Burkina/Santé : Le taux de prévalence du VIH au sein des travailleuses du sexe est de 6,8%
La prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe (TS) était de 6,8% en 2022 avec une taille de population estimée à 56 606 TS la même année. De manière générale, les TS ont une faible connaissance du VIH. Celles âgées de 25 ans et plus semblent être plus infectées par le VIH et la syphilis, que celles âgées de 18-24 ans. Ces données sont issues de l’étude biocomportementale sur le VIH et estimations des tailles des populations clés (HSH, TS, UD) au Burkina Faso en 2022. Une étude commandée par le SP/CNLS-IST. Elle a été réalisée par une équipe de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina Faso, avec l’accompagnement technique et le financier du Fonds mondial contre le paludisme, le VIH et la tuberculose.
L’étude a porté sur échantillon de 1425 travailleuses du sexe (TS) âgées de 15 à 55 ans, recrutées à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Koudougou et Tenkodogo. Les 2/3 sont de nationalité burkinabè. Environ 12% des TS ont eu leurs premiers rapports sexuels avant l’âge de 15 ans, dans les différentes localités, sauf à Koudougou.
Selon l’étude, l’âge à l’initiation au travail du sexe est variable suivant les localités. Avant l’âge de 20 ans 34,9% des participantes avaient déjà eu des rapports sexuels tarifés (37,3% à Ouagadougou, 34,5% à Tenkodogo, 32,9% à Bobo-Dioulasso, 22,4% à Ouahigouya, 20,4% à Koudougou). Dans ces localités, certaines participantes ont eu des rapports sexuels tarifés à moins de 15 ans (7,2% à Tenkodogo, 5,2% à Bobo-Dioulasso et 5% à Ouagadougou). Si dans les villes moyennes plus de la moitié des TS ont moins de deux ans de pratique dans le travail sexuel (71,4% à Tenkodogo, 68,9% à Ouahigouya, 59,5% à Koudougou), cela n’est pas le cas pour les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Dans ces deux villes, entre 21,5% et 24,1% des participantes avaient au moins six ans de pratique du travail de sexe ; ces proportions étant moins élevées dans les autres localités (6,2% à Tenkodogo, 11,4% à Ouahigouya et 15,6% à Koudougou).
La majorité des participantes à l’étude avaient entre trois et cinq clients par jour (62,4%), tandis que 21,4% en avaient plus. A Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Ouahigouya, la majorité des participantes avaient entre deux et cinq clients par jour (respectivement 60,7% ; 60,1%, 50,7%) tandis qu’à Koudougou, la majorité avait plus de cinq clients par jour (51,4%).
La quasi-totalité des TS, soit 99,2%, connaissaient le préservatif masculin et seulement 89,5% ont déjà entendu parler du préservatif féminin. S’ils s’avèrent qu’elles ont une assez bonne connaissance du préservatif, l’étude montre par contre, que de nombreuses TS n’utilisent pas systématiquement le préservatif à chaque rapport sexuel. En effet, 62,9% et 61,8% des TS affirment avoir utilisé systématiquement le préservatif, respectivement pour les rapports sexuels vaginaux et anaux au cours des six derniers mois précédant l’étude. Les TS ont plus tendance à recourir à l’utilisation systématique du préservatif lorsqu’elles ont des rapports avec des clients occasionnels ou réguliers. Mais avec les partenaires réguliers ou occasionnels non payants, elles ne recourent pas toujours au port du condom.
TS et connaissances sur le VIH
L’étude montre que 91,6% des TS ont déjà entendu parler du VIH. Plus d’un quart des TS (26,7%) ont connaissance d’un proche qui est infecté par le VIH ou qui est mort du sida. Elles étaient 82,6% à savoir qu’une personne apparemment en bonne santé pouvait être porteuse du VIH. Cette proportion était faible chez les TS de Tenkodogo (56,6%), comparativement aux autres localités.
On note cependant que très peu de TS avaient une bonne connaissance globale sur les modes de transmission du VIH, à savoir les principales voies de transmission (voie sexuelle, voie sanguine et voie verticale), tout en rejetant les fausses croyances (transmission du VIH par des piqûres de moustiques ou contamination en partageant un repas avec une personne infectée par le VIH). En effet, seulement 12,3% des TS enquêtées pouvaient être considérées comme ayant une bonne connaissance globale des modes de transmission. Le meilleur niveau de bonne connaissance sur le VIH a été trouvé parmi les TS de Koudougou (46,8% contre 12,5% à Ouahigouya ; 12% à Ouagadougou ; 7,5% à Bobo-Dioulasso et 3% à Tenkodogo).
En ce qui concerne les moyens de prévention, 80% des TS savaient que l’on pouvait éviter le VIH en utilisant correctement un condom à chaque rapport sexuel. 57,2% savaient que l’on pouvait éviter le VIH en ayant seulement des rapports sexuels avec un partenaire non infecté qui vous est fidèle. Et 65,9% savaient qu’une femme enceinte infectée par le VIH, peut prendre un traitement pour éviter de transmettre le virus à son fœtus.
