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Développement des Energies renouvelables en Afrique : le Pr Yao Azoumah demeure optimiste

Publié le mardi 29 mars 2016 à 00h00min

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Développement des Energies renouvelables en Afrique : le Pr Yao Azoumah demeure optimiste

Le Salon international de l’environnement et des énergies renouvelables de Ouagadougou se tiendra du 28 avril au 1er mai sous le thème "Financement des systèmes énergétiques durables pour l’Afrique en développement". Plusieurs professionnels du secteur de l’énergie, chercheurs et partenaires techniques et financiers seront au rendez-vous. Yao Azoumah aussi. Professeur en génie énergétique, il est le directeur général de Sirea Afrique spécialisé dans le solaire. Dans un entretien qu’il nous a accordé le vendredi 25 mars 2016, celui qui se revendique "enseignant-entrepreneur", estime que les Africains devraient éviter de penser que les énergies vertes sont un luxe. "Si vous trouvez que les énergies renouvelables sont chères (notamment le solaire), essayez les délestages et les conséquences des changements climatiques », conseille-t-il. Lisez !

Lefaso.net : Pourriez-vous vous présenter au public ?

Y.A : Tout d’abord, permettez-moi de remercier M. Cheick YEYE, coordinateur du SIERO (Salon international des énergies renouvelables de Ouagadougou, NDLR) et votre journal pour l’occasion que vous m’offrez de communiquer avec nos populations.

Je suis Yao Azoumah, Professeur en génie énergétique (spécialité solaire et efficacité énergétique) et Directeur général de l’entreprise Sirea-Afrique. J’ai travaillé ici au Burkina, de 2007 à 2014, à 2iE en tant qu’enseignant-chercheur. J’ai eu l’opportunité de monter le laboratoire énergie solaire et économie d’énergie de 2iE. J’ai ainsi dirigé des activités de recherche avec l’équipe que j’avais montée pendant six bonnes années. Nos travaux de recherche ont, pour la plupart, abouti à des concepts assez innovants dont je citerai ici les concepts flexy-energy (systèmes hybrides solaire/diesel sans stockage de production) et le CSP4 Africa (mini-centrale solaire à concentration adaptée à nos réalités), dont des pilotes préindustriels sont en cours de finalisation à 2ie et dans deux villages au Mali et au Burkina.

Après 2iE, j’ai continué mes activités académiques à l’institut panafricain des sciences de l’eau et de l’énergie (PAUWES) basé en Algérie et récemment à l’école supérieure des métiers des énergies renouvelables (ESMER) au Bénin. Dans cette dernière, j’ai l’insigne honneur de présider le conseil scientifique et pédagogique.

Aujourd’hui je m’oriente davantage vers l’entrepreneuriat ici au Burkina (avec Sirea-Afrique) et dans mon pays d’origine le Togo (avec KYA-Energy Group) afin de mettre concrètement aux services de nos populations les fruits de mes activités de R&D.

Je revendique ainsi le concept d’enseignant-entrepreneur ou de chercheur-entrepreneur, qui à mon avis, sera vital dans les années à venir à la fois pour nos instituts d’enseignement supérieur et de recherche mais surtout pour le milieu professionnel.

Lefaso.net : Décrivez un peu les activités de Sirea-Afrique

Y.A : Sirea-Afrique développe des solutions innovantes adaptées au contexte africain. L’électricité, l’automatisme, le monitoring et les énergies renouvelables constituent ses domaines de compétences. Sirea Afrique c’est aussi des compétences en audits, expertises, assistance & conseils. C’est enfin un bureau d’études et ingénierie pour les systèmes solaires et hybrides qui s’investit dans le renforcement de capacités.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui différencie véritablement Sirea-Afrique des autres entreprises solaires de la place ?

Y.A : La politique à Sirea-Afrique est très claire. Nous souhaitons créer de la valeur ajoutée locale pour les installations des systèmes énergétiques notamment solaires. Nous avons la ferme volonté de contribuer à une baisse significative des coûts d’investissements des systèmes solaires pour les ménages et les PME/PMI.

