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Mamadou Kabré, président du PRIT-Lannaya : « Ceux qui cherchent à aller au CNT ont raison »

Publié le samedi 22 novembre 2014 à 03h52min

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 Mamadou Kabré, président du PRIT-Lannaya : « Ceux qui cherchent à aller au CNT ont raison »

La nomination du lieutenant-colonel Isaac Yacouba Zida au poste de Premier ministre, les tractations au sein des OSC et des partis politiques pour la désignation des membres du gouvernement et du CNT, la vie des partis politiques affiliés au CFOP-BF ; ce sont entre autres sujets que nous avons abordés, dans l’après-midi de ce vendredi, 21 novembre, avec le président du PRIT-Lannaya, Mamadou Kabré. Ancien compagnon de Boukary Kaboré dit le Lion avec le Parti pour l’unité nationale et le développement (PUND), El Hadj Mamadou Kabré s’exprime sans langue de bois… Entretien à bâtons rompus !

Lefaso.net : Quelle analyse faites-vous de « la course contre la montre » dans la formation du gouvernement, alors qu’il avait été annoncé pour plus tôt ?
Mamadou Kabré :
Disons qu’il y a un retard mais, ils ne sont pas tellement hors délai, puisque selon ce que le lieutenant-colonel Zida a dit, c’est dans 72 heures que le gouvernement sera formé (à compter de sa nomination, 19 novembre ndlr). Le chronogramme prévoit que c’est demain, samedi matin, qu’il y aura le premier conseil des ministres de la transition. Je suppose qu’à cette heure, vendredi après-midi, ils ne sont pas encore en retard. Mais, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas coincés, parce qu’au sein de l’opposition par exemple, il y a des contestations qui s’élèvent de plus en plus, pour dire que c’est en cercle clos qu’on est en train de désigner les ministres qui vont représenter l’opposition. Ce n’est pas une représentation intuitu personae ou bien sur la base des partis politiques pris individuellement ; c’est à travers un regroupement. Même si on sait que tout le monde ne peut pas être dans le gouvernement, il est de bon ton d’informer tout le monde sur la désignation de ceux habilités à aller. Mais, en tout état de cause, moi, ce que je crains, c’est qu’on va, soit pourfendre la charte soit faire une forfaiture qui est inadmissible. Pourfendre la charte pourquoi ? Parce que la Charte dit que les candidats des partis qui vont être envoyés leurs candidats comme ministres, ne peuvent se présenter (s’ils sont retenus ministres) ni aux élections législatives ni à l’élection présidentielle. Ce qui suppose que les leaders du MPP, UPC, UNIR/PS et de le Faso Autrement ne vont pas être candidats aux postes de ministres. Ce qui suppose que ce sont des seconds couteaux, sinon même des manches de couteaux qu’on nous envoie (dans le gouvernement, ndlr). Je ne pense pas que, quelle que soit la grandeur d’un parti, un militant qui n’est pas dans le secrétariat exécutif, qui n’est pas membre du BPN (Bureau politique national) ou qui n’est pas postulant pour être tête de liste aux élections législatives ou pour la présidentielle, puisse avoir une préséance par rapport à un chef de parti membre du CFOP-BF qui a participé aux activités de celui-ci. Là, c’est carrément une inconsidération et nous, dans le CFOP-BF, un certain nombre de partis (autour de 18), nous n’acceptons pas cela et nous sommes en train de se concerter pour donner la réplique, parce que s’ils y vont et qu’il y a un problème où ils ont besoin de notre soutien, il faut savoir qu’ils ne l’auront pas parce qu’ils ne nous ont pas consultés au préalable. Et s’ils y sont, pour nous mettre devant le fait accompli, la justice doit être faite et nous allons dénoncer cet état de fait. Et j’ajoute que si on a parlé de la Charte avec le principe de l’inclusion, ce n’est pas l’inclusion qui veut dire que dans un gouvernement il doit y avoir toutes les tendances ; mais l’inclusion suppose qu’il y a eu un consentement également des parties prenantes, même s’ils ne délèguent pas des gens auprès des instances comme le CNT (Conseil national de la transition) ou bien le gouvernement. A ce que je sache à cette heure-ci, sans retenu, on m’a dit que l’UPC aurait 3 portefeuilles ministériels, 4 pour le MPP et 1 portefeuille pour chacun de UNIR/PS et de Le Faso Autrement. Ce n’est pas le reflet de la décision du CFOP, ce n‘est pas également une considération vis-à-vis des autres partis. Je ne dis pas que les chefs de ces partis ne sont pas importants, c’est peut-être qu’ils ont été dans les gouvernements ou ils sont nés avant moi. Sinon, ceux qu’ils vont envoyer, si ce ne sont pas des gens qui sont appelés à être candidats, ils ne sont pas valables, ils ne sont pas mieux que le président du PRIT-Lannaya que je suis.

