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Projet Code électoral : « Quand un singe veut mourir, il dit qu’il fait chaud en brousse », Hervé Ouattara de la Coalition Bori-Bana

LEFASO.NET | Oumar L. OUEDRAOGO

Publié le lundi 12 juin 2017 à 23h59min

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Projet Code électoral : « Quand un singe veut mourir, il dit qu’il fait chaud en brousse », Hervé Ouattara de la Coalition Bori-Bana

La Coalition « Bori-Bana » n’est ni un parti politique, ni une milice ni une organisation de déstabilisation. C’est ce qu’a tenu à préciser les leaders de cette faîtière à travers une conférence de presse tenue le jeudi, 8 juin 2017 à Ouagadougou. Occasion pour les conférenciers pour feuilleter, une fois de plus, les pages de la gestion actuelle du pouvoir et se prononcer sur l’avant-projet portant Code électoral qui fait l’actualité. Pour Bori-Bana, le Code électoral, « c’est notre article 37 et cette fois-ci, très grave ».

Les géniteurs de la Coalition se veulent sans équivoques. « ‘’Bori-Bana’’ signifie en mandingue, la course est terminée. A un moment donné, on courait pour quelque chose, on s’est rendu compte très vite que s’était un leurre. On court, on court, on n’arrive pas. C’est un problème. On nous dit aujourd’hui que c’est blanc, demain on nous dit que c’est noir. Alors, nous avons vu qu’hier, nous avons posé des actions, qui n’étaient pas forcément nobles. Il faut le dire ; quand tu poses des cations, il faut avoir le courage de dire que je me suis écarté à un moment donné du chemin qu’on aurait dû prendre. Aujourd’hui, nous disons : c’est bon pour nous, on ne peut plus courir, sans savoir où on part, sans comprendre à quoi on doit aboutir dans cette dynamique », a campé Hervé Ouattara, premier responsable du Citoyen africain pour la renaissance (CAR), une des organisations membres de Bori-Bana.

Il estime qu’il faut maintenant arrêter de se chatouiller pour rire. Pour lui donc, Bori-Bana est un cadre assez clair dans sa démarche et ses détracteurs se doivent d’éviter le sensationnel en lui attribuant des intentions qu’il ne nourrit pas. « Il y a des gens qu’on paie aujourd’hui pour nous traquer, mais ils vont se fatiguer et ils vont nous rejoindre. Certains ont même commencé à nous rejoindre. Regardez les sacs des chargés de missions de Salifou Diallo…, c’est plein de CV ; parce qu’on flatte les jeunes-là qu’on va leur trouver du travail. Voyez le sac (d’un chargé des missions, ndlr), il y a plus de 1000 CV dedans. Vous voyez ces jeunes maintenant sur Facebook, en train d’insulter, tenir des propos de dénigrements à tous ceux qui osent dire la vérité », a déclaré Hervé Ouattara avant d’affirmer que le réveil sera douloureux pour ces jeunes.

Pour lui, c’est une triste réalité aujourd’hui et c’est ainsi qu’on manipule la jeunesse. Pis, tout devient plus grave, notamment en matière de corruption, de justice. ‘’ Ceux qui disent aujourd’hui que nous sommes avec le CDP… ou Blaise Compaoré, ce sont eux qui partent le voir (Blaise Compaoré, ndlr) la nuit. Nous aussi, on est au courant ; les gens disent qu’ils partent en France, ils tournent… et puis après ils sont là-bas. Mais on ne fait jamais de tapages autour de ça. C’est quand ils sont maintenant en France pour la Belgique ou le Canada, qu’on va voir leurs photos…, pourtant ils étaient avec l’autre de l’autre côté. Nous aussi, on est au courant ‘’, a dévoilé Hervé Ouattara sous un ton de révolte avant de demander aux dirigeants de simplement respecter le cahier de charge, en honorant les engagements vis-à-vis du peuple.

