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Organisation du hadj : La laïcité écornée

Publié le vendredi 16 janvier 2004 à 06h42min

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Les premiers pèlerins burkinabè s’envolent bientôt pour La
Mecque afin d’y accomplir le Hadj, cinquième pilier de l’islam.
C’est un moment important,voire sacré dans la vie de tout
musulman qui en a les moyens. La Commission nationale
d’organisation du pèlerinage à La Mecque (CNOPM) s’active
pour que tout se déroule dans de bonnes conditions.

L’année
passée, l’organisation du pèlerinage avait connu beaucoup de
problèmes que la Commission voudrait désormais éviter. Mais
au-delà des difficultés inhérentes à toute organisation de la
taille d’un Hadj, il se pose, avec acuité, la question de la
paternité de l’organisation du pèlerinage par l’Etat.

La
communauté musulmane a assisté, indignée, à la guéguerre
qui a opposé le gouvernement à l’association des démarcheurs
qui entendait convoyer, parallèlement à la Commission
nationale, des pèlerins sur les lieux saints de l’Islam.

L’association a été dissoute et la commission nationale reste
seul maître à bord. Cette guerre larvée est révélatrice des
énormes enjeux qui entourent l’organisation du Hadj. Les
démarcheurs estiment-ils ne pas être assez rétribués pour leur
travail ? On peut le croire.

Mais il reste que tous ceux qui gravitent
actuellement autour du Hadj ne le font pas seulement par
dévouement religieux. On se rappelle encore la bataille qui avait
opposé à l’époque le ministère des Affaires étrangères à celui
de l’Administration territoriale pour la gestion du Hadj.
L’Administration territoriale sortira finalement vainqueur de ce
jeu d’intérêts.

Si aujourd’hui Etat et démarcheurs se bousculent pour
l’organisation du hadj, c’est essentiellement parce que le
pèlerinage représente d’énormes enjeux sociaux,
économiques et même politiques. Le spirituel, fondement
même du déplacement à La Mecque, semble relégué au
second plan par certains acteurs. Dans ces conditions, on
comprend pourquoi certaines personnes ne veulent pas lâcher
le morceau.

Quoi qu’il en soit, les associations musulmanes
souhaitent de plus en plus que l’Etat soit moins présent dans
l’organisation du Hadj. C’est vrai que par le passé, ces
structures privées ne se sont pas toujours montrées à la
hauteur de la tâche, obligeant l’Etat à reprendre les choses en
mains. Mais la gestion du Hadj par la commission nationale
n’est pas non plus exempte de tout reproche, loin s’en faut.

Il faut
donc trouver un compromis entre l’Etat et la communauté
musulmane. Le gouvernement pourrait par exemple s’occuper
des questions administratives (visas, vaccins) et des
problèmes de sécurité et laisser la gestion pratique du
pèlerinage aux associations et agences de voyages. Cette
concession ne doit en aucun cas être synonyme de
désengagement total de l’Etat.

Le gouvernement devrait
continuer à jouer son rôle de garant de l’interêt général en
exerçant un contrôle accru sur ces associations. Celles qui ne
respecteraient pas ce que l’on pourrait appeler " la feuille de
route du pèlerin" se verraient retirer purement et simplement
leur licence d’exercer. Cette gestion concertée aura au moins
le mérite de faire jouer à fond la concurrence. Le prix
actuellement en vigueur, près de 1 350 000 F CFA , est l’un des
plus élevés de la sous-région.

Les démarcheurs avaient
proposé environ 1 250 000 F CFA. C’était déjà près de 100 000
F CFA de gagné pour le pèlerin. L’initiative privée que l’Etat
encourage tant doit s’étendre à la gestion du hadj. Par ailleurs,
la situation actuelle remet en cause le caractère laïc de l’Etat et
infantilise les organisations islamiques. Près d’une décennie
après son avèvement, la CNOPM aurait pu assainir le milieu du
Hadj et passer le relais aux musulmans. En continuant
d’organiser le pèlerinage à la place de la communauté
musulmane, l’Etat ne contribue pas à la maturité des
organisations de la société civile incarnées, ici, par la Oumma
islamique.

Le Pays

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