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Douk Saga, le créateur du "Couper-décaler" : "Le Molaré n’a pas été arrêté ..."

Publié le samedi 4 juin 2005 à 10h24min

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Douk Saga, artiste ivoirien de renommée internationale n’est plus à présenter. Le créateur, le concepteur, le metteur en scène du mouvement "Couper-décaler" avec ses dérivés ("Faro-faro", "Prudencia", le "Fouka-fouka") a 31 ans.

De son vrai nom Stéphane Amidou Doukouré, la star ivoirienne, créateur du "Décaler-chinois" est titulaire d’un BTS en informatique de gestion.

De passage à Ouagadougou pour son concert qui aura lieu dimanche 5 juin 2005, le "boucantier" s’est ouvert à Sidwaya Plus. Douk Saga lève un coin de voile sur ce qu’il est, la définition de certains concepts de la musique ivoirienne, le show-business et la fameuse rumeur sur l’arrestation de son ami Molaré.

Sidwaya Plus (S.P.) : Est-il vrai que le Molaré a été arrêté ?

Douk Saga (D.S.) : Molaré est à Paris actuellement. La semaine dernière (NDLR : l’interview a été réalisé le lundi 30 mai 2005) il était avec moi à Abidjan. Il a joué au Niger et le samedi, c’était à Bordeaux. Donc, ce sont des racontars. Quand j’ai commencé la musique, les rumeurs fusaient par-ci, par-là sur mon arrestation. Cela est fait pour dénigrer les gens. Depuis que nous sommes dans la musique, nous avons hérité du business de Paris.

Souvent les cachets sont assez minables mais on les prend tout de même pour ne pas avoir des problèmes avec qui que ce soit. Nous sommes des stars connues de par le monde entier.

La rumeur avait fait dire que Douk Saga est incarcéré dans une maison d’arrêt à Paris. Elle a fait tache d’huile et je ne vais jamais me remettre de cela. C’est lugubre, sinon le Molaré n’a pas été arrêté. L’on peut vérifier dans tous les tribunaux d’Abidjan, de Paris ou de Ouagadougou, j’ai un casier judiciaire vierge. Je n’ai jamais eu maille à partir avec la police. Donc, je ne suis pas un faussaire. Ma vie est l’aboutissement de ce que j’ai vécu quand j’étais petit.

S.P. : Comment est né le mouvement "Couper-décaler" ?

D.S. : Le mouvement "Couper-décaler" provient de l’association de plusieurs jeunes Ivoiriens. C’est la "Jet Set" parisienne qui a accouché de ce mouvement. Elle est composée de Lino Versache, de Molaré, de Solo Beton, de Chakouldé, de Boro Sangui, de Kuyo Junior, de Bedel Patassé, de Serge Defalé et de la Sagacité qu’on appelle Douk Saga. Des jeunes fêtards qui écumaient toutes les boîtes de nuit de Paris. Et avec leur manière de s’habiller, de danser, des professionnels ont tiré la conclusion que l’on pouvait sortir quelque chose de cet état de fait.

Raison pour laquelle, des professionnels ont approché le leader du groupe en ma personne. Je suis entré en studio par la suite pour un single. Et pour un coup d’essai, cela a été un coup de bête. Un an et demi après, le mouvement est devenu plus grand, plus vaste. Les amis du même groupe m’ont emboîté le pas pour donner du tonus au mouvement.

Aujourd’hui, le mouvement "Couper-décaler" est devenu un mouvement majeur dans le monde entier. Il a franchi les frontières de la Côte d’Ivoire et s’est établi à New York (Etats-Unis) aux Caraïbes, etc. Cela a été un coup de maître.

S.P. : Aujourd’hui quelles relations établissez-vous entre les différents mouvements qui se succèdent et qui se ressemblent à deux doigts près ...

D.S. : Tout d’abord, je suis le concepteur du "Fouka-fouka", du "Couper-décaler", du "Décaler chinois". Cependant, l’élément moteur de tout ce mouvement est le "Couper-décaler sagacité". Ce dernier a engendré de nombreux dérivés tels que le "Faro-faro", "la Prudencia". Notre objectif par la création de ce vaste mouvement était de damer le pion aux musiques étrangères notamment congolaise, camerounaise et autres. Nonobstant cela, le Zouglou fait son petit bonhomme de chemin au plan local. Mais le "Couper-décaler" est aujourd’hui la tendance la plus en vogue.

S.P. : Quel est le bagage intellectuel et professionnel de Douk Saga ?

D.S. : J’ai fréquenté l’école comme tout le monde. Après le BEPC, j’ai suivi l’enseignement professionnel en apprenant l’informatique de gestion dans un lycée professionnel. Le BT, équivalent du Baccalauréat a sanctionné mon cursus scolaire.

