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Manifestations anti-referendum : « Certains enfants sont traumatisés », confie un responsable d’établissement

Publié le vendredi 24 octobre 2014 à 23h26min

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 Manifestations anti-referendum : « Certains enfants sont traumatisés », confie un responsable d’établissement

Les manifestations contre le referendum ont touché les établissements secondaires, et même le primaire à certains endroits. C’est le constat qui s’est dégagé en cette journée de vendredi 24 octobre où de nombreux établissements ont donné l’allure de « lieux morts » et des témoignages de responsables d’établissements qui ne laissent personne insensible.

De la dizaine d’établissements secondaires et primaires parcourus à Tampouy dans l’arrondissement N°3, Tanghin dans l’arrondissement N°4, Paspanga dans l’arrondissement N°1 et Gounghin dans l’arrondissement N°2, « seulement » deux (un établissement secondaire privé et une école primaire publique) tenaient normalement des cours. Interrogés, les responsables de ces derniers établissements évoqués indiquent n’avoir reçu aucune note demandant la suspension des cours. « Comme ce n’est pas une grève, je ne vois pas pourquoi suspendre les cours », a confié le surveillant général de l’établissement secondaire privé avant d’ajouter qu’il appartient aux élèves eux-mêmes de décider de leur avenir.
Dans les grands établissements secondaires publics de la capitale, les administrations sont « restées » fermées dans bien d’endroits. Que ce soit au Lycée Marien N’Gouabi, Bambata, Philippe Zinda Kaboré ou au Lycée Nelson Mandela, c’est le même constat que ces établissements sont vides de leurs occupants habituels. « Nous sommes venus ce matin pour les cours mais on a constaté que les classes étaient fermées. On ne nous a rien donné comme explications », a confié un groupe d’élèves au lycée Philipe Zinda Kaboré, se disposant à faire des exercices sur les tableaux implantés dans la cour de l’établissement. Au lycée Marien N’Gouabi par contre des élèves indiquent avoir été informés par l’administration de la « suspension » des cours ce vendredi, 24 octobre. « Nous sommes toujours-là parce qu’on doit bosser ; nous sommes en classe d’examen », nous précisent-ils.

La crainte des saccages

Si au niveau des établissements publics, les premiers responsables sont « absents », dans le privé, on ne souhaite pas non plus commenter la situation, « par mesure de sécurité ». Au-delà de tous les risques liés aux troubles par le fait des élèves eux-mêmes, bien d’autres paramètres semblent motiver des établissements à libérer les « enfants » au « moindre mouvement ». « Avec la concurrence, des individus sont instrumentalisés pour saccager dans certains établissements jugés comme de potentiels concurrents. Tout comme il arrive que certains élèves, parce que renvoyés d’un établissement, s’organisent à travers ce genre de mouvements pour venir se venger… », déplore un responsable d’établissement privé à Tanghin. « On a même vu, poursuit-il, des gens porter la tenue de certains établissements qu’ils ne fréquentent pourtant pas, pour aller semer la pagaille ; rien que pour ternir l’image de l’établissement en question. C’est vraiment compliquer. C’est pourquoi lors qu’il y a des mouvements, nous libérons les élèves en attendant de voir comment s’organiser pour rattraper ce qui peut l’être », a soutenu ce dernier. Outre cela, ces perturbations, confient certains interlocuteurs, font l’affaire de certains responsables d’établissement. « Ils économisent quand il n’y a pas cours. C’est malheureux mais c’est ainsi. Beaucoup se frottent les mains actuellement », relève un autre responsable.

On se prépare au chômage

« La situation nationale fait que nous sommes dans l’obligation de libérer les enfants. C’est d’abord leur sécurité qui nous préoccupe ; le reste, c’est après. Les enfants ne sont en rien responsables dans ce que nous avons créé, notre bagarre ; ils ne sont pas venus eux-mêmes au monde. Que chacun comprenne que l’avenir, c’est la jeunesse. On sait comment ça commence, mais on ne sait pas comment ça se termine. Nous ne voulons pas connaître ce que le Burundi ou le Rwanda ont vécu. Si nous cultivons la violence à l’enfant, il sera un homme violent. Si nous cultivons l’amour à l’enfant, il sera un altruiste. Je demande aux uns et aux autres de mettre en avant l’avenir de notre pays. J’ai eu la malchance de vivre les crises en Côte d’Ivoire et au Mali où j’ai vécu 3 ans. Je sais ce que vaut une guerre. Donc, je demande à tout le monde de penser à l’autre », a déballé le directeur d’un complexe regroupant une section maternelle et le primaire.
Au-delà de cet aspect, il dit craindre pour l’avenir même des travailleurs du privé, celui de l’enseignement en particulier. « Cette situation pèse beaucoup sur nous parce que sommes privés, et qui privé dit entreprise. J’ai dit aux collègues que c’est nous qui en pâtissons plus ; on doit se préparer à aller au chômage. Nous sommes les principaux concernés parce que si les parents ne viennent pas payer, nous ne pouvons pas avoir un salaire. A Ouaga, les ¾ des établissements sont privés et si ça ne marche pas, c’est nous et nos familles qui allons souffrir », a-t-il analysé avant de demander à « chaque Burkinabè » de beaucoup penser à l’avenir du Burkina.
« Certains enfants sont traumatisés »
C’est avec « peine » que le directeur du complexe sus-énuméré décrit l’état de peur que certains enfants expriment « en ce moment ». En effet, indique-t-il, certains enfants sont « traumatisés » au moindre coup de sifflets ou au moindre mouvement. « Ils courent, pleurent en disant : c’est la guerre. Ce matin, quand les coups de sifflets et les cris ont retenti chez nos voisins (un établissement secondaire se trouve dans les encablures), les enfants ont commencé à pleurer en disant qu’il y a la guerre. Voyez-vous … ? ça choque », s’est attristé le directeur du complexe qui abrite, note-t-il, plus de 800 enfants. A notre passage aux environs de 11h, nombreux étaient encore dans la cour avec les enseignants, dans l’attente de leurs parents. D’où la suggestion du directeur aux parents de veiller à la sécurité de leurs enfants, surtout en ce temps de troubles, et d’éviter de tenir certains propos devant eux à la maison. « A la maison, les parents, sans se rendre pas compte, inculquent des idées aux enfants ; ça leur reste gravé dans la tête et ça les traumatise. Ces enfants qui sont paniqués ont certainement entendu à la maison les parents dire par exemple : cette situation-là…, c’est la guerre seulement ; il y aura la guerre. Vous voyez ? Ils ne tiennent pas compte de leurs enfants et ne se rendent pas compte de ce que ça fait aux enfants », a-t-il développé avant de réitérer son invite aux parents à redoubler de vigilance car, souligne-t-il, la première école pour l’enfant, c’est la famille.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net
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