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Situation au Togo : La fin ne justifie-t-elle pas la méthode ?

Publié le vendredi 18 février 2005 à 09h17min

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La situation au Togo interpelle tout démocrate et plus particulièrement ceux du continent. Ce qui se passe depuis le 5 février au pays du désormais célébrissisme Faure Eyadema ne saurait laisser indifférent. Le coup de force était si inattendu que les premières réactions furent d’une violence ayant entraîné une crispation des attitudes et figé les positions.

Même si la forfaiture a de quoi indigner, une autre attitude s’impose à présent, afin d’éviter que le pays ne bascule dans le chaos, à l’image d’un autre pas loin de nous.

On a vu que ce ne seront pas les menaces qui vont amener Faure Eyadema et son entourage à la raison. La preuve, tout a été magistralement administré par les tentatives de manifestations, vite réprimées par un déferlement de violence sans discernement. C’est dire que le pire frappe à nouveau au cœur de l’Afrique Occidentale, parce que semble-t-il les négociateurs sur la crise togolaise sont en passe d’emprunter le chemin de l’échec, tout comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire, aujourd’hui plongée dans un océan d’incertitudes sinon dans un abîme sans fond. L’urgence s’impose donc de marquer un temps d’arrêt et de comprendre que lorsque le vin est tiré, il faut le boire. Quitte à l’avaler de travers ou à dose infinitésimale, en tout cas, il y a matière à revoir la stratégie de la fermeté trop vite adoptée par quelques personnalités et pas des moindres.

L’investiture de Faure Gnassingbé au milieu des magistrats togolais.

Si cette tactique est la bonne pour certains, force est de reconnaître qu’en matière de relations internationales, elle n’a que très rarement produit les résultats escomptés. La guerre en Irak est sous nos regards à redire que même la force aveugle a ses limites, quand un pays ou ses dirigeants se croient bafoués dans leur dignité et leur souveraineté.

Les héros sont bannis

Ceux qui osent dire haut et fort, à l’instar d’un Alpha Omar Konaré, la réalité des faits se retrouvent marginalisés et sans aucune influence encore. Ils se voient relégués hors des cercles influents et assistent en spectateurs à l’histoire qui se tisse. Pour avoir dit son fait aux nouveaux maîtres de Lomé, Konaré n’a plus voix au chapitre, parce que ces derniers arc-boutés l’ont déjà classé dans les anti-irréductibles. C’est pourquoi, la diplomatie commande de tourner mille fois la langue dans la bouche avant de dire quoi que ce soit. Et puis quelle fierté peut bien tirer un médiateur s’il se fait lui-même hara-kiri en tenant des propos qui amènent les protagonistes d’une crise à se recroqueviller dans leur coquille.

Pour prendre l’exemple seulement de Thabo Mbeki, il sait que dans la crise ivoirienne, il met en jeu sa crédibilité de président de la première puissance militaro-économique du continent. Quitte à susciter de multiples interrogations sur sa médiation et la stratégie suivie, il s’est dit que seul le résultat devrait guider sa méthode. Même convaincu que Laurent Gbagbo est le nœud de la crise, il n’osera le dire, préférant sans doute être écouté avec des mots bienveillants vis-à-vis des tenants d’Abidjan. Pourvu qu’à la fin, il brandisse le trophée du succès.

Que faire pour Lomé ?

Oui, la question est au centre de toutes les attentions. On vit une époque où le processus démocratique en Afrique cherche encore sa voie, même si le tour de passe-passe de Faure dépasse tout ce que l’on a vu jusqu’à présent. Porté au pouvoir dans des circonstances rocambolesques, qui peut vraiment croire qu’il va lâcher prise ? Entre observer la légalité constitutionnelle et organiser des élections libres, indépendantes et ouvertes à tous il y a en effet un fossé. Si objectivement, on peut amener Faure Eyadema à accéder à la deuxième solution, la première, à savoir se désister au profit de Fambaré Natchaba Ouattara relève de l’utopie pure.

Aucune sanction, fut-elle globale ou ciblée n’aura d’impact sur le régime installé à la hussarde. Quelle peut être en effet, la portée de sanctions de gel des comptes et avoirs personnels, d’empêchement de se déplacer alors que l’aide continuera de tomber afin de ne pas pénaliser les populations togolaises ? Cette aide irait encore dans les poches des dirigeants qui selon les informations auraient établi un vrai coffre débordant de liquidités au palais de Lomé II.

C’est pourquoi, la lucidité, le réalisme et le bon sens voudraient que la "normalisation" de la situation passe uniquement et seulement par la tenue à plus ou moins brève échéance d’élections législatives et présidentielle ouvertes à toutes les sensibilités. Il ne sert strictement à rien d’afficher une orthodoxie digne de l’Eglise du Moyen âge et qui sera nul doute d’abord préjudiciable aux populations togolaises qui n’ont que trop souffert.

Mais ne dit-on pas souvent qu’entre deux maux, il faut choisir le moindre ? Le moindre ici, c’est exit Fambaré comme concession des négociateurs de l’UEMOA et organisation d’élections assez vite comme "lâchage du lest" de Faure et de ses soutiens. Ce compromis ne fera aucun mal à la démocratie, car jusque-là cette démocratie n’a pas produit grand chose pour les Togolais.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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