Ouagadougou/Tabtenga : Des riverains bloquent la route et ne comptent pas quitter si des ralentisseurs ne sont pas immédiatement construits

" Stop, trop de morts", "On en a marre, on veut des ralentisseurs et des feux tricolores", "Stop les accidents", peut-on difficilement lire sur des cartons de manifestants au quartier Tabtenga de Ouagadougou. Ces derniers réclament des ralentisseurs pour réduire les accidents mortels.
Il est 09h ce mardi 24 septembre 2024. Nous sommes sur le goudron de Tabtenga entre le quartier de la zone 1 et Katre-Yaar. Une foule essentiellement composée de jeunes, à l’aide de pneus, de pierres et de bois, a barricadé la voie. Environ 500 mètres de ce tronçon sont concernés par le barrage. Impossible de passer ou de raisonner qui que ce soit sous peine de voir son engin confisqué ou bloqué.
Au milieu de cette foule en colère, notre contact essaie de nous introduire au cœur de l’événement. Mais aussitôt, quelques jeunes s’interposent. " Qu’est-ce qui prouve que c’est une journaliste ?" ont-ils demandé en mooré, bloquant le passage. "C’est moi qui l’ai appelé", répond notre contact. " Mais, rien ne prouve que c’est une journaliste. On ne veut pas de problèmes." Dans cette ambiance inquiétante, nous réussissons à sortir notre carte de presse que nous présentons à des jeunes groupés autour de nous. Fini cette étape, nous franchissons la barrière. Plus rassurés désormais, ces jeunes commencent à expliquer la situation. À la question de savoir qui peut nous expliquer clairement ce qui se passe, la foule lance "Nous navons pas de leaders, nous sommes tous leaders ici. Mais ce sont les morts sur cette route qui nous a (sic) fait sortir ce matin." D’hésitations en hésitations, une voix leur fait comprendre qu’il vaut mieux qu’un représentant s’exprime pour que leur message passe plus facilement. Après quelques discussions à l’écart, un d’entre eux fait savoir que" Vieux" comme ils l’ont surnommé, va parler. Ce dernier qui fait office de porte parole indique que la foule est là ce matin pour que les morts cessent sur cette voie. " Nous avons entrepris des démarches auprès de la mairie et des autorités afin que des ralentisseurs soient établis sur cette route. La mairie nous a alors conseillé de faire une cotisation au sein du quartier puis elle va nous appuyer avec ce qu’elle a pour réaliser cela. Depuis lors, les cotisations n’ont pas pu donner assez d’argent. Mais il y a fréquemment des morts. C’est pourquoi nous sommes sortis pour demander de l’aide et mettre la pression aux autorités pour qu’elles nous écoutent ", a expliqué Vieux entouré des manifestants. A l’en croire, une équipe de techniciens est venue la semaine dernière rassurer que les ralentisseurs seront faits, mais ils n’ont plus eu de nouvelles.
Avant notre arrivée, des policiers étaient venus constater la situation, informe un jeune qui tient une pancarte signée "Stop trop de mort". "La police nous a dit qu’on leur a demandé de venir s’enquérir de la situation. Ils nous ont écouté ensuite ils sont partis rassurant qu’ils vont expliquer la situation à leur hiérarchie et revenir" Nous a t-il relaté.
Pour chacun des manifestants sur cette route, il faut trouver une solution urgemment sinon la route restera fermée. " Les policiers nous ont demandé de désigner un représentant qui va venir chez eux, mais nous n’en avons pas. Nous sommes tous des leaders et des représentants de cette manifestation" ont-ils clamé haut et fort ajoutant que même s’il leur faut dormir ici, ils le feront.

Un des jeunes de ce groupe qui semble plus calme, explique que cette manifestation n’est pas étonnante. "Nous avons entrepris plusieurs démarches. Nous sommes allés au commissariat central pour faire une demande de ralentisseurs. Les policiers savent de quoi il s’agit parce qu’ils sont venus plusieurs fois faire des constats ici" a-t-il dit.
Pendant ces échanges, aux environs de 09h 20, trois véhicules du côté Est de la route, roulent timidement vers les manifestants. Deux d’entre eux s’arrêtent au loin et l’autre s’approche. Arrivés à quelques mètres de la foule curieuse, quelques hommes escortés par des policiers avancent vers la foule. Il s’agit d’une représentation de la délégation spéciale (PDS) de l’arrondissement 10 de Ouagadougou avec à sa tête son président. "Je sais que ça fait longtemps que vous demandez des ralentisseurs. La mairie n’a pas les moyens de faire des ralentisseurs pour vous. Nous devrions venir avec une délégation de la direction des travaux publics, mais ils viendront plus tard" tente de convaincre le PDS face à ces interlocuteurs qui semblent rester sur leur position. "Nous voulons des ralentisseurs aujourd’hui" entend t-on de part et d’autres. Après maintes tentatives d’apaisement, rien ni fait, les manifestants ne veulent rien comprendre. Ce qui va davantage énerver la foule, c’est le délai d’une semaine que ce dernier propose pour résoudre le problème. "Une semaine ? Ka toin yé (ce n’est pas possible en langue mooré) " commence à crier la foule.
Finalement, la délégation face à une foule qui bouillonne decide de rebrousser chemin en demandant que des représentants viennent en discuter à la mairie.
Après le départ des autorités locales, les manifestants ont renforcé les barricades et restent focus sur leurs demandes. "Nous voulons des ralentisseurs immédiatement, il y a eu trop de morts" répètent les jeunes sur place.
Selon les témoignages, une équipe de Volontaires adjoints de sécurité (VADS) avait été affectée sur les lieux mais après que l’un d’entre eux ait été percuté par un usager ces derniers auraient décidé de ne plus venir.
Quand nous quittions les lieux aux environs de 10h30, la foule était aussi grande qu’à notre arrivée.
Cette route qui s’étend du rond point du camp Baba Sy au rond point du quartier Bénogo a été construite en 2020.
Farida Thiombiano
Lefaso.net