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Secteur de la santé au Burkina : Les dysfonctionnements s’amplifient en 2019 malgré un budget de plus en plus croissant

Publié le lundi 23 mars 2020 à 20h16min

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Secteur de la santé au Burkina : Les dysfonctionnements s’amplifient en 2019 malgré un budget de plus en plus croissant

Le Réseau Accès aux Médicament Essentiels (RAME) en collaboration avec d’autres organisations de la société civile burkinabè ont mis en place la plateforme Démocratie Sanitaire et Implication Citoyenne (DES-ICI). Cette plateforme est un produit du projet « Renforcement de l’implication de la société civile dans le suivi et la gouvernance des politiques de renforcement des systèmes de santé au Burkina Faso, en Guinée et au Niger » financé par BACKUP Santé et porté par le RAME. La plateforme placée sous la coordination du Conseil National des Organisations de la Société Civile (CNOSC) vise le suivi général des politiques publiques en matière de santé. Dans cette perspective, un volet de la veille citoyenne est dédié à la veille informationnelle. Cela consiste à faire une synthèse périodique des informations sanitaires à partir des rapports d’organisations de la société civile et des publications de la presse d’investigation. Le présent article est une revue des rapports annuels de deux organisations que sont le REN-LAC et le RAME.

L’Observatoire Citoyen sur l’Accès aux Services de Santé (OCASS) du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME) est un dispositif national de veille sur l’accès aux services de santé. L’OCASS produit des évidences sur l’accès aux services de santé dans tous les districts sanitaires du Burkina Faso. Les rapports OCASS permettent donc de mesurer les dysfonctionnements liés à l’accès aux services de santé.

Quant au Réseau National de Lutte Anti-Corruption, ces activités sont beaucoup centrées sur l’utilisation des ressources. Le rapport du REN-LAC permet notamment d’apprécier la gestion des ressources allouées à la santé en 2019 et de constater les dysfonctionnements qui ont cours dans ce secteur.

D’entrée de jeu, il est bien de noter que le budget de l’Etat alloué au secteur de la santé en 2020 s’élève à 343 459 589 000F CFA. Ce budget est en hausse de 39,32% par rapport à celui de 2019 qui était de 246 520 608 000F CFA. C’est une hausse considérable (de 96 938 981 000F CFA) qui place le budget de la santé devant tous les secteurs prioritaires en termes de hausse.

A titre illustratif, pour la même année 2020, le secteur « défense et sécurité » a connu une hausse de 3,77% ; l’éducation nationale 7,21% ; eau et assainissement 21,43% (Source, budget citoyen loi de finances 2020). Malgré cette hausse des ressources allouées au secteur de la santé en 2020, le Burkina Faso n’a pas pu emplir l’engagement pris par les pays africains à Abuja de consacrer chaque année au moins 15% de leur budget national à la santé.

Pour le Burkina Faso, ce taux se situe à 13,50% en 2020 contre 14,20% en 2019 même si en valeur nominale le budget de la santé en 2020 est plus important que celui de l’année dernière. La dernière fois que le Burkina Faso était dans cette norme, c’était en 2016 avec 15,03%. Ces efforts plus ou moins considérables pour le budget de la santé devraient permettre au Gouvernement burkinabè de réaliser de meilleur score en matière de santé notamment à travers l’amélioration de certains indicateurs. (Voir tableau).

 

Evolution de quelques indicateurs clés en matière de santé

        Indicateur

    Réalisations

   Prévisions

2017

2018

2019

2020

01

Pourcentage de la population vivant à moins de 5km d’une formation sanitaire

57,9

59,2

62,0

65,0

02

Ratio population/médecin

14 404

12 000

13 500

12 500

03

Pourcentage des formations sanitaire répondant aux normes minimales en personnel

91,0

84,8

98,0

96,0

04

Pourcentages des formations sanitaires répondants aux normes en infrastructures

------

90,0

85,0

90,0

05

Rayon moyen d’action théorique

6,5

6,4

5,9

5,0

Source Budget citoyen, loi de finances 2020 (Direction générale du budget)

En dépit des efforts au plan budgétaire, la santé des Burkinabè reste tributaire de pratiques néfastes : mauvaises gouvernance, corruption et autres malversations, insuffisances ou vétustés des équipements, et dysfonctionnements multiformes. Des pratiques qui sont dénoncées par les médias notamment d’investigation mais aussi par des organisations de la société civile.

