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France -Gouvernement Villepin : Le monstre bicéphale de la chiraquie

Publié le vendredi 3 juin 2005 à 07h50min

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"Matignon ou les champignons !", aurait menacé celui qui était jusqu’au 30 mai ministre de l’Intérieur de la France : Dominique De Villepin. En effet, dans le quotidien français Libération du 23 mai, il aurait déclaré : "On peut avoir une vie très remplie sans pour autant aller à Matignon. Les champignons, cela existe aussi". C’était donc la primature ou la démission.

Finalement, le "non" franc et massif du 29 mai des Français à la Constitution européenne a résolu le "problème" De Villepin, puisque 48 heures après le désaveu hexagonal de cette loi fondamentale européenne, Jacques Chirac bombardait son vieux compagnon premier ministre. Rideau sur Jean-Pierre Raffarin et ses raffarinades.

Chirac a donc tranché sur le vif, car beaucoup se bousculaient au portillon de Matignon : de l’éphémère ministre de l’Economie, Hervé Gaymark (très apprécié par Chirac), à Doustle Blasy (ministre de la Santé), en passant par Nicolas Sarkozy (eh oui !) jusqu’à l’ex-secrétaire général de la présidence, Villepin, chacun trépignait d’impatience pour que le chef de l’Etat boute Raffarin hors de la primature pour qu’il s’y mette.

Voilà donc le ministre-poète (amateur de Blaise Candras) devenu premier des ministres, pour résoudre rapidement les problèmes qui turlupinent ses compatriotes. De Villepin a donc eu ce qu’il voulait depuis des mois. Celui qui a l’oreille attentive de Jacques Chirac est dans le sérail politique français depuis des années, et il doit son maintien dans le circuit à Chirac. N’ayant jamais obtenu de mandat électif, il a été projeté sous les feux de la rampe en 2002 alors qu’il était ministre des Affaires étrangères. Et c’est la crise ivoirienne qui révéla l’homme. Du haut de ses presque 2 mètres, De Villepin a été celui qui a testé au bord de la lagune Ebrié, in concreto, la politique (la nouvelle) de la France en Afrique, caractérisée par le ni-ni, "ni ingérence, ni indifférence".

En effet, deux mois après le début de la tambouille en Côte d’Ivoire, il fera un périple qui restera inscrit dans les annales du Quai d’Orsay comme celui d’une realpolitik : du 26 au 28 novembre 2002, il est allé dans 6 capitales africaines (Lomé, Abidjan, Ouagadougou, Bamako, Libreville et Dakar) pour tenter de jouer au pompier après le début de l’incendie ivoirien ; on a alors parlé de la tornade Villepin. On retiendra que cette politique a accouché de résultats mitigés, mais l’homme resta, lui, un "gars" de Chirac, qui le fera quitter les Affaires étrangères, pour la place Beauveau, au ministère de l’Intérieur.

Pour "redonner confiance" aux Français, Chirac a également fait appel le même jour (31 mai) à son rival politique, Nicolas Sarkozy, pour occuper le fauteuil de superministre de l’Intérieur. On croirait rêver, mais nous sommes en politique... C’est pourtant de notoriété publique que l’obscure guerre des tranchées Chirac-Sarkozy de ces deux dernières années est désormais ouverte. Cet affrontement dont l’objectif est la présidentielle de 2007 est maintenant sans merci, souvent frontal, même si quelquefois apparaissent de faux armistices.

Retour un an plus tôt : alors qu’il était le premier flic de France en 2004, Sarko lorgna la présidence de l’UMP, le parti présidentiel. Réaction immédiate du patron du "chateau" (surnom de l’Elysée) le 22 juin 2004 : si Sarkozy veut la tête de l’UMP, il devra plier bagages de la place Beauveau.

Ce que s’empressa de faire "l’homme pressé", qui fut adoubé le 28 novembre 2004 au Bourget, devant 40 000 militants umpistes. Au sommet de ce parti fort, avec les avantages y afférents, Sarkozy recommença de plus belle ses attaques à l’encontre de l’enfant de la Correze. C’est donc à cet homme "ambitieux forcené", que Chirac a fait appel pour "coacher" Villepin. On aura remarqué donc que ce qui était impossible il y a un an pour Sarkozy, à savoir le cumul des postes (président de l’UMP et ministre) devient possible en 2005, de part la volonté de Chirac, mais aussi du fait des circonstances.

Mais que peut vraiment faire cet attelage ou plutôt ce monstre bicéphale de la chiraquie ? On peut répondre à la question, au regard du "non" du 29 mai, par ceci : "pas grand-chose". En effet, les maux qui rongent la société française sont connus : chômage, inégalités sociales, insuffisance de la croissance, déficit des investissements, réduction du temps de travail, cause de la baisse du pouvoir d’achat... Qui est comptable de cet état des faits ?

Pour les Français, c’est tout indiqué, ce sont les différents dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’Etat ces dernières années. Du reste, le vote du dimanche dernier est un net désaveu de la politique ultralibéral des actuels dirigeants. Or De Villepin, encore plus Sarkozy, est un fieffé partisan de ce libéralisme à tout va. En outre, ce n’est pas la gauche qui est au pouvoir ! Les Français auraient donc voulu sanctionner une telle politique, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.

De toutes les façons, Sarkozy n’ignore rien de la situation française, lui qui a commandé en mai 2004 un rapport à un groupe d’experts de grand renom, conduit par l’ex-patron du FMI, Michel Camdessus. Un rappel (intitulé le sursaut) qui affirme sans frioritures que malgré le fait que la France soit la cinquième puissance économique du monde, le troisième exportateur de service, le deuxième investisseur à l’étranger, l’un des pays le plus visité, les aiguilles de la croissance retardent. "Il y a un décrochage en France et le pays est plus proche du plongeoir..." souligne le document.

Comment alors inverser cette tendance, qui est réversible, mentionne le rapport, pour peu que certaines politiques vigoureuses soient mises en œuvre ? C’est à cette tâche titanesque que doit se livrer le binôme Villepin-Sarkozy.

Sans verser dans la politique-fiction, on peut envisager deux destins à ce tandem : le premier est qu’il fasse vraiment bloc pour faire bouger les choses, même si les "100 jours De Villepin pour changer la situation" sont irréalistes. Mais en travaillant vraiment main dans la main, ils pourraient vraiment apporter un petit plus. Mais est-ce possible, si chacun d’eux (Villepin moins) vise in fine l’Elysée en 2007 ? C’est là qu’apparaît le second scénario : Sarkozy, omnibulé par la présidentielle, tire la couverture à lui, en agissant en fonction toujours du scrutin prévu dans deux ans.

A la clef, les deux hommes se gêneraient, et il n’est pas exclu que Villepin fasse échec aux prétentions de son remplaçant place Beauveau (déjà que les mauvaises langues prétendent que les bisbilles du foyer Sarkozy sont savamment distillées par... Chirac... via Chirac) ; ce qui par ricochet annihilerait certaines actions bienfaisantes.

N’oublions pas que Villepin est "l’homme de Chirac", et "ce serait alors une vengeance par procuration" du chef de l’Etat. Ce qui ne serait pas sans rappeler le cas de Michel Roccard en 1993, qui, s’étant emparé du Parti socialiste, avait osé défier "Dieu" (Mitterrand) qui l’avait tout simplement "cassé" politiquement. Dans tous les cas, attendons de voir à l’œuvre ce couple pour se fixer définitivement.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Observateur Paalga

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