Lefaso.net : A vous comprendre, sur la base de la charte, on risque d’avoir un gouvernement au rabais !
Mamadou Kabré :
Justement, ils vont envoyer, j’allais dire, les manches ; pas même les seconds couteaux. C’est pour cela, j’ai dit qu’ils ne peuvent pas être représentatifs et reflétés mieux la lutte que nous avons menée au sein du CFOP-BF ; c’était une rencontre de chefs de partis qui se retrouvaient, les premiers mardi de chaque mois, et convoquer en cas de besoin, ce ne sont pas ceux qui ne participent pas aux réunions, qui n’ont jamais mis pied dans la salle, qui peuvent aller parler à notre nom ; ils ne parlent qu’au nom de leur parti. Nous ne pouvons pas être d’accord sur ce principe-là. On sait qu’ils attendent la dernière minute pour publier quelque chose ; j’imagine après même la passation de charge ce soir, vendredi, pour nous prendre de court mais ça ne nous empêche pas « de réagir ». Comme on le dit chez nous : « les hautes herbes peuvent cacher la perdrix mais ne peuvent pas empêcher d’entendre son chant ». Ils entendront notre voix, notre voix contestataire par rapport à cette désignation furtive menée dans des couloirs sombres à des desseins inavoués par des personnes en quête de popularité.

Lefaso.net : Quelles peuvent être les formes de votre contestation ?
Mamadou Kabré :
Par voie de presse, nous allons dire de quoi s’agit-il. Puisque si le fait est consommé, on n’a pas un moyen de recours pour l’annuler. Mais par la voie de presse, nous allons dire ce qui s’est passé et, également, nous allons nous consolider en tant que structure émanant du CFOP-BF (Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso) pour ne pas reconnaître ceux-ci. L’enjeu-là, ce n’est pas maintenant, c’est ce qui va se passer à la fin de la transition ; la question des alliances, de soutien. Ce n’est pas évident aujourd’hui, si certaines forces vont se reconstituer, ou bien si on va faire la part des choses. J’écoutais le Président Michel Kafando qui disait que ceux qui ont des dossiers sales n’ont qu’à s’abstenir de venir au gouvernement. Alors qu’on sait qu’il y en a qui ont, dans le passif du régime Compaoré, des années, voire des décennies, de gestion collégiale. Donc, les gens n’ont qu’à savoir raison gardée et chercher toujours à solidifier la base, aller dans l’union que de vouloir croire qu’à eux seuls, ils suffisent pour faire la pluie et le beau temps.
Lefaso.net : On constate que la désignation des membres du CNT fait des gorges chaudes, surtout au sein des OSC. Qu’est-ce que cela vous inspire comme analyse ?
Mamadou Kabré :
De prime à bord, il faut dire que tous ceux qui cherchent à aller au CNT ont raison. Ce n’est pas qu’il y a de l’argent là-dedans. Mais, le fait qu’il y a eu des lois scélérates, le fait qu’il y a eu un silence sur un certain nombre de dispositions qui auraient dues être légiférées comme des lois, conduit les gens à vouloir apporter leur contribution pour que les choses ne soient pas comme avant. Donc, y aller, c’est apporter une contribution citoyenne. Ce n’est pas une question de charge vénale qui amène les gens à y aller. Vous savez également que de par l’histoire, quand on y participe, on grave sur du marbre, le nom de sa structure, de son parti. Et donc, les gens ont envie d’y aller. Mais de façon générale, c’était prévisible, dans la mesure où les OSC (Organisations de la société civile) ont un quota de 25 postes, alors qu’elles sont une cinquantaine ; ce qui veut dire que le ratio d’admission est 1 sur 2. Et encore que dans ça, on ne tiendra pas compte d’un certain profil. Et les gens, quand ils se plaignent, ils ont effectivement envie de faire entendre leur voix. En fait, la contestation est dans tous les sens ; horizontale et verticale. Et ça fait que quand ce sont des gens comme les chefs, qui décident, la base conteste. Ça c’est un problème. Ensuite, on a vu des activistes sur tous les bords qu’on occulte, je ne sais, à quel dessein. C’est le cas du M21. On sait aussi, dans ce jeu-là, que des alliances peuvent se tisser, de telle sorte à étouffer certains ou à étouffer des situations. Mais, de façon générale, on aurait pu éviter cette mésentente-là qui sera préjudiciable à l’avenir, à tout ce qui pourrait être fait comme regroupements pour aller dans des objectifs communs. On aurait pu éviter ces gorges chaudes, si n’avait pas donné la portion réduite à la société civile. Pourquoi ? Parce que la société civile, son rôle, ce n’est pas de conquérir et de gérer le pouvoir d’Etat. Son rôle, c’est d’être contre-pouvoir, pouvoir d’interpeller, le pouvoir sur un certain nombre de manquements ou sur des abus. Mais, lorsqu’eux-mêmes, ils veulent être là-dedans, ça pose problème. Ils auraient dû garder l’éthique, la morale des autorités coutumières et religieuses qui ont dit que dans les instances délibérantes, elles n’y vont pas. Et ces autorités ont raison, parce qu’on peut faire recours à elles. Mais ceux qui se sont accaparés des postes, ils cessent d’être-là. Et je peux dire même qu’il y a certains qui seront au CNT et la fin de celui-ci sera également la fin de leur existence, de leur vitalité, leur vie. C’est à chacun de choisir. Mais si certains se sont dit que l’objectif c‘était de faire partir Blaise Compaoré, s’ils partent avec la fin du CNT, ça ne sera pas une gageure.