Quant aux fausses croyances sur la transmission du VIH, 53,5% savaient que le VIH ne se transmet pas à travers les piqûres de moustiques et 62,8% savaient que le virus ne peut pas se transmettre lors d’un partage de repas avec une PVVIH.
Dépistage et taux de prévalence du VIH et des IST
Les données montrent que 82,2% des participantes ont déjà fait le test de dépistage du VIH dans leur vie. Environ un quart des TS de Koudougou et de Tenkodogo n’ont jamais fait de dépistage (respectivement 23,2% et 22,5% n’ont jamais fait le dépistage). Au cours des douze mois précédant l’étude, un peu plus de la moitié des TS (57%) ont réalisé un test de dépistage du VIH ; avec un moindre niveau de pratique annuelle du dépistage dans la ville de Ouagadougou (54,7% à Ouagadougou versus 57,8% à Bobo-Dioulasso ; 63,4% à Koudougou ; 74,2% à Tenkodogo et 78,4% à Ouahigouya).
Seulement 77,2% d’entre elles savaient où réaliser un test VIH dans leurs villes et 89,2% des TS accepteraient d’utiliser l’autotest si on le leur proposait, les taux d’acceptabilité variant de 76,4% à Ouahigouya à 99,7% à Koudougou.
L’étude révèle également que le taux de prévalence au sein des TS est quant à lui de 6,8%. Cette prévalence varie suivant les localités, la plus faible prévalence ayant été trouvée à Ouahigouya et à Tenkodogo (3,5%) ; et la prévalence la plus élevée à Bobo-Dioulasso 8,2%. Elle était de 6,5% à Ouagadougou et de 7,0% à Koudougou.
On note également qu’au cours des six mois précédant l’étude, 24,9% des TS ont souffert d’au moins un symptôme d’IST. Concernant l’hépatite B, il y a 102 participantes, soit 8,1% qui en ont été vaccinées. Et au cours des six derniers mois, 2,3% des TS ont été informées par un professionnel de santé qu’elles étaient infectées par l’hépatite B. Ainsi, la prévalence de la syphilis active chez les TS était 1,3% et celle de l’hépatite B de 7,2%.
L’autre fait notable révélé par l’étude, c’est que le risque d’être porteuses du VIH chez les TS augmentait chez les TS veuves ou divorcées par rapport aux célibataires, ainsi que chez celles ayant débuté le travail du sexe à un âge supérieur ou égal à 25 ans, celles qui ont au moins 25 ans, et enfin chez celles ayant plus de six ans d’ancienneté dans ce travail. En revanche, le risque d’être porteuse du VIH diminuait avec l’augmentation du revenu hebdomadaire chez les TS.
Traitement du VIH
Les cibles de la cascade de traitement (3x95%) chez les TS stipule que 95% des TS vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, que 95% de celles vivant avec le VIH soient sous traitement ARV et enfin, que 95% de celles sous traitement ARV aient une charge virale VIH indétectable. De l’ensemble des participantes TS qui ont été testées séropositives au VIH dans l’étude, seulement 36% connaissaient leur statut VIH positif, parmi lesquelles 95% étaient sous traitement ARV. De celles sous traitement ARV, 74% avaient une charge virale indétectable, selon la mesure virologique effectuée durant l’étude.
TS, alcool et drogue…
La majorité des TS ont consommé de l’alcool dans le mois précédant l’étude (61,2%). Quelle que soit la localité, plus de la moitié en a consommé au cours des 28 jours précédant l’étude (51,4% à Ouahigouya ; 55,5% à Bobo-Dioulasso ;63,8% à Koudougou ; 64% à Tenkodogo et 64,2% à Ouagadougou).
En ce qui concerne la drogue, elles sont 8% à en avoir déjà consommé. Les proportions de TS ayant consommé de l’alcool au cours de cette période sont plus élevées parmi les TS de Ouagadougou et de Ouahigouya (respectivement 10,3% et 7,7%) par rapport aux autres localités (4,7% à Koudougou ; 3% à Bobo-Dioulasso et 2,2% à Tenkodogo). Parmi celles-ci 3% ont déjà consommé du cannabis, et 1% du crack/cocaïne/héroïne ou amphétamine.
En conclusion, l’étude indique que chez les Travailleuses du sexe, la séroprévalence du VIH, bien qu’encore élevée, semble stabilisée, tout comme l’utilisation du préservatif. Néanmoins, elle note un faible niveau de connaissance du VIH chez ces personnes. L’étude recommande donc, entre autres, d’accentuer les campagnes de communication sur les risques spécifiques aux TS en matière de VIH, de relancer les campagnes de sensibilisation et de communication sur le VIH en population générale pour mieux atteindre les clients de travailleuses du sexe, de renforcer les services spécifiques de prévention du VIH, des IST et de soins de santé au profit des TS, de mettre en place un système de suivi périodique et pérenne des TS.
Justine Bonkoungou
Lefaso.net