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Réhabilitation route Gounghin-Fada : « Le gouvernement ne se soucie guère des problèmes connus des populations », Mindiéba Ouali, ressortissant de la région de l’Est

Publié le mercredi 21 avril 2021 à 23h25min

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Réhabilitation route Gounghin-Fada : « Le gouvernement ne se soucie guère des problèmes connus des populations », Mindiéba Ouali, ressortissant de la région de l’Est

La route nationale N°4 notamment le tronçon Gounghin-Fada, dont le lancement des travaux de réhabilitation est intervenu le 19 septembre 2020, est en état de dégradation avancée. Cette situation affecte depuis les populations locales en matière de mobilité et aussi le développement des activités. Pour exprimer leur ras-le-bol, une trentaine d’organisations de la société civile réunies au sein du Mouvement U Gulmu Fi ont prévu une marche pacifique le 24 avril 2021 à Fada N’Gourma, chef lieu de la région de l’Est. Dans le cadre de cette initiative, Mindiéba Ouali, travailleur social, bloggeur par ailleurs ressortissant de la région de l’Est, était l’invité de Lefaso.net, le mardi 20 avril 2021. Sans langue de bois, il a mis le doigt dans la plaie et invité le gouvernement burkinabè à revoir sa copie en matière de gouvernance locale.

Lefaso.net : Est-ce que vous pouvez nous dépeindre l’état des lieux de la RN4 depuis le lancement des travaux de réhabilitation en 2020 ?

Mindiéba Ouali : 19 septembre 2020-19 avril 2021. Voilà sept mois que les travaux de réhabilitation du tronçon Gounghin-Fada ont été lancés avec beaucoup d’enthousiasme de la part des populations et des usagers de cette route qui a fait et continue de faire souffrir les gens. Sept mois après, on est toujours à l’étape d’acheminement des machines sur le terrain. Or le projet routier est décliné en trois lots : Gounghin-Fada, Fada-Matiakoali et Matiakoali-frontière du Niger.

Il y a quelque part de la démagogie dans la gestion de ce projet routier. Les autorités étaient conscientes qu’il n’était pas possible de réaliser dans l’immédiat cette infrastructure malgré tout, elles ont fait miroiter la population. Des propos tenus par le Premier ministre Christophe Dabiré, à l’époque, il a promis qu’il allait tout mettre en œuvre pour que le lancement soit suivi immédiatement du début effectif des travaux.

Nous sommes déçus de savoir que cette promesse qui était à l’entrée de la campagne électorale n’a pas été tenue. C’est vraiment dommage pour les populations et les usagers qui fondaient beaucoup d’espoir sur cette réhabilitation. J’ai pris la route, il y a moins de deux semaines. Et je puis vous assurer qu’il n’y a véritablement rien sur le terrain sauf quelques camions qui étaient stationnés au niveau de la base de l’entreprise qui a en charge l’exécution des travaux du premier lot.

C’est récemment avec la visite du ministre (des Infrastructures) le 15 avril dernier qu’ils ont annoncé qu’ils étaient en train de faire des déviations. Ce qui ne peut pas sous-entendre que les choses ont véritablement démarré pour ce premier. On n’entend pas d’information par rapport au deuxième et troisième lot. Alors qu’ils ont la même durée d’exécution, à savoir 30 mois.

Pour la majorité des Burkinabè, la RN4 ne devrait pas faire l’objet de pression pour sa réhabilitation au regard de sa position stratégique. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?

Je suis d’avis avec cette affirmation. Parce qu’en termes de superficie, la région de l’Est couvre 17% du territoire national. Sur le plan économique, selon la Chambre du commerce, la contribution de la région au PIB est fort appréciable. Elle est classée 4e après les régions du Centre, des Hauts-Bassins et de la Boucle du Mouhoun. Sur le plan touristique, c’est la première région en termes de sites touristiques avec 129 sites.

