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Burkina : Un appel au port d’habits blancs ce 27 décembre en hommage aux femmes tombées à Arbinda

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Publié le jeudi 26 décembre 2019 à 23h00min

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Burkina : Un appel  au  port  d’habits blancs ce 27 décembre en hommage aux femmes tombées à Arbinda

31 femmes parmi les victimes de l’attaque terroriste du 23 décembre 2019 à Arbinda. En hommage à ces dernières, sans oublier les FDS qui sont tombées, des collectifs d’organisations de la société civile, dont majoritairement des associations féminines, appellent au port d’habits blancs ce vendredi 27 décembre 2019. Sally Nébié, une des initiatrices, donne plus de détails sur le mouvement.

Lefaso.net : comment est né ce mouvement ?

Sally Nebié : en tant que citoyens, je trouve que le massacre des femmes d’Arbinda doit nous interpeller. Depuis le début des violences qu’on observe au Burkina, les femmes étaient considérées comme des victimes collatérales. Soit elles ont été prises dans le feu de l’action, mais elles n’étaient pas spécialement visées ; on pouvait les considérer comme des victimes, mais des victimes collatérales.

Mais avec ce qui s’est passé à Arbinda ce 23 décembre, je pense qu’on aborde un tournant tragique d’une autre façade de la violence au Burkina, du terrorisme au Burkina, de la délinquance criminelle parce que pour moi, c’est tout un cocktail de violence qui ne dit pas son nom. Je trouve que les femmes en plus d’être des victimes collatérales ne sont plus des victimes, elles sont devenues des cibles.

Ce tournant marque le fait que les femmes sont devenues des cibles ou pourraient devenir les cibles des terroristes. Parce qu’on sait où les (ndlr : les femmes) trouver, on sait où trouver les femmes ensemble ; c’est dans les corvées ménagères, autour des points d’eau, dans les marchés. Si on se tait parce qu’on est plus ou moins habitué à la violence maintenant, c’est vrai qu’il y a beaucoup de morts, il y a des FDS qui meurent mais c’est la première fois qu’on s’en prend à des femmes comme cible, qu’on les assassine froidement pour choquer l’opinion.

Je pense que cela va au-delà du choc. Avec le deuil national que le gouvernement a décrété, j’ai trouvé que les citoyens doivent aller au-delà du deuil national et exprimer de façon solennelle, sincère et collective la fin du deuil national en portant un signe distinctif qui montre qu’on a touché aux femmes du Burkina, c’est sacré. On a touché à l’essence qui fait notre vie au Burkina : la vie sociale, la vie culturelle, la vie économique dans les communautés.

C’est vraiment la base sur laquelle est fondée toute société humaine, c’est ça qu’ils sont en train de saccager maintenant. Quand on franchit ce pas, je crois que la violence a atteint un niveau insoutenable, on ne peut pas tolérer qu’on aille assassiner froidement plus de 30 femmes en pleins travaux ménagers. Alors qu’on sait que dans les communautés, quand tout va mal, les femmes sont les dernières à quitter les foyers. Et quand on s’attaque à ça, c’est fini.

Nous on en ville, les femmes, les hommes, les enfants, tout le monde doit manifester pour dire que ce qui s’est passé à Arbinda ne devrait pas se passer. La mobilisation, elle est morale, spirituelle, physique, militaire, générale. On n’oublie pas les FDS qui sont tombées, mais le groupe de femmes tombées à Arbinda constitue un symbole.

Ça marque d’une pierre rouge, le sol du Burkina. C’est pour cela qu’on demande aux gens de ne pas rester insensibles, de ne pas rester tétanisés, de réagir. C’est un sursaut national face à ce qui s’est passé, un insigne peu importe pourvu que demain au Burkina Faso, partout où on va être, nous ayons à l’esprit qu’on a perdu 31 femmes, 31 passeuses de vie, 31 passeuses d’éducation, 31 moteurs du changement positif dans nos communautés.

Si on ne fait rien, le deuil va passer et les gens vont retomber dans leur train-train quotidien et ça ce n’est pas acceptable pour notre pays. A mon avis, je pense que nous qui sommes éloignées du théâtre des opérations, nous avons quelque chose à faire et nous devons faire quelque chose.

Et ça ce n’est que le début de manifestations publiques que nous allons organiser et que nous allons implémenter au sein des communautés pour que les femmes elles-mêmes, prennent part à la résolution d’une certaine façon de ce qui nous arrive parce que nous sommes des actrices, nous sommes des victimes et maintenant on devient des cibles.

L’objectif, c’est de ne pas oublier, c’est de marquer cela d’une pierre blanche. Quand je dis que nous allons marquer des évènement d’envergure, nous allons demander aux autorités de nous communiquer les noms et identités de ces femmes qui sont mortes à Arbinda .

On veut prendre l’identité de chacune des 31 femmes qui sont mortes parce que chacune a eu une vie, chacune représentait quelque chose et ce qu’elle représentait , il faut qu’on le sache, il faut qu’on le découvre, il faut qu’on le partage, il faut que nous témoignions beaucoup de solidarité à Arbinda. Je crois qu’Arbinda est devenu le symbole de la résistance au Burkina.

Lefaso.net : Quelles sont les initiatrices de cette activité ?

Je suis membre de plusieurs plateformes féminines notamment « Périscope », « Femmes, paix et sécurité » regroupant des associations féminines, des femmes leaders dans lesquelles j’ai proposé l’idée. Donc je ne peux pas en porter la maternité parce que quand, je l’ai lancé, toutes ont adhéré. Elles ont dit qu’il faut y aller et elles ont toutes amplifié le message.

Lefaso.net : Comment sera organisé ce mouvement ?

A la suite du port d’habits blancs, nous allons essayer d’évaluer le message de compassion, le message de solidarité, l’expression de cette solidarité. Dans la prière du vendredi (chez les musulmans) et du dimanche (chez les chrétiens), nous allons demander à ce qu’on pense à ces femmes.

Propos recueillis par Mariam Ouédraogo
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