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Théâtre : Avec Mea culpa, le comédien Charles Tiendrebéogo intègre les masques burkinabè au 6e art

Publié le jeudi 19 décembre 2019 à 15h35min

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Théâtre : Avec Mea culpa, le comédien Charles Tiendrebéogo intègre les masques burkinabè au 6e art

Le théâtre, c’est son domaine de définition. Il est d’ailleurs doctorant à l’intégration du masque africain au théâtre. Entre ses cours, il monte et joue des pièces. Son dernier, Mea Culpa parle de l’Afrique en général. lui, c’est le comédien Charles Tiendrebéogo. Nous l’avons rencontré le lundi 09 décembre 2019 à Ouagadougou. Il nous parle ici de son métier, de ses études et de ses projets. Entretien !

Lefaso.net : Voulez-vous bien vous présenter aux internautes de leFaso.net ?

Charles Tiendrebeogo : Je suis Tiendrebeogo Charles Nomwendé. Je suis du village de Gampella. Je suis issu d’une famille de 4 enfants. Je suis artiste comédien. Je fais du théâtre.

Vous faites du théâtre vous avez joué récemment un spectacle qui s’intitule mea culpa

J’ai joué quelques pièces de théâtre déjà dont le plus récent est mea culpa. C’est une création personnelle. « Mea culpa » est né dans le cadre de mes études de théâtre en master en Suisse. Après 3 années là-bas, ils te donnent la possibilité de créer un spectacle pour pouvoir soutenir tes recherches. Donc, c’est ainsi que j’ai présenté ce spectacle.

Nous n’avons pas eu la chance de suivre cette pièce. Alors de quoi parle Mea culpa ?

Mea culpa est un spectacle de théâtre physique. Il parle de l’Afrique en général. Je vais commencer par le thème qui était l’introduction et l’utilisation du masque d’Afrique au théâtre. Pour moi, c’est comment le théâtre burkinabè peut continuer à se doter d’une identité propre en puisant dans ses propres traditions. Le masque fait partie de notre tradition, de notre culture, la danse et bien d’autres choses etc. Mais de plus en plus, on constate qu’avec l’éducation moderne, ce sont des choses qui ont tendance à s’amenuiser. Cela, parce que tout simplement, Il n’y a pas de possibilité de reformer la façon de faire par exemple l’initiation ou de la voir autrement. Nous courrons tous vers « l’éducation du blanc ».

Il faut seulement trouver la forme la plus proche de rendre ces masques-là plus vivants. Pas vraiment totalement comme on le trouve au village avec toute la joie du peuple autour. Mais, peut être prendre la valeur intérieure de ces masques-là dont leur fonction par exemple ou leur signification pour la société. C’est ce qui a fait que j’ai pris surtout ce thème-là. A partir de ce thème, je me suis focalisé sur les masques Zoomorphes, c’est-à-dire à représentation animale et combinée ces choix avec l’esprit du conte de nos différents terroirs. J’ai essayé de donner une signification à chaque animal selon leur rôle ou caractère principal usuel dans les contes afin qu’il puisse aider à aboutir à une dramaturgie. J’ai ainsi choisi le lion qui signifie le pouvoir, l’hyène pour signifier la corruption, l’animal qui n’est jamais rassasié. J’ai choisi le singe qui est un animal mi-figue mi-raisin, qui est partout et nulle part.

J’ai choisi le buffle, la force tranquille et qui représente toutes formes de violences et enfin l’âne qui représente le peuple, celui-là qui supporte toutes les charges et qui est très docile. L’histoire donc se passe dans un cimetière, et pendant une nuit ordinaire le gardien d’un cimetière est obligé de prêter son corps à des êtres invisibles qui doivent renverser leur destin de damnation éternelle tout en essayant de se racheter. Ils vont posséder le gardien. Par lui, ils vont essayer une forme de confession. Le spectacle est fait de sorte qu’il y’ait plus d’actions physiques que de paroles. Donc ce n’est pas en tant que tel basé sur un texte mais c’est surtout physique.