Pour ce faire, nous avons développé des produits standards et reproductibles qui pourront permettre, à termes, de faire rapidement des économies d’échelles. Nous assemblons localement aujourd’hui des armoires ou des unités hybrides de production d’électricité (les KYA-Energy Box et les KYA-Energy pack solar) qui sont inspirées du modèle de la téléphonie mobile afin d’accélérer l’accès aux services énergétiques de nos populations. Ces unités énergétiques, hors réseau, nécessitent une main d’œuvre locale qualifiée. En optant pour une telle approche, Sirea-Afrique crée de la valeur ajoutée et emploiera très rapidement beaucoup de jeunes pour le montage des armoires en atelier, leur installation chez les clients ainsi que pour leur suivi et maintenance.

Lefaso.net : Comment voyez-vous l’avenir du solaire au Burkina et dans la sous-région ? Quels sont les leviers pour accélérer le développement de la filière ?

Y.A : Je suis très optimiste quant au développement des filières des Energies Renouvelables (EnRs) notamment le solaire au Burkina et dans la sous-région.
Je fonde mon optimisme sur plusieurs points :
  Le contexte mondial qui adresse clairement les problèmes environnementaux et du développement durable à travers le COP21 ;
  Les EnRs sont nos vraies ressources endogènes et peuvent donc garantir notre indépendance énergétique ;
  Les questions récurrentes des déficits énergétiques que nous connaissons dans notre pays, et partout dans la sous-région ;
  La volonté des autorités politiques burkinabé ;
  L’opportunité qu’offrent ces filières pour la création d’emploi des jeunes et le « green business » ;
  La chance qu’il y ait beaucoup d’activités R&D encore à développer dans ces filières et aujourd’hui le Burkina et les pays africains peuvent largement y contribuer ;
  Nous avons de plus en plus des vrais professionnels spécialistes de ces domaines qui entreprennent dans ces filières.

Lefaso.net : Pensez-vous que le SIERO pourrait contribuer au développement des filières des énergies renouvelables au Burkina et dans la sous-région ?

Y.A : Aujourd’hui, le SIERO est pour moi la première plateforme d’échanges entre les professionnels des énergies renouvelables dans la sous-région. Si ce salon, qui est déjà à sa cinquième édition, bénéficie d’un vrai soutien pour une organisation sans faille, je ne doute pas qu’il permette d’accélérer les échanges entre acteurs et d’attirer les regards sur le développement du marché des énergies renouvelables au Burkina et dans la sous-région. Ainsi dit, je pense que le Siero a un rôle majeur à jouer, maintenant et dans les années à venir, pour le développement des énergies renouvelables.

Lefaso.net : Et quelles sont vos attentes vis à vis de ce salon ?

Y.A : Au SIERO, j’attends le public en premier pour venir découvrir les solutions que nous lui proposons pour qu’il ait son indépendance ou autonomie énergétique. J’attends surtout faire le réseautage et consolider davantage les liens que nous avons avec des entreprises partenaires locales et internationales. Car comme l’a dit Nelson Mandela : « aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès ». Il faut donc une synergie entre les différents acteurs pour vraiment rendre l’investissement dans des énergies renouvelables abordable partout en Afrique, surtout pour les populations les plus démunies.

Lefaso.net : Votre mot de fin

Y.A : Très sincèrement, je pense que le Burkina, de par sa position géographique et la volonté clairement affichée de ses autorités politiques, a un rôle de leadership à jouer dans la sous-région dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique pour le bien-être de nos populations. Le SIERO pourra, dans une certaine mesure, être un bon catalyseur dans ce processus ; et pour ce faire a besoin du soutien de tout le monde, entrepreneurs, autorités de tout bord et surtout de la population burkinabé.

Je reste persuadé que nous avons les solutions à nos problèmes, il suffirait qu’on regarde davantage autour de nous et qu’on se fasse davantage confiance.
Pour finir, je dirai aux uns et aux autres que les énergies renouvelables, notamment le solaire, sont notre présent et notre avenir à tous. Evitons de croire qu’investir dans ces énergies vertes nous reviennent trop cher. D’ailleurs, en paraphrasant Abraham Lincoln, je dirais : « Si vous trouvez que les énergies renouvelables sont chères (notamment le solaire), essayez les délestages et les conséquences des changements climatiques ».

Entretien réalisé par HBF
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