Lefaso.net : Le lieutenant-colonel occupe le poste de Premier ministre ; cela vous rassure-t-il dans la suite, au regard de ce qu’il a déjà posé comme actes ?
Mamadou Kabré :
Les sciences humaines ne sont pas comme les sciences exactes. On peut suspecter un homme de ne pas être capable de si ou de se comporter de telle manière et, à l’évidence, on se rend compte qu’il n’est pas dans ce comportement. En réalité, le lieutenant-colonel Zida est capable du meilleur comme du pire. Donc, c’est au fur et à mesurer qu’on va l’évaluer. Comme il a 12 mois, et top chrono, il est en train de les égrener. C’est à lui de poser des actes. Et je pense que, en le voyant et, comme le dit un proverbe : on n’apprécie jamais le jeune garçon quand il cultive bien parce que finalement, il cultive mal et arrache les orteils de ses parents ». Donc, pour ne pas l’apprécier au point qu‘il dorme sur ses lauriers, je peux dire que ce que j’ai entendu à la Maison du peuple (à la signature de la charte, le 16 novembre) et certaines informations qui me parviennent (même si à contrario on dit qu’il est téléguidé par Blaise Compaoré), je ne suis pas sûr que nous n’allons pas, en tout cas, en redemander après la transition, un « Zida ». Et donc, si c’est dans cette logique-là qu’il reste, ce n’est pas sûr qu’on ne réclamera pas un « Zida » à la fin de la transition parce que, justement, il aurait positivement marqué les esprits et fait des coups d’éclats. Déjà qu’il prend des décisions que nous, politiques, auraient dû anticiper, même si au niveau du CFOP-BF, nous avons proposé qu’il y ait des délégations spéciales intérimaires, de telle sorte à remplacer les conseils municipaux et les conseils régionaux. Pour que ce ne soient pas les préfets et les hauts commissaires, mais que ce soit, de façon intérimaire à travers les partis qui ont pris part aux élections, avec un certain quota, ou alors, à travers les forces vives qui sont à l‘intérieur d’une commune ou d’une région. Mais, comme les gens ont plutôt vu d’autres choses et ont bataillé autour d’autres aspects, désolé, il est venu nous prendre de court ; il a annoncé la dissolution des conseils municipaux et la mise en place de délégations spéciales. Je ne sais pas ce que ça va donner mais, dans tous les cas de figure, les gens s’y attendaient et au lieu qu’on laisse les mairies continuer, ma petite idée est qu’il faudrait que les préfets puissent dégoupiller les questions de lotissement et faire l’état des attributions des parcelles. De telle sorte que, le citoyen, conformément à la RAF (Réformes agraires et foncières), qui aurait plus d’une parcelle dans une localité donnée, qu’on le dédommage en retirant les parcelles pour affecter à autrui.