Au regard de tous ces éléments qui placent la région de l’Est sur un échiquier assez important, on ne peut pas comprendre que les choses traînent ainsi. Il n’y a pas que la question de la RN4, d’autres chantiers sont en souffrance comme la RN18, tronçon Fada-Bogandé. Il y a également la route Kantchari-Diapaga frontière du Bénin. En plus de tout cela, il y a la question sécuritaire.

En effet, depuis 2019, la région vit sous couvre-feu avec tout ce que cela comporte comme conséquence sur la population et l’emploi. A cela s’ajoutent les défaillances au niveau des formations sanitaires. Ce sont tous ces problèmes réunis qui font que les populations ont décidé d’observer une marche le 24 avril 2021 pour dire « non » à une gouvernance qui ne se soucie pas des problèmes connus des populations.

Est-ce que vous avez une idée de l’itinéraire de cette marche ?

Je pense que les organisateurs sont en train de peaufiner la stratégie. Personnellement, je n’ai pas encore connaissance de l’itinéraire exact de la marche. Mais qu’à cela ne tienne, elle aura lieu dans la ville de Fada N’Gourma. En temps opportun, les personnes habilitées à communiquer donneront plus de détail sur cette question.

Est-ce que le ras-le-bol des ressortissants de la région de l’Est va se limiter seulement à la marche qui avance à grand pas ?

Quand on égrène un chapelet de souffrances que vivent les populations et les usagers de cette route et qu’on les soumet à l’autorité, dans un Etat normal, cela fera l’objet d’une analyse minutieuse. Peut-être qu’on n’aura pas besoin d’aller à une autre étape. Mais s’il n’y a pas de satisfaction alors que les problèmes sont réels, il va sans dire que d’autres actions suivront pour interpeller l’autorité dans son rôle régalien.

Un sujet à polémique alimente l’actualité. Des voix s’élèvent pour décrier le manque de projets d’infrastructures dans cette zone. Quel est votre commentaire sur la question ?

De mon avis, lorsque le gouvernement annonce qu’il y a réalisé une infrastructure et que les populations disent le contraire, véritablement il faut croire à la personne qui a plus de preuves. Et pour moi, c’est la population parce qu’elles se basent sur des faits réels pour dénoncer les choses. Il y a un élément important que j’ai oublié d’aborder, la question des phosphates naturels de Kodjari qui fait aussi l’objet de la colère des populations.

Depuis 1978, ce phosphate est exploité dans la commune de Tansarga (province de la Tapoa). Il n’y a pas de retombées pour les populations locales. L’année passée, elles étaient joyeuses d’entendre qu’il y a une usine de transformation qu’on allait construite dans la région. Mais contre toute attente, la construction de l’usine a été délocalisée dans une autre région.

A ce propos, est-ce que vous avez des doléances à l’endroit des autorités ?

Je pense qu’il faut aller vers une gouvernance qui tient compte des potentialités de chaque région et de ce que la région peut apporter en termes de souffle pour le développement. Si on voit qu’il y a un géant qui a du potentiel pour développer le Burkina Faso et on laisse la région de l’Est « mourir », nous nous pensons que c’est dommage. S’il y avait une vision politique, c’est une zone qui pouvait être un pôle de croissance parce qu’elle est riche en sites touristiques.

Si par exemple, il y avait la vision, les infrastructures et la sécurité, ça serait une région qui va apporter pour le développement. Parce que nul n’ignore ce que le tourisme rapporte au Burkina Faso. Nous nous suggérons et nous estimons qu’il est temps que la gouvernance change. Nous avons l’impression qu’en dehors de Ouagadougou, aucune zone ne compte aux yeux des autorités. Chaque jour à Ouagadougou dans les quartiers, des goudrons poussent ; ce qui n’est pas mal.

