LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

casting série Tv « Zogona »

Publié le jeudi 24 octobre 2013 à 23h07min

PARTAGER :                          

A travers l’écrit ci-après, Sékou Traoré, producteur-réalisateur burkinabè, dénonce une pratique, celle des responsables du casting de la future série Tv ivoirienne intitulée « Zogona » qui consiste à faire payer de l’argent aux participants au casting. Un monde à l’envers selon M. Traoré et qui constitue, à le suivre, un mauvais précédent dans le paysage cinématographique burkinabè.

A

Monsieur le Directeur de la Cinématographie
Nationale et à l’Union Nationale des Cinéastes
du Burkina.

Objet : casting série Tv « Zogona »

Chers Collègues,

Je viens par la présente vous exposer mon point de vue sur ce que j’appelle un petit
problème, et c’est un euphémisme.

Depuis quelques mois, j’avais appris par la voie des ondes (Télé , radio) et aussi presse écrite
qu’une Production à priori ivoirienne organisait à Ouagadougou un casting pour une future série Tv
intitulée « Zogona ».

Jusque-là tout va bien. Je me suis renseigné vendredi 18 octobre en tant que producteur sur les
conditions du casting de cette série comme je le fais d’ailleurs sur les conditions de casting et de
tournage des films au Burkina ou dans la sous-région ( quand j’en ai la possibilité). J’ai donc appris
par plusieurs personnes ayant participé au casting de cette série, qu’il fallait payer un droit
d’inscription de deux mille francs ( 2000 ) cfa pour participer audit casting. D’ailleurs les flyers édités
et distribués par la production elle-même ne font aucun mystère là-dessus. C’est marqué Dossier =
photo entière + 2000 F fiche d’inscription.
Mon premier réflexe a été d’appeler la Direction de la Cinématographie Nationale, pour savoir s’ils
étaient au courant, la réponse était négative.
C’est bien la première fois que j’entends parler de casting au Burkina Faso où c’est le futur comédien
qui doit mettre la main à la poche. J’avais appris par des collègues cinéastes de Côte d’Ivoire que
cette pratique était de plus en plus courante en Côte d’ivoire où le participant au casting pouvait se
faire délester de trente mille (30 000) fcfa… Des projets réels ou fantômes se sont ainsi faits des
millions sur le dos des pauvres chercheurs de place de comédiens.
Jusque-là, en tant que producteur-réalisateur, ayant quelques années d’expériences, ce que je sais,
et que j’ai appris dans les écoles de cinéma, et sur les plateaux de tournages des différents
continents, c’est que, un producteur, ou un réalisateur, quand il a un scénario, et qu’il a besoin de
comédiens qui puissent incarner au mieux les différents rôles décrits dans son scénario, il est dans
une position de demandeur, parce que la réussite de son film en dépend. Le comédien et surtout le
bon comédien est ce qu’il y a de plus rare en Afrique, et ni le Burkina ni la Côte d’Ivoire ne font
exception à ça .

Pourquoi alors curieusement le comédien ou le futur comédien, denrée rare, se retrouve entrain
de débourser des sous afin de pouvoir passer le casting d’un film ?
Pour mieux comprendre l’absurdité de la situation, prenez le cas de quelqu’un qui a soif, et qui tend
la main pour avoir de l’eau à boire, et il exige que celui qui se propose de lui étancher sa soif, lui
remette d’abord la somme de 2000 fcfa, avant de lui donner ensuite l’eau à boire !!!! Vous
comprenez aisément que l’assoiffé qui fait cette proposition, ce n’est pas l’eau qui l’intéresse pour
étancher sa soif, ce sont les 2000 frs qui l’intéressent, donc il n’a pas soif.

Pour en revenir au cas de la série « Zogona » qui est l’objet de cette lettre, j’ajouterai que sur un
plan purement technique, quand on fait un budget de film, le poste casting est budgétisé, il est partie
intégrante du budget global du film. Même le café, le thé et l’eau, que nous servons sur le lieu du
casting aux potentiels comédiens ou figurants sont à la charge de la production et sont comptabilisés
dans le budget du film.

Pour mémoire, nous avions reçu pour le film Ouaga Saga de Dani Kouyaté, ( 2003 sahelis
productions) plus de 3000 candidats au casting, « Qui sème le Vent » de Fred Garson ( Arté France et
Abissia