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Immigration : Parti au Koweït pour faire fortune, Ahmed Bachir en est revenu sans un seul Kopeck

Publié le lundi 23 octobre 2017 à 02h00min

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Immigration : Parti au Koweït pour faire fortune, Ahmed Bachir en est revenu sans un seul Kopeck

Parti en aventure au Koweït pour faire fortune, Ahmed Bachir Sawadogo presque condamné avec le visa 18 a failli y demeurer pour toujours. Voici ce qu’il raconte sur son séjour « calamiteux ».

Lefaso.net : Que faites-vous dans la vie Mr Sawadogo ?

Ahmed Bachir Sawadogo :
Je suis footballeur mais je fais un peu de commerce.

Lefaso.net : Vous avez séjourné au Koweït qu’est-ce qui vous a motivé ?

Ahmed Bachir Sawadogo : Comme je ne joue pas tout le temps au ballon et que je n’ai pas de boulot, alors j’ai décidé d’aller à l’aventure au Koweït pour me débrouiller. On m’avait dit auparavant que là-bas on paie bien les employés et qu’arrivé je pourrai jouer au foot et travailler simultanément.

Lefaso.net : Combien de temps avez-vous résidé au Koweït ?

Ahmed Bachir Sawadogo : J’y suis resté deux mois.

Lefaso.net : Vous dites avoir vécu un vrai cauchemar lors de votre séjour, que s’est-il passé ?

Ahmed Bachir Sawadogo : D’abord, ceux qui nous renseignent ne disent pas réellement ce qui se passe au Koweït. Ils te blaguent, te font rêver que tu peux y faire fortune. Au début, j’ai échangé avec un Iman, du nom de Ladji Barro Mamadi que j’ai connu par l’intermédiaire d’un ami. Il m’a dit qu’il peut me faire partir mais que je dois débourser 600 000F pour mon billet d’avion. Il m’a rassuré que je peux jouer au foot et travailler en tant que berger, boulot disponible.

J’ai rejeté cette offre en lui faisant comprendre que je suis footballeur et même si je devais travailler, ce ne serait pas en tant que berger parce que ce n’est pas mon domaine. Il m’a appelé en février pour me dire que mon visa était prêt. Je me suis débrouillé pour trouver l’argent du billet d’avion avec l’aide d’un ami douanier. Avant de partir, Ladji m’avait donné le nom de la personne qui devait m’accueillir à l’aéroport, un certain Dicko, puis j’ai pris mon vol au Mali le 21 février pour le Koweït.

Mon séjour a été un vrai calvaire. Mais à mon arrivée à l’aéroport, c’est plutôt un arabe qui m’a interpellé, pris mes bagages et retiré mon passeport bien que je me sois opposé sous prétexte que je devais faire des examens médicaux. On m’a payé des équipements de bergers dans une boutique et j’ai compris que j’allais exercer de force ce métier.

On m’a ensuite emmené dans un grand désert où j’étais le seul burkinabè parmi d’autres personnes qui étaient déjà des bergers malgaches, ghanéens... J’ai exigé à mon patron d’appeler Dicko la personne dont Ladji m’avait donné l’adresse en cas de besoin.

Je voulais lui dire que je ne voulais pas de ce boulot. A ma grande surprise, mon patron m’a dit qu’en réalité ce Dicko s’appelle Samaké(de nationalité malienne) et que c’est lui mon manager parce que chaque personne qui vient répond d’un manager. En réalité Ladji et Samaké collaborent ensemble avec des emprunts de nom et ne se sont jamais rencontrés. J’ai expliqué au manager Samaké que je suis footballeur et que ce boulot de berger ne me convient absolument pas. Mais il m’a négocié de travailler une semaine le temps qu’il puisse trouver une solution. Nous étions coupés du monde et vivions dans l’anonymat. On dormait dans l’insécurité sous des tentes à côté des serpents, on ne pouvait pas être soignés à l’hôpital faute de papiers et si tu tombes malade on te donne du paracétamol et tu te remets immédiatement au travail, pas de lumière ni de télé et on nous envoyait dans la semaine une maigre provision en eau et nourriture.

Au fil du temps, je harcelais mon patron, le menaçait même de mort pour l’effrayer et l’obliger à me laisser rentrer chez moi. Alors mon manager après avoir échangé avec mon patron m’a proposé de rembourser 850 000 francs à l’arabe et chercher 600 000F pour mon billet si je veux pouvoir rentrer chez moi. Dès lors, j’ai compris que c’est l’arabe qui paie les frais du demandeur d’emploi et que Ladji m’avait arnaqué.

J’avais le contact d’un ami Kampes qui réside au Koweït depuis longtemps avec qui je communiquais pour demander de l’aide. Mais à court d’unités, ma puce était désactivée durant un mois car là-bas, on coupe ton numéro lorsque tu n’as plus d’unités. Alors par moments, je me cachais pour l’appeler avec le portable d’un indien lorsque celui-ci s’absentait. Kampes m’a donné le contact d’un certain Mr Kouama qui vient en aide aux aventuriers en particulier les Burkinabè désireux de rentrer chez eux sans rien en contrepartie et m’a expliqué qu’il y a deux visas le 18 et le 20.