Lefaso.net : Comment voyez-vous l’avenir des partis politiques affiliés au CFOP-BF, après la « fin de mission » du premier responsable, Zéphirin Diabré ?
Mamadou Kabré :
C’est une manière cavalière de mettre fin aux missions, parce qu’on est une entité, il ne sous a pas consulté avant de mettre fin. Les arguments qu’il a avancés ne tiennent pas la route. Ça ne peut pas prospérer parce que ça ne supporte pas la critique. Certains partis aussi critiquent cette façon très besogneuse de mettre fin à ses missions. Etant entendu qu’on a mené une lutte, et dans le cadre de la transition, on a des entités qui se reconnaissent à travers des appellations. Il n’a pas mis en place une structure qui va suppléer à cette structure. Il va à des cérémonies à quel titre ? On se réfère à quelle structure pour avoir ceux qui doivent être issus du CFOP-BF ? Donc, il nous a fauché l’herbe sous les pieds et il nous met dans une mauvaise posture. Mais, on ne va pas s’en tenir à ça pour rester sans organisation. C’est pourquoi j’ai proposé aux camarades qu’on garde l’appellation CFOP, qui ne sera plus « Chef de file de l’opposition politique » mais plutôt « Chef de file des organisations des partis politiques au pouvoir » ; parce qu’on a signé la charte, on est au pouvoir donc c’est régler. On ne manque pas d’idées, quand même !

Lefaso.net : Certainement que le PRIT-Lannaya ira imprimer ses valeurs au sein du CNT !
Mamadou Kabré :
ça c’est claire, parce que le parti m’a donné le siège ; donc, on sera-là. On avait déjà finalisé notre programme de société et notre projet de société ; on pourra donc défendre certaines positions pour que ce soit transformé en lois, pour le bonheur du peuple.

Lefaso.net : Une année, c’est déjà arriver ; quelles sont les perspectives à votre niveau pour la bataille électorale pour Kosyam ?
Mamadou Kabré :
On doit se réunir incessamment, dimanche, 23 novembre 2014, pour commencer à préparer les élections. Nous entendons (même si pour la présidentielle nous avons dit officiellement qu’on n’est pas candidat), pour les autres élections ; nous entendons être sur le plus grand nombre de circonscriptions territoriales.

Lefaso.net : Il se peut que vous souteniez un autre parti politique pour la présidentielle alors !
Mamadou Kabré :
C’est sûr ! On va soutenir quelqu’un. Et on ne va pas soutenir quelqu’un qui est sale ; on va soutenir quelqu’un qui est propre, qui a de la considération. Quelqu’un qui estime que, bien que le laurier ne pèse pas 2 grammes, si on le met dans la sauce, ça change son goût. Qu’on ait de la considération pour nous. On n’ira pas vers des partis qui n’ont pas de la considération pour nous.

Lefaso.net : Qu’est-ce qui vous tient encore comme message ?
Mamadou Kabré :
Dans cette transition-là, il ne faut pas que les loups se déguisent en agneaux pour être dans la bergerie. Il faudrait également que dans cette transition, les gens s’avisent pour être dans un parti pour lequel ils ont confiance à ses vues et à ses opinions. Sinon, si on suit ceux qui ont l’argent, ceux qui ont une certaine notoriété alors qu’ils ont un dossier sale, on serait obligé encore de faire un 30 ou 31 octobre, dans 2 ou 3 ans parce que les gens travailleront pour leurs intérêts, pour dessiner la vie du Faso à leur image. Alors que ça ne doit pas être ainsi ; c’est cela le problème. Je souhaite donc que chacun prenne ses responsabilités pour militer dans des partis de confiance, notamment le PRIT-Layanna qui est resté constant sur sa position. Ça fait 27 ans que son président n’a pas dérogé et n’a pas suivi le régime (de Blaise Compaoré, ndlr) un seul instant. Et on est resté sur une position parce que nous disons qu’on ne peut pas regeler les problèmes du peuple sans que ce soit une idéologie qui défend les intérêts du peuple. Et cette idéologie, c’est le communisme. Le communisme n’est pas mort. Il y a des pays qui ne sont plus dirigés par des partis communistes mais il n’en demeure pas moins qu’il y a des affiliations, des tendances vers le communisme parce que, le socialisme n’est rien d’autre que le petit-frère du communisme. La révolution, c’est la même chose ; c’est le courant de gauche. Mais il y a encore quelques pays comme Cuba, la Chine, le Vietnam qui sont des pays sous obédience communiste et ils font des choses pour le plus grand nombre et c’est ça qui est important. Ce ne sont pas les régimes libéraux, ni socio-libéraux, socio-démocrates qui peuvent régler ces problèmes. Eux, c’est le capitalisme en outrance.

Entretien réalisé par :
Oumar L. OUEDRAOGO
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