Même si Ouagadougou est la vitrine du Burkina Faso, il ne faut pas cependant oublier les autres localités. Le carburant, le gaz butane que nous consommons passent par la région de l’Est via le Bénin où on importe un certain nombre de choses qui sont indispensables pour notre vie.

Le ministre des Infrastructures lors de la sortie terrain du 15 avril dernier dans la région de l’Est a promis qu’il prendra ses responsabilités pour le bitumage de la section Gounghin-Fada. Est-ce qu’il n’était pas plus sage de sursoir à la marche ?

Nous doutons de la parole des autorités. Actuellement, nous voulons voir avant de croire. On nous chante à longueur de journée que la région de l’Est est la plus privilégiée parce que le gouvernement va injecter 125 milliards de F CFA dans la réalisation d’infrastructures. Mais pour l’instant, rien n’est fait. Alors que les gens souffrent au quotidien par rapport au couvre-feu et l’état de la route.

Pis, nous n’avons pas l’impression que les problèmes sont pris au sérieux. Et ce qui me désole, c’est que c’est à l’annonce de la marche qu’il y a eu toute cette bataille de communications pour montrer que les choses bougent. Une chose est sûre, la marche aura bel et bien lieu en espérant que de leur côté, les autorités vont véritablement faire bouger les lignes.

A vous écouter, les autorités ont besoin d’être secouées pour agir...

Effectivement. Au Burkina Faso tant qu’on ne durcit pas le ton, les autorités vous traitent de plaisantin et autres. Or, ce sont des réalités que les gens vivent au quotidien. En principe, si on dénonce une fois, deux fois, il ne devrait pas avoir d’autres actions, mais hélas ! Dans le temps, on a cherché à voir le ministre des Infrastructures pour en savoir davantage mais rien de concret. C’est triste !

Qui sont les partenaires qui vous accompagnent dans cette noble lutte en dehors des ressortissants de la région de l’Est ?

Je dirai plutôt des citoyens et non des partenaires parce que nous ne cherchons pas une couleur politique ou la casquette ou autres. Toute personne qui comprend le sens de notre combat nous soutient. Ce n’est pas un combat régionaliste, c’est un combat qui concerne tout Burkinabè parce que du jour au lendemain on peut être amené à emprunter cette voie. On est content de savoir que les gens comprennent que c’est un problème national.

Pour la réussite de la marche, est-ce que vous avez un appel à l’endroit de la population ?

Mon appel ne s’adresse pas uniquement à la population de l’Est mais à toute personne qui emprunte ce tronçon, toute personne qui a son frère, son fils, sa fille qui se trouve dans la région. Il n’y a pas que des ressortissants de l’Est qui y vivent. Il y a beaucoup de fonctionnaires qui servent dans la zone. J’invite toutes ces personnes à sortir massivement pour dire "NON" à cette manière de nous gouverner.

Il faut prendre au sérieux toutes nos préoccupations car la souffrance n’épargne personne. Quel que soit votre bord (majorité ou opposition), quoi qu’on dise, il n’y a pas à faire des calculs pour savoir si je dois sortir marcher ou pas. A l’endroit de nos détracteurs, il sied de savoir que cette marche n’a pas été initiée contre qui que ce soit. Notre marche n’est dirigée contre personne mais plutôt contre un système de gouvernance qui a montré ses limites et qui ne produit pas de résultats.

Nous invitons les uns et les autres à sortir marcher pacifiquement sans violence tout en espérant que notre message sera entendu par les plus hautes autorités.
Je remercie LeFaso.TV qui fait beaucoup dans l’effort de communication et de l’information. Merci pour cette initiative qui est de chercher à comprendre la raison qui motive les gens à manifester. Du reste, nous invitons vos journalistes à être des nôtres le 24 avril à Fada pour être témoin de ce qui se dit et de ce qui se voit.

Entretien réalisé par Aïssata Laure G. Sidibé et Augustin Khan
Bonaventure Paré (Vidéo)
August Paré (Montage vidéo)
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