Comment le public a accueilli votre spectacle ?

Le spectacle a été joué près d’une vingtaine de fois, à l’école là-bas, en Europe et une fois au Burkina Faso. La dernière représentation avant de venir au pays, c’était à Tokyo au Japon. Nous avons pris part à la Tokyo world Festival competition. Le spectacle a été toujours bien reçu parce que qu’il n’indexe pas forcement quelqu’un mais dérange quand même la tranquillité de la personne qui regarde. C’est une forme de spectacle à lecture ouverte. C’est une histoire dans laquelle tu vas rentrer suivre et à la fin dire qu’il y a eu ceci et cela. Il y a des lectures ouvertes. C’est un spectacle qui permet à chacun de faire son propre voyage à travers un jeu physique intense et quelques paroles afin de mieux situer les faits.

Comment se fait-il que vous vous retrouvez dans le théâtre, qu’est-ce qui vous a motivé à embrasser ce métier-là ?

Je faisais le théâtre comme amateur depuis le séminaire. A l’université aussi, quand je faisais le Droit, j’ai pris part à des activités culturelles au sein des cités universitaires, nous avons fait des représentations. Je suis venu dans le milieu professionnel par hasard. J’étais là, à la cité universitaire John Kennedy et une fille est venue me dire qu’il y’a une nouvelle école de théâtre qui s’ouvre à l’espace culturel Gambidi. Elle dit avoir pensé à moi parce que j’aime le théâtre. C’est ainsi que j’ai pris l’initiative de chercher à connaitre le lieu. J’ai été pris après un test. J’ai fait les 3 années et c’est au cours de ces 3 années que pour la première fois je suis allé au CITO (carrefour international du théâtre de Ouagadougou) regarder un spectacle professionnel sous les projecteurs dans un milieu vraiment dédié au théâtre. Et, ça m’a beaucoup fasciné.

Crédit photo : Aki Tanaka, Tokyo World Competion Festival

C’était le soleil des indépendances de Hamadou Kourouma, mis en scène par Moussa Sanou, un metteur de scène de Bobo et ça m’a beaucoup plu. Et c’est comme ça que j’ai commencé à embrasser le milieu professionnel. J’ai eu la chance de travailler aux côtés d’Ildevert MEDA que nous appelons affectueusement le maestro. Il a une forme d’éducation personnelle. Il prend seulement un étudiant à côté de lui pendant 5 années et à la fin l’étudiant a une certaine aptitude en matière d’écriture, de mise en scène, d’enseignement selon ce que cet étudiant recherche par exemple. C’est au cours de cette formation avec Ildevert MEDA que j’ai eu la chance d’être reçu à l’Accademia Teatro Dimitri en Suisse pour un master sur le thème suivant : « l’introduction et l’utilisation au masque africain au théâtre. »

Est-ce que vous avez des projets à venir ?

J’ai déjà joué mea culpa. J’ai d’autres spectacles à jouer en Février en Normandie, intitulé ‘’Etat Frontière’’. C’est un spectacle écrit et mis en scène par Christophe Tostain. Actuellement je suis en création comme acteur dans un projet de la compagnie théâtre évasion à l’espace culturel Gambidi et le titre du spectacle est ‘’Mister time’’. Il est entrain d’être mis en scène par Noël Minoungou. Les présentations vont se faire du 08 au 18 janvier 2020 à l’espace culturel Gambidi.

Comment voyez-vous le théâtre burkinabè ?

Le théâtre burkinabè est vraiment en plein essor et les acteurs du théâtre burkinabè sont de vrais battants. Dans le milieu ouest africain, nous sommes une référence incontournable en matière de théâtre. Il y a beaucoup d’initiatives. Maintenant les gens n’hésitent pas à cotiser, prendre cet argent, appeler un metteur en scène afin de créer un spectacle. Ce n’est plus l’époque où on attend qu’il y ait un casting pour se bousculer. Maintenant l’initiative vient de partout, de la part des acteurs, des metteurs en scène, et même d’autres structures qui viennent souvent commander des spectacles sur des thèmes précis.

