Idrissa Ouédraogo : Clap de fin pour un ‘’ Maestro’’
LEFASO.NET | Tiga Cheick SAWADOGO
Quand on dit « Yaaba », « Tilaï », « A Karim Na Sala », « Kini et Adams », « la Colère des Dieux », le cinéphile voit des grands films. Mieux des chefs-d’œuvre qui ont voyagé à travers le temps et au-delà des frontières du Burkina. Ces œuvres qui ont mis le Burkina Faso sur la carte mondiale du Cinéma. Derrière, il y a Idrissa Ouédraogo, que l’on avait fini par surnommer le maestro. Le maitre du 7e art Burkinabè, et pas seulement. L’homme a cassé définitivement sa caméra et a cessé de tourner ce 18 février 2018. Le réalisateur préparait son grand retour. Hélas !
Comme une trainée de poudre la nouvelle s’est répandue au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde. Aux premières lueurs de ce 18 février, Idrissa Ouédraogo s’en est allé. Le maestro est mort, il a perdu ses forces (expression moagha traduisant le décès d’une grande personne). C’est dans une clinique de la capitale du cinéma africain que le réalisateur a joué sa dernière séquence de vie.
Les hommages ont fusé de partout. Sur les réseaux sociaux, dans les médias nationaux et internationaux. Des témoignages, la reconnaissance des mérites d’un homme, d’un réalisateur qui laisse derrière lui, des grands films qui ont traversé le temps, et dont on ne se lasse jamais de voir ou de revoir. « Le Burkina Faso vient de perdre un réalisateur à l’immense talent qui aura beaucoup œuvré au rayonnement du cinéma burkinabé et africain hors de nos frontières », a réagi le président du Burkina Faso, Roch Kaboré dans un communiqué.
Je rends hommage à Idrissa Ouedraogo qui aura beaucoup oeuvré au rayonnement du cinéma Burkinabè et Africain hors de nos frontières.
L' Afrique perd avec sa disparition l'un de ses plus valeureux ambassadeurs dans le domaine de la culture.— Roch M. C. KABORE (@rochkaborepf) 18 février 2018
Sa riche production cinématographique et surtout la qualité de son œuvre ont toujours été plébiscitées. Et ce n’était que le fruit du travail d’un homme qui a pris le temps de bien se former, pour savoir diriger sa caméra et raconter poétiquement et artistiquement des histoires.
Le talent s’affine dans la formation
Né le 21 janvier 1954 à Banfora, Idrissa Ouédraogo grandit dans une bourgade près de Ouahigouya, dans le Nord du pays. Profondément ancré dans la culture Yadéga, certains de ses films sont tournés dans cette partie du territoire, cette partie du réalisateur.
Ses études commencent à l’université au département d’études anglophones. Le cinéma qu’il a appris à connaitre et à aimer avec les missionnaires catholiques, l’amènera à s’inscrire en 1977 à l’Institut africain d’études cinématographiques (INAFEC) de Ouagadougou.
Major de sa promotion en 1981, son film de fin d’étude montre déjà ses aptitudes de grand cinéaste. « Poko », ce court-métrage de fiction intitulée, obtient le prix du meilleur court-métrage au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Il part entre temps suivre un stage à l’Institut fédéral d’État du cinéma de Moscou en Russie.
Puis, c’est la France qui l’accueille. Au prestigieux Institut des hautes études cinématographiques et à la Sorbonne, Paris I, il continue à faire ses armes. Idrissa Ouédraogo décroche son DEA de cinéma en 1985. En 1986, il réalise son premier long métrage Yam daabo (le choix). C’est le début d’une longue et prolixe carrière.
Tapis rouge au FESPACO et dans les grands festivals du monde
En 1988, Idrissa Ouédraogo sort Yaaba. Le film est sacré Prix de la Critique au Festival de Cannes en 1989 et Prix du public au FESPACO la même année.
Deux ans plus tard, en 1990, Tilaï est un film salué par les critiques du continent et partout dans le monde. L’œuvre rafle tout sur son passage. Grand Prix du Jury à Cannes en 1990, Prix du meilleur long métrage au 1er Festival du cinéma africain de Milan en 1991 et bien sûr Étalon de Yennenga (Grand prix du FESPACO) la même année.
Et la série continue. Son film Le Cri du cœur, tourné en 1994, obtient l’année suivante le Prix du public lors du 5e Festival du cinéma africain de Milan. Lors de la 8e édition de ce festival en 1998, il reçoit le Prix du meilleur long métrage pour Kini et Adams (1997).
A côté des longs et courts métrage, il tourne également des séries télé. Là aussi, le succès est au rendez-vous. En 2001, la série Kadi Joli illumine les écrans de télévision du Burkina et d’ailleurs. En 2003, alors qu’il est président du grand jury du FESPACO, le maestro présente son film La Colère des Dieux. Suivra la même année, la série Trois hommes, un village réalisé en collaboration avec Issa Traoré de Brahima et qui recevra en 2005, le Prix spécial du jury série au FESPACO en 2005.
Commandeur de l’Ordre National Burkinabè et Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres Françaises, Idrissa Ouédraogo a définitivement cessé de tourner. Le maestro préparait pourtant son retour, surtout avec le cinquantenaire de la biennale du cinéma africain en 2019. Peut-être le Burkina aurait-il enfin brandi l’Etalon d’or de Yennenga après de longues années de disette.
Des projets étaient bien avancés. Rasmané Ouédraogo dit ‘’Razo’’ qui était l’acteur principal du maestro dans presque tous ses films, confie d’ailleurs qu’ils devraient se rendre dans un pays voisin le jour même de son décès. Repose en paix, l’artiste.
Lire aussi :Programme des obsèques du réalisateur Idrissa Ouédraogo
Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net