Dans son rapport 2018 publié en 2019, le Réseau National de Lutte contre la Corruption (REN-LAC) dénonce des pratiques qui ne favorisent pas l’accès des citoyens aux services de santé. Le rapport révèle la perception de sommes indues par des agents de santé auprès des patients et accompagnants. C’est par exemple l’achat d’un produit à 8 000 FCFA par un patient sur proposition de l’agent de santé (CHUYO) alors que le même produit existe en pharmacie et est vendu au prix de 3 000FCFA.

Au CHR de Koudougou, un usager dénonce le paiement de produits pharmaceutiques sur proposition des agents de santé sans reçu de paiement pour des produits qui ont coûté 6 000 et 12 500FCFA. En termes de rétributions illégales, le secteur de la santé a occupé en 2018 le 2ème rang avec 147 cas de rétributions illégales sur 15 services publics et parapublics classés, selon le rapport 2019 du REN-LAC. La santé est devancée seulement par la police nationale créditée de 284 cas de rétributions illégales (sondage d’opinion).

Quant à l’indice de perception de la corruption, la santé occupé la 12è place toujours sur les 15 services. Les actes médicaux qui enregistrent le plus souvent des pratiques de corruption sont les consultations, les des examens médicaux, l’administration des soins.

Un autre rapport qui mérite d’être mentionné dans le cadre du suivi citoyen des politiques sanitaires, c’est le rapport alternatif 2019 de l’Observatoire Citoyen sur l’Accès aux Services de Santé (OCASS) du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (RAME). L’OCASS a une couverture nationale (elle couvre les 13 régions du Burkina Faso et 70 districts sanitaires sur 70).

Le dispositif a permis de recenser 2049 cas de dysfonctionnement pour l’année 2019. 78,93% des dysfonctionnements sont liés à des ruptures de produits et intrants, 11,77% sont dus à des difficultés de réalisation d’examens et 6% des pannes d’appareils, 3,2% des disfonctionnements relèvent d’un problème de personnel (le personnel étant soit non conforme aux normes soit indisponible). Ces dysfonctionnements touchent majoritairement la gratuité des soins (dans 59,4% des cas), suivi de la prise en charge du VIH (25%) et le traitement du paludisme (11%). Toutefois, le rapporte note que 97% des personnes vivant avec le VIH (PvVIH) estiment l’accueil satisfaisant au niveau des formations sanitaires.

Les disfonctionnements dont il est question relativement au VIH se rapportent surtout aux Anti rétroviraux (ARV) pédiatriques (41,7%) et aux préservatifs (41,4%). Pour les dysfonctionnements liés au paludisme, on note par exemple que 28% des usagers disent avoir attendu plus de 30mn avant d’avoir le service.

Toujours concernant le paludisme, 51% des usagers n’ont pas eu les médicaments à causes des ruptures dans les dépôts MEG tandis que ceux qui n’ont pas eu les médicaments pour des raisons financières représentent 14% des usagers enquêtés. En termes de prévention du paludisme, 7% des femmes enceintes affirment n’avoir pas reçu de moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA).

S’agissant de la mise en œuvre de la gratuité des soins, 15% des usagers enquêtés ont été obligés de recourir des pharmacies privées pour des médicaments censés être disponibles aux Dépôts des médicaments essentiels génériques (DMEG) et pour 11% des usagers, les ordonnances ont été honorées partiellement au niveau des DMEG. Les raisons de ces disfonctionnements sont la rupture des produits et les cas de prescriptions de médicaments en spécialités donc non couverts par la gratuité.

L’enquête auprès des usagers a révélé également des cas de stigmatisation, de négligence des patients, de rackets, de détournements et même de vols de produits dans les formations sanitaires publiques. 70 cas de ces pratiques ont été signalées et correspondent dans 27% à de la négligence volontaire, 26% à des violences verbales sur les usagers, 19% à des rackets et 14% à de la stigmatisation.

En vue de réduire ces manquements, les organisations de la société civile doivent renforcer davantage leurs actions et dans la synergie. Les OSC du secteur de la santé en particulier et les organisations de lutte anticorruption doivent envisager des actions afin que les actes de corruptions et les manquements à la déontologie ne demeurent pas toujours impunis.

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