Deux ans après le Bac, j’obtenais un BTS en informatique de gestion au lieu de trois ans normalement. J’ai travaillé durant près de six mois jusqu’à ce qu’intervienne le coup d’Etat de 1999. Après le coup d’Etat, l’incertitude commençait à planer avec les multiples licenciements abusifs. Il fallait prendre la clé des champs avant qu’il ne soit trop tard. C’est ainsi que le 12 juillet 2000 j’ai foulé les bords de la Seine. Je suis d’abord homme d’affaire avant d’être musicien. La musique nourrit le musicien qui se prend au sérieux et qui sait se vendre. En dehors de mes activités musicales, je fais de l’import-export. Je fais venir des grosses voitures, des cylindrés, des carrosses d’Europe pour les revendre en Afrique. J’ai un ami en Europe et bientôt j’ouvrirai une agence de location de voitures. Ce, enfin de diversifier mes activités.

La musique étant un phénomène de mode, il faut garantir ses arrières.

S.P. : Quels contenus significatifs renferment les termes "Couper-décaler", "Faro-faro", "Fouka-fouka" ?

D.S. : Au-delà de tous ces termes vit l’idée d’égayer les autres. Lorsqu’on est un concepteur, on a le devoir de mettre du baume dans le cœur des hommes et des femmes par son génie créateur. Dans des situations moroses, où l’on entend qu’il y a des attaques à Bouaké, à Korhogo, où ailleurs en Afrique, nous essayons toujours de faire passer la tristesse et les remords. Il n’y a pas de thèmes spécifiques pour déterminer ce qu’on fait. Tous ces mots sont conçus pour rompre avec la monotonie, baigner l’homme dans la joie, la gaieté.

Par exemple, le "Fouka-fouka" est né suite à la contemplation des gestes des hommes forts. En Europe, quand certains ont envie de se débarbouiller, ils se lèvent et font le mouvement auquel le "Fouka-fouka" a emprunté. Alors, de retour de Londres et après 10 jours de repos, les amis m’ont dit "Ah ! tu es fort". Et j’ai dit en faisant le geste : "A partir de maintenant, c’est le Fouka-fouka". C’est ainsi qu’est né le "Fouka-fouka ".

Un bon concepteur est toujours suivi. Il suffit que tu dises quelque chose pour que le mouvement fasse tache d’huile. Si Douk Saga dit à ses gars que c’est de cette manière qu’on danse, demain, la danse fera ravage. C’est la griffe de Douk Saga dira-t-on de la chose

S. : Entre vous et Molaré, cela n’a pas toujours été la pluie et le beau temps, qu’en est-il exactement ?

D.S. : Tout est venu d’une déclaration de Molaré dans la presse, où il disait que Douk Saga n’est plus son ami. C’était un coup de publicité sinon il n’y a jamais eu de palabre entre nous. Mais peut-être un coup de gueule de sa part, un coup de boutoir afin de se faire remarquer. Au sein de la "Jet Set", nous sommes une famille, une corporation quand bien même il y a parfois des petits différends . On se boude durant un temps et après ça passe. Nous n’avons pas besoin de nous asseoir sur la place publique ou de nous étaler dans la presse. Cela est ridicule. Nous avons toujours lavé le linge sale en famille dans l’amusement. On se rend ensemble dans les boîtes de nuit, on rigole et le courant passe. Donc, c’était un coup de publicité pour Molaré. Il est et demeure mon ami. Nous sommes tout le temps ensemble. Quand on est ami et qu’on est appelé à voir la personne tous les jours, à rire et à manger avec lui, on n’a pas besoin d’étaler nos problèmes dans les journaux.

D.P. : Sincèrement, n’est-ce pas une querelle de leadership entre vous et Molaré ?

D.S. : C’en est pas une. Molaré est venu à la musique, un an et demi après moi. C’est parce que j’ai maintenu le "Couper-décaler" au haut niveau, investi des sommes faramineuses dans la promo, qu’ils sont venus. Sinon, si le "Couper-décaler" était mort dès sa sortie, je ne pense pas qu’un membre de mon groupe allait chanter. Donc ce n’est pas une querelle de leadership. Je suis le leader charismatique du "Couper-décaler", le concepteur et le metteur en scène de cette danse. Mes amis donnent du tonus au mouvement afin qu’il soit toujours opérationnel. Et moi quand je venais dans la musique, je n’ai dit dans aucun journal que ce soit, que je venais pour faire de la concurrence. J’ai simplement apporté ma petite contribution à l’art musical en Côte d’Ivoire et cela s’est répandu dans le monde entier. Douk Saga est incontournable aujourd’hui quand on parle de "Couper-décaler" à travers le monde. Donc, je ne cherche pas d’ennemis. Quand je discute mon cachet, je le discute personnellement et quand les autres discutent le leur, Douk Saga n’est pas là pour donner des directives. Je ne vois pas d’animosité, ni de querelle encore moins de la concurrence dans cela. Je mène ma petite carrière comme je l’entends, comme je le veux. Je n’ai pas d’ennemis personnellement.

S.P. : En voyant votre montée fulgurante depuis l’an 2000 jusqu’à aujourd’hui et votre fortune, l’on s’interroge sur la manière d’acquérir assez d’argent ...