Pour ses leaders, Bori-Bana n’est donc ni un parti politique, ni une milice, ni une organisation de déstabilisation de qui que ce soit. « Mais comme on aime à le dire, le coupeur de têtes n’aime pas voir un couteau à côté de sa tête. (…). Ça peut paraître aujourd’hui un mouvement qui inquiète certains, à telle enseigne que certains courent dans tous les sens et posent des problèmes de toutes sortes. Mais nous rappelons que, pour notre part, nous nous inscrivons dans une dynamique citoyenne de dénonciations des problèmes que nous vivons. Et je crois que nous sommes bien dans notre rôle à ce niveau », a martelé Hervé Ouattara.

« La situation nationale va de mal en pis … » …

Les diagnostics et constats de la Coalition sont fermes : « La situation nationale va de mal en pis et, nous ne saurons fermer les yeux sans tirer la sonnette d’alarme face aux dérives graves, qui frisent le manque de volonté politique à apporter des solutions aux souffrances des populations ». Pour Bori-Bana, cela n’implique pas pour elle de tout peindre en noir, mais la réalité est que ce qui peut être considéré comme points positifs dans la gouvernance actuelle est minime, par rapport aux promesses et engagements pris lors de la campagne.

Pourtant, justifient les conférenciers, c’est sur la base des engagements que les dirigeants ont eu la confiance du peuple. C’est pourquoi pensent-ils que le changement doit impliquer aussi pour les forces-vives, la nécessité de veiller à ce que les dirigeants ne trahissent pas leur confiance. Il faut donc exiger des dirigeants, le respect de leurs engagements et promesses, appellent les responsables de Bori-Bana. ‘’C’est le non-respect des engagements qui est à la base des problèmes. Au début, vous avez dit quoi aux syndicats, aux populations ? ‘’, ont-ils interrogé, réitérant que la Coalition va toujours dénoncer ; parce que ça ne va pas. « On a promis du travail aux jeunes, on a promis du soutien aux femmes. Ça n’a jamais eu lieu », a illustré la porte-parole de Bori-Bana, Safiatou Lopez avant de pointer également la morosité économique.

Elle invite les tenants du pouvoir à sortir de leur amnésie. ‘’ Nous avons toujours dénoncé et nous espérons que nos gouvernants vont écouter la voix du peuple. Nous espérons que les gouvernants vont écouter la souffrance des différentes couches sociales et aller dans le sens de la satisfaction des aspirations, en respectant leurs engagements et en évitant au pays de basculer dans les dérives’’, peut-on retenir de l’appel de Safiatou Lopez, présidente de l’Association pour la promotion de la démocratie et la participation citoyenne (APDC) de Safiatou Lopez, également présidente d’honneur du Cadre de concertation national des Organisations de la société civile (CCNOSC).

De leur avis, pour un pays qui se veut démocratique, un pays post-insurrectionnel, le minimum était que le peuple sente la force de la loi, la présence de l’Etat, que les populations se sentent en sécurité. ‘’On devrait aussi sentir qu’on a un gouvernement qui travaille, un Président qui est à l’écoute de son peuple. On ne doit pas s’adonner à des dépenses de luxe, alors que nos hôpitaux enregistrent des morts pour faute de matériels, les syndicats peinent à voir régler leurs problèmes, etc. On ne peut pas vouloir un changement et faire son contraire. Tant que nos dirigeants ne vont pas donner, eux-mêmes, l’exemple, ça va être difficile’’, ont analysé les conférenciers.