Les ainés ont fait véritablement bouger les choses et nous essayons de continuer dans la même lignée en amenant des formes nouvelles. Même si aujourd’hui, c’est difficile de dire que nous créons quelque chose de nouveau dans le théâtre au Burkina, parce que tout a existé ou existe presque déjà. C’est seulement que nous ajoutons une pierre à la pierre pour encore changer de couleur. C’est dans ce sens par exemple que je suis en train d’amener le concept de ARCI qui vient de Arc-en-ciel et qui signifie, art, recherche, créativité et innovation.

C’est un espace culturel que nous sommes en train de chercher à ériger quelque part à Tinsouka. C’est un espace artistique qui aura pour ambition de développer le domaine du théâtre à travers la transmission. C’est à dire former les gens d’une autre façon dans les arts du spectacle notamment ce que j’ai pu apprendre là-bas pendant ces quelques années. Je cherche à collaborer avec des personnes d’ici afin d’y arriver. C’est un projet en cours et qui avance selon son rythme et nous espérons que dans quelques années, ça sera une des forces dans le milieu culturel burkinabè.

Le Burkina Faso subit des assauts répétés des groupes terroristes. Selon vous, quelle peut être la part contributive du théâtre dans ce combat.

Nous faisons ce que nous pouvons à travers les spectacles. Quand vous venez par exemple suivre un spectacle, c’est une lecture et donc le metteur en scène essaie de mettre des codes en place pour essayer d’attirer l’attention des spectateurs sur un certain nombre d’aspects. Et donc effectivement, sur la question du terrorisme avec ce que nous sommes en train de mettre en place comme structure ARCI, pour nous, c’est de donner l’opportunité à de nombreux autres jeunes de se cultiver.

Le théâtre facilite cela. Nous essayons à travers l’éducation que nous donnons au niveau du théâtre à amener les gens à booster leur capacité d’analyse par eux-mêmes. Une fois que nous arriverions à analyser les choses de nous-même, si quelqu’un venait à nous demander d’aller tuer un autre pour une raison quelconque, nous saurons quelle réponse donner. Mais, si je suis dans une certaine ignorance et que je suis dans une certaine forme de misère et que quelqu’un vient me faire des propositions, c’est très facile une certaine réponse aussi. Notre contribution n’est pas forcement de faire des actions populistes pour dire des choses ; mais c’est d’agir et cette action, c’est de donner la possibilité à chaque burkinabè de pourvoir analyser par lui-même et de pouvoir prendre la décision qui sied.

Parlez-nous de votre doctorat en théâtre

Je suis en train de suivre des études en doctorat. Je viens de commencer il y a quelques mois. C’est toujours sur les arts de la scène et ça va continuer avec le même sujet qui est « l’introduction et utilisation du masque en Africain au théâtre. » Comment utiliser une grosse partie de la culture burkinabè, africaine au théâtre ? J’ai eu la chance de rencontrer Guy Freixe sur mon chemin. Il a accepté d’être mon directeur de thèse. C’est en train de se passer à Besançon. Nous disons que pour l’instant ça se passe bien, c’est minimum 3 années qu’il faut encore et je suis en train de mettre les petits plats dans les grands pour que ça se passe comme je le souhaite.

Nous sommes au terme, avez-vous un mot à dire ?

Je remercie les acteurs de la culture au Burkina Faso qui soutiennent les jeunes et qui font bouger les choses comme il faut. Que chacun apporte sa contribution afin que la culture puisse grandir. Je remercie aussi les journalistes culturels qui font tout pour que la culture burkinabè ne reste pas en arrière. Une chose est de créer et de présenter mais s’il n’y a pas de structure en place pour vendre, valoriser le travail des artistes, cela est compliqué. Je remercie particulièrement tous ceux qui m’ont soutenu et qui continuent de le faire.

Propos recueillis par Dimitri OUEDRAOGO et Esther Kabore (Stagiaire)
Lefaso.net

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