Aujourd’hui ils se demandent à quel saint se vouer.

Conscients que l’éducation est la clé de voûte de tout développement, les habitants du village de Tibtenga ont décidé que leurs enfants ne resteront pas dans l’obscurantisme. Après avoir tapé à toutes les portes pour solliciter la construction d’une école, sans aucune réponse favorable, ils se sont résolus à se bander les muscles pour se donner une école de fortune.

Après plusieurs conciliabules et l’apport des uns et des autres, ils ont réussi en 1997 à construire une première classe en paille, accompagnée d’un logement de maître. Ils espéraient qu’après cet effort, le gouvernement se précipitera pour leur doter une école en matériaux définitifs. Mais rien.

Nullement découragés, trois ans après ils se sont débrouillés pour ajouter une seconde classe en paille et un logement pour l’enseignant. Encore une autre classe en paille en 2003 et toujours pas de réaction des autorités. Quand le président des parents d’élèves et les autres membres de son bureau vous racontent leur souffrance autour de cette école, c’est pratiquement avec les larmes au bord des yeux.

En réalité, l’histoire de cette école est devenue un triste souvenir pour une grande partie des habitants du village. Ils ne veulent plus en attendre parler. Les Caïds comme le président de l’APE et son groupe sont devenus la risée des autres. Beaucoup de parents ont retiré leurs enfants ou refusent catégoriquement les nouvelles inscriptions. « L’effectif des trois classes aujourd’hui ne vaut même pas l’effectif de la première année à l’ouverture de l’école » fulmine le président de l’APE.

Faisant allusion au Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB), le président de l’APE raconte avec amertume « on parle tous les jours d’un grand projet qui finance la construction des écoles, je me demande pourquoi Tibtenga n’est pas pris en compte, on dirait Tibtenga ne fait pas partie du Burkina ».

Pourtant remarque t-il « des écoles sont construites dans des villages moins peuplés que chez nous ; certains bâtiments flambant neufs attendent leurs premiers élèves. Pourquoi une telle injustice ».

Chaque rentrée scolaire, il faut suspendre les récoltes ou attendre pour confectionner les pailles de la toiture de l’école. A vrai dire à Tibtenga les cours démarrent en décembre et finissent en mai, après la première pluie. Si les parents d’élèves sont déçus, les enseignants le sont davantage. Tout instituteur affecté à Tibtenga l’interprète comme une sanction. Tibtenga fait partie des écoles dont les enseignants de la localité ne veulent pas en entendre parler. Dans leur jargon, « c’est l’enfer sur terre ». « Je ne suis pas prêt pour enseigner dans un cimetière comme à l’école de Tibtenga », lance ironiquement un enseignant au directeur de l’école en terme de plaisanterie.

Comment donc en vouloir à un enseignant qui refuse de donner le meilleur de lui-même dans de telles situations. Dans tous les cas, précise le directeur de l’école, après 10 heures il est difficile de travailler normalement, les élèves sont exposés au soleil et à toutes les intempéries. Les parents qui acceptent encore envoyer leurs enfants à l’école, refusent par contre de mettre la main à la poche pour les cotisations.

« On n’y peut rien, ils sont fatigués, ils se sont beaucoup sacrifiés dans le passé », déclare le directeur de l’école avec un air de dépit. Ironie du sort selon un habitant du village, « c’est sous ces huttes que certains politiciens viennent nous promettre monts et merveilles, oubliant que notre bonheur passe d’abord par l’éducation de nos enfants ». « Nous n’écouterons plus personne prochainement tant que notre école n’est pas construite », conclut le président de l’APE.

Par Albert Ouédraogo

Bendré

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