… « Nous avons pris nos responsabilités »

A ceux qui pensent que la Coalition Bori-Bana est un regroupement de personnes à la poursuite d’intérêts personnels, Safiatou Lopez et ses camarades répondent : ‘’Si ce sont les postes on voulait, on n’avait pas besoin de tous ces tapages. On le dit sincèrement. Il y a des gens qui ont été nommés simples chargés de missions à la présidence (du Faso), parce qu’ils sont sortis dire seulement que Zida (Isaac Yacouba Zida) est mauvais, et on les a nommés ! On les connaît. Donc, on n’avait pas besoin de nous démêler de la sorte pour avoir un poste’’. Ils déplorent que des détracteurs, depuis la création de la Coalition, véhiculent des informations mal intentionnées. ‘’Ils ont commencé à appeler partout, pour dire que nous sommes venus pour les déstabiliser. Elle (Safiatou Lopez, ndlr) a eu plus de deux heures d’échanges avec le Premier ministre, qui lui a dit qu’il y a une liste de femmes et de jeunes qu’on va soutenir… Ce sont des choses qu’on peut vérifier et nous avons dit que s’il dit que c’est faux, il n’a qu’à sortir démentir. Il y a tellement de choses comme cela… et aujourd’hui, nous disons que nous ne voulons plus être ce genre de jeunes, qu’on amène de gauche à droite et ensuite nous sommes devant nos camarades, incapables de dire ce qui se passe. Nous avons pris nos responsabilités, voilà pourquoi nous posons les problèmes’’, a confié Hervé Ouattara.

‘’Nous leur disons que, quelles que soient la diffamation, la délation, la médisance ; parce que nous savons très bien qu’ils sont très forts là-dedans, nous allons continuer. Vaille que vaille. Ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent ; nous enfermer, même nous tuer, nous n’avons même pas peur. On a lutté corps et âme, en se disant qu’on veut le changement…, pour nos enfants. Quelles que soient les actions qu’ils vont mener ; parce qu’on a appris qu’ils sont en train d’organiser leurs jeunes à la Maison du peuple via leur responsable en charge des OSC dans le bureau exécutif qui, aujourd’hui, travaille à tous les niveaux pour nous créer des problèmes’’, a détaillé Safiatou Lopez, révélant que ce sont des dizaines de millions qui sont actuellement distribués à des jeunes à cet effet.

‘’Nous ne sommes pas sortis pour les faire partir. Si c’était le cas, on sait comment il fallait s’y prendre. On n’est pas sorti pour cela. Nous avons cru qu’en sortant, ils vont se réveiller de leur amnésie (parce qu’ils sont amnésiques aujourd’hui) et écouter la voix du peuple. Nous n’avons pas attaqué un individu ; c’est la gouvernance du MPP que nous avons attaquée. Et tous ceux qui sont objectifs savent très bien que ce que nous disons, c’est la vérité. (…). Si je parle, on va dire que j’en veux à la tête du Premier ministre, pourtant ce n’est cela. Mais, je lui demande d’écouter la voix du peuple. Même les ambassadeurs qui viennent dans notre pays partent dans les confins du pays, ils savent ce que vivent les Burkinabè.

Alors, si lui, il ne sait pas que l’hôpital Yalgado, qui n’est pas loin de la primature, n’a pas changé depuis 1960, c’est qu’il y a un problème. Nous n’avons pas besoin de faire des commentaires là-dessus… Le malaise, il est assez profond. Peut-être que lui, il ne sait pas, il est venu après la victoire du MPP, il devrait faire quand même un peu attention. Au niveau du MPP, peut-être que ce sont les nouveaux arrivants qui ne le savent pas, mais ceux qui sont assis au pouvoir aujourd’hui savent qui nous sommes. (…). Si nous avons dénoncé le pouvoir de Blaise Compaoré, ce n’est pas parce qu’on en voulait à sa tête. Non, on a dit tout le système. (…). L’énergie qu’ils déploient pour nous créer les problèmes leur suffit à travailler pour répondre aux aspirations du peuple. Ils ont dit qu’ils allaient apporter le changement, le changement réel, le changement par lequel le peuple allait s’en sortir, qu’ils allaient essuyer les larmes du peuple. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Vous regardez les jeunes, parmi ceux qui étaient dans la rue, j’y connais des technocrates, qui étaient dans la rue avec nous…. Mais aujourd’hui, ils envoient les enfants de leurs amis, comment ces gens-là peuvent comprendre l’esprit de l’insurrection ? Ils nous ont regardés sur les petits écrans ! Comment peuvent-ils comprendre les aspirations du peuple burkinabè ?’’, s’est insurgée la porte-parole de Bori-Bana, Safiatou Lopez.