Le visa 20 est une sorte d’esclavage humain ou tu travailles au compte de quelqu’un dont tu dépends totalement au-delà de trois mois ; mais le 18 par contre te permet d’être libre dans tes mouvements et tu es enregistré à l’ambassade. Il m’a encouragé à travailler, éviter d’appeler en présence de l’arabe pour gagner sa confiance, mais conseillé de tout faire pour ne pas excéder les trois mois.

Un jour mon patron est venu, accompagné de son fils de 17 ou 18 ans qui m’a approché. Quand il a su que j’étais joueur à travers mes photos de footballeur et une avec Bertrand Kaboré, il m’a demandé pourquoi je suis ici alors qu’en ville il y a des terrains et des clubs où je peux jouer au ballon et gagner beaucoup d’argent. Il était écœuré et triste de me voir faire le boulot de berger.

J’ai continué à mettre la pression sur mon patron tandis qu’à Bobo, ma famille en faisait de même avec Ladji. Mais celui-ci rejetait la faute sur le manager Samaké et insistait qu’il ne savait pas ce qui se passe là-bas et qu’il est juste chargé d’aider les gens à partir au Koweït.

Pour ne pas rembourser mon patron, on me faisait tourner pour excéder mon délai de liberté de trois mois.

Grâce aux pressions de ma famille, mon ami Douanier et Mr Kouama pour démanteler le réseau, ils m’ont autorisé à rentrer chez moi après que ma famille ait accepté d’envoyer l’argent du billet d’avion. Avant mon départ, j’ai pu rencontrer Mr Kouama qui m’a connecté avec d’autres jeunes en forum de discussions pour raconter nos aventures. Certains avaient déboursé 1 million 500 000F, d’autres 2 millions ou 850 000F ; j’étais le seul à avoir moins dépensé.

Beaucoup avaient déjà dépassé trois mois et étaient condamnés à rester. L’ambassade ne pouvait les aider car elle ignorait leur existence et même quand ils arrivaient à contacter l’ambassade, on leur demandait de s’y rendre. Ce qui était quasiment impossible vu la distance qui les séparait de l’ambassade du lieu où ils se trouvaient (très souvent éloignés de la ville).

Ils m’ont encouragé à dissuader ceux qui veulent venir de s’abstenir. Certains qui sont partis par l’intermédiaire de Ladji le traitaient de malfaiteur et que c’est grâce à ce trafic qu’il roule dans de grosses voitures. Quand je partais, un jeune de 21 ans en provenance de Dori venait d’arriver. Quand il a su ce qui l’attendait, il a commencé à pleurer mais je lui ai donné l’adresse de Mr Kouama pour l’aider.

Je suis rentré à Bobo sans avoir reçu un sou du temps de travail accompli durant mon séjour au Koweït. Lorsque j’ai rencontré Ladji, je l’ai accusé d’avoir abusé de ma confiance et exigé qu’il rembourse mon argent. Il nous a fait tourner longtemps, l’affaire est allée à la police judiciaire mais jusqu’aujourd’hui nous n’avons pas eu gain de cause parce qu’on me demande encore plus de preuves bien que j’ai présenté les photos plus mon témoignage car Ladji dit qu’il n’était pas au courant de ce qui se passe là-bas.

Lefaso.net : Êtes-vous prêt à repartir au Koweït pour y travailler ?

Ahmed Bachir Sawadogo : À un moment donné oui parce qu’il y a des opportunités d’emplois bien rémunérés ; mais ma famille m’a mis en garde de ne plus me secourir si jamais j’ai des problèmes. Un jour mon ami m’a dit que je vais raconter mon aventure à ma famille mais j’étais pessimiste parce que je croyais que j’allais mourir là-bas loin de ma famille.

Lefaso.net : Quels Conseils avez-vous à donner aux jeunes qui veulent partir à l’aventure au Koweït ?

Ahmed Bachir Sawadogo : A mon entourage, j’ai raconté la réalité des choses pour qu’ils sachent à quoi s’attendre. Tout le monde n’a pas les mêmes chances mais ils n’ont qu’à bien se renseigner avant d’aller, s’assurer que les conditions sont claires. Certains sont partis avec le visa 20 mais qui ont accepté les conditions de travail qu’on leur a proposées, à chacun son ambition. Mais le Mali par exemple a interdit ce visa. Je leur déconseille franchement le Koweït comme destination.

Lefaso.net : Que pouvez-vous nous dire réellement sur les jeunes bobolais critiqués de passer leur temps à prendre du thé au lieu d’aller travailler ?

Ahmed Bachir Sawadogo : Les Bobolais ont des projets mais pas d’argent. Ils sont obligés d’attendre une bonne occasion pour réaliser ces projets. Si le gouvernement peut prendre en compte ce volet et financer encore plus les jeunes, il y aura moins de chômeurs.

Je remercie Lefaso.net de m’avoir permis de rendre mon témoignage à un public plus large pour mettre en garde les futurs aventuriers du Koweït.

Haoua Touré
Lefaso.net

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