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Côte d’Ivoire : Les vieux démons se sont réveillés à Duékoué

Publié le lundi 6 juin 2005 à 07h55min

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Plus que jamais le peuple ivoirien, éprouvé par bientôt trois ans de guerre civile, rêve d’un aboutissement heureux de la présidentielle du 30 octobre 2005. Mais pour que ce rêve devienne réalité, il faut que les acteurs de la scène politique ivoirienne, au premier rang desquels le président Koudou Laurent Gbagbo et l’occupant du perchoir, Mamadou Koulibaly, cultivent la réconciliation et le respect de la parole donnée.

Car, que n’a-t-on pas pris comme engagements devant la communauté internationale depuis septembre 2002 ?

De Bamako à Pretoria, en passant par Lomé, Linas-Marcoussis, Accra, Libreville, Abuja et même New-York, la crise ivoirienne a bénéficié de toutes les attentions. Peine perdue, malgré les milliers de morts et les millions d’étrangers spoliés et chassés de leurs plantations, le gouvernement de réconciliation nationale marche sur un seul pied, et le processus de désarmement, démobilisation et de réinsertion des combattants, reste un vœu pieux en dépit dedébuts timides. Sur les bords de la langue Ebrié, la paix demeure un vain mot.

Ce que n’aurait pas voulu entendre le père de la nation, Félix Houphouët-Boigny. Et les derniers événements viennent intimer à la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à l’Union africaine (UA), à la France et à l’Organisation des Nations unies (ONU) l’ordre d’imposer et de faire respecter les règles du jeu. Duékoué est une ville située à quelque 400 km à l’ouest d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne.

Dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 juin 2005, des crépitements d’armes de guerre réveillent la cité, affolent les habitants pendant que l’incendie de maisons ciblées annonce un nouveau drame, ce que le célèbre président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, le professeur Mamadou Koulibaly, qualifiera plus tard de crime contre l’humanité et de génocide.

Les vieux démons venaient ainsi de se réveiller et nous sommes bien en zone sous contrôle loyaliste, où le couvre-feu est instauré de 19h00 à 6h00 GMT. La périphérie nord de la ville marque la limite avec la "Zone de confiance", territoire tampon sous le contrôle des forces internationales de l’ONU et de l’opération française Licorne et qui sépare la zone loyaliste de la partie nord du pays, contrôlée par les Forces nouvelles. En dépit du tohu-bohu général, aucun officiel ne daigne y pointer le nez.

Le matin, le constat est là, horrible : 70 innocents ont été massacrés, qui par balles, qui par le supplice du feu. Et en toute quiétude, les meurtriers d’une nuit se sont volatilisés, laissant les survivants dans la stupeur, l’émoi. Aujourd’hui encore, on en est à douter, à se poser des questions sur la responsabilité des forces loyalistes et des forces internationales dans cette tuerie entre les ethnies Dioula et Guéré.

Les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) ont certes déjà reconnu leur part de responsabilité dans ce qui est arrivé, par la voix de leur porte-parole, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao, mais les casque bleus ne sont pas non plus à l’abri de toute critique. Faut-il croire comme ce fut le cas en Ituri, que ces anciens soldats viennent souvent faire du tourisme, parfois sexuel, dans les contrées désolées au lieu d’empêcher le pire de survenir quand bien même leur mandat est musclé comme c’est le cas en Eburnie depuis la violation du cessez-le-feu début novembre 2004 par le Gbagboland ? A qui profite le crime ?

On ne le sait encore trop. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’il compromet le processus de désarmement et risque d’hypothéquer l’élection présidentielle tant attendue du 30 octobre, aussi bien par les populations que par la communauté internationale, parce que censée mettre un terme à la guerre qui divise le pays d’Houphouet depuis le 19 septembre 2002. Maintenant la question qui s’impose est de savoir si tous les protagonistes ont intérêt à ce que le miracle se produise. Car on n’est pas loin de penser que certains se voient déjà vaincus avant le verdict des urnes.

Quoi qu’il en soit, la plaie ivoirienne nécessite une thérapie de cheval, et le réveil des vieux démons à Duékoué est un signal adressé à la sous-région ouest-africaine, qui garde indélébiles les stigmates des crises survenues au Liberia, en Sierra Leone, au Togo, et nous en oublions. De mauvais esprits pourraient être tentés d’exporter la crise ivoirienne, et nous en voulons pour preuve ces propos amers du fameux Mamadou Koulibaly, qui trouve que la partie ouest de la Côte d’Ivoire est victime de la fertilité de son sol, et des minerais que contient son sous-sol.

Sa sentence : "Je serais favorable pour dire à toutes les populations de l’Ouest de détruire toutes les plantations pour lesquelles les assaillants viennent les tuer tous les jours. Qu’on détruise toutes les plantations de café, de cacao". Sacré Koulibaly. Parce que, a-t-il clamé, ce sont ces plantations qui ont fait du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal des pays exportateurs de cacao aujourd’hui. Pauvre Mamadou !

Puisse la CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU conjuguer leurs efforts au plus vite pour conjurer l’embrasement qui se profile à l’horizon, à défaut de pouvoir imposer la paix aux belligérants. La politique du pire, c’est bien à celle-là que nous invite l’ombre de Gbagbo et sultan du Front populaire ivoirien (FPI) qui fait des pieds et des mains pour rester aux affaires.

Observateur Paalga

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