Marcel Tankoano a, quant à lui, rappelé que déjà en janvier 2017, un certain nombre d’organisations de la société civile (OSC), dont le CAR et le M21, avaient demandé la démission du Premier ministre ; parce qu’il n’était pas en phase avec les réalités du pays. « Il ne comprend pas... Et quand nous avions demandé son départ, le président du Faso nous a reçus, j’étais avec Hervé Ouattara, et en tête-à-tête, nous avons dit : ça ne va pas. Un chef de famille, quand ça ne va pas, tu trouves des solutions. Nous lui avions dit que ça ne va pas à tous les niveaux. (…). Regardez par exemple au Mali, le président IBK est à sa quatrième année, et chaque an, il y a un Premier ministre qui arrive ; parce qu’il estime que ça ne va pas et celui qui est-là, n’a pas de solution. Au Burkina, un Premier ministre qui se rend dans l’hôpital de référence du pays, s’étonne, et dit que sa maman a travaillé là-bas, depuis 1963…, dit aux gens que lui, il a 57 ans. Il faut que les gens l’écoutent. Et en même temps, il dit qu’ils vont construire l’hôpital. Qu’est-ce qui est cohérent ici ? ».

Pour Marcel Tankoano, par ailleurs président du M21, il faut un gouvernement de travail. A l’en croire, quand le président du Faso les a reçus à l’approche du remaniement, il leur a posé la question de savoir s’ils avaient des gens à proposer. « Nous avons dit non, mais qu’il y a des ‘’ouvriers’’, qui peuvent bien faire le travail. Mais, regardez ce qui s’est passé, est-ce un remaniement ? Quelqu’un qui a été contesté à la santé, on le parachute à la jeunesse, on est mort ! », a déploré Marcel Tankoano.

Ton de fermeté au sujet du Code électoral

La conférence, c’est aussi l’actualité sur le code électoral. « Nous entendons des bruits… sur le code électoral. Mais, nous disons : que Dieu les encourage dans cette voie. Vous savez, quand un singe veut mourir, il dit qu’il fait chaud en brousse. Nous sommes en train d’aller lentement, mais surement, vers une situation qui va nous permettre de résoudre un certain nombre de problèmes, définitivement. Si pour l’article 37… ; parce qu’à ma connaissance Blaise Compaoré était élu démocratiquement aussi… Aujourd’hui, quand on dit le pouvoir Roch, on crie…, il a été élu démocratiquement. Comme si l’autre qu’on a chassé n’avait pas été élu démocratiquement. Mais est-ce que c’est à terme (de son mandat) qu’on l’a chassé ?

Les gens sont sortis pour dire que ça ne va pas marcher. Et c’est la même chose pour le code électoral. Nous disons qu’il faut faire très attention ; parce que, lorsque les gens persévèrent toujours dans leur mauvais cheminement, nous disons…il faut faire très attention, c’est notre article 37 et cette fois-ci, très grave. S’ils ne croient pas, ils peuvent persister. Nous prenons l’opinion à témoin, pour dire que, sur le code électoral, nous prions Dieu pour qu’ils continuent sur la voie qu’ils veulent emprunter, ça nous facilitera vraiment la tâche », ont défié les responsables de Bori-Bana pour qui, l’intention des dirigeants, c’est de fragiliser les syndicats, casser l’opposition et neutraliser les organisations de la société civile pour se faire un boulevard pour 2020 (élection présidentielle, ndlr).

Selon ses créateurs donc, Bori-Bana n’entend pas céder à toutes ces manœuvres et pressions. Elle annonce d’ailleurs pour les semaines à venir, des assises sur la situation nationale.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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