D.S. : Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années pour se manifester. Je suis né d’une très grande famille. Ma mère n’est pas riche. Mais mes parents et mes grands-parents, etc. m’ont aidé à ne pas avoir une enfance difficile. Depuis l’âge de deux ans, j’étais à l’aise jusqu’à aujourd’hui. Ma grande famille m’a apporté tout le soutien moral et matériel qui se devait : chauffeur-maison, billet d’avion, jet à Paris avant même que je ne sois artiste. Cela veut dire que je suis précédé de la chance, du couvert de Dieu.

En effet, je suis seul et j’ai des ennemis partout. Des ennemis que je n’ai pas voulus. Je suis attaqué que ce soit dans le mouvement business, comme dans le mouvement show-biz. Je suis un cacique en fait. De tous ces faits, j’ai jusqu’à présent, la bénédiction de Dieu. A Paris, je faisais des affaires difficiles au début, mais c’est Dieu qui m’a toujours tiré d’affaire. Et comme ironie du sort, Dieu m’a donné une voix de "bouiller" qui me permet d’avoir l’argent tranquillement. Sinon Douk Saga est un frimeur, un bluffeur, un claqueur de sous, un gars de la Jet qui porte des habits chers, qui ne boit que du champagne, qui ne fume que du cigare, qui ne mange souvent que du caviar. Donc, un bluffeur, un "business man" qui se retrouve dans la musique, vous voyez que forcément ça marche : c’est le cataclysme. Je suis arrivé à la musique par le fait du hasard. Je ne suis pas venu à la musique parce qu’untel a chanté. C’est Dieu qui m’a pris, m’a mis en studio et le résultat est ce qu’on connaît. Aujourd’hui sur scène, je suis incontournable dans n’importe quel pays du monde. Je joue au Tchad, à Londres, à Genève, au Canada, partout. Ma philosophie sur la terre, c’est l’argent, la gloire, la femme. Si ma vie s’arrêtait aujourd’hui, je me dirais que je ne suis pas passé inaperçu dans le commun des vivants. Pendant des années, je peux dépenser au moins 300 000 FCFA par mois sans que j’ai des problèmes. C’est le minimum.

S.P. : A vous entendre, vous êtes entré dans le style du "faire le malin sauvagement" ?

D.S. : ça c’est le boucan. Moi, je ne suis pas un "faroteur" je suis un "boucantier". Le "faro", c’est celui qui fait le petit malin. Le boucantier c’est celui qui fait du bruit. Un homme qui se fait voir. Quand il est là, on sait qu’il est là. Je suis un "bruitiste". Je fais du "boucan" et je mange la vie. Parce que, si tu ne manges pas la vie, la vie va te manger (rires).

S.P. : Feriez-vous carrière dans la musique ?

D.S. : Je poursuivrai la musique jusqu’à mon dernier souffle. Si j’ai confié mes affaires à mes agents, c’est pour me consacrer à la musique. La musique pour moi est un canal de communication.

Ma première cassette a été produite par un studio. J’ai moi-même produit la dernière sortie un an et demi après le premier et intitulé "Route nationale" . A Abidjan, à Paris où ailleurs, j’en suis le producteur. Pour la troisième cassette, nous mettrons les structures en place pour la distribuer par nous-mêmes. C’est toute une étape. Je ne savais pas comment rentrer dans le show-business. J’avais l’argent pour me produire mais j’ai été produit. J’ai assuré la promo de mon premier album à hauteur de 25 millions de FCFA pendant 2 mois et demi. Puisque j’arrivais avec un mouvement que je devais installer, il fallait que je crée un mythe autour du mouvement.

Je devais m’identifier par rapport aux autres artistes. Un artiste qui attend de l’argent mais c’est lui qui donne. C’est ce qui a fait la notoriété du "Couper-décaler".

S.P. : Quelles sont vos appréhensions quand vous arrivez dans un pays pour faire le "show" ? Qu’est-ce qui vous frappe ?

D.S. : Il faut tout d’abord savoir que, tu sois à Abidjan ou à Paris, tu sens qu’à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso en particulier, au Burkina Faso en général, la fièvre du "Couper-décaler" est déjà montée. Par modestie, je crois qu’après Abidjan dans le show-business Ouagadougou est devenue la seconde capitale du show-business. Alors, quand on vient dans un pays qui s’y connaît déjà, on s’attend à une ferveur populaire. On est content de jouer devant les gradins remplis.

D’autre part, l’accueil des Ouagalais est chaleureux. Logiquement le concert devait avoir lieu le samedi dernier. Mais, il a été reporté au dimanche 5 juin 2005. Donc, pour ne pas trop se découvrir je reste discret avec mon staff. Cependant, j’ai découvert de grands maquis à Ouagadougou comme la Ligaze internationale. La Ligaze fait la même ambiance que les maquis d’Abidjan. C’est cool et on sent le mouvement. En ce qui concerne le show du dimanche, je suis venu pour travailler sauvagement avec le public. Je viendrai avec 2 millions de francs en coupure de 1000F pour tuer le public complètement. Celui qui paye un ticket, il ressort avec son argent.

Entretien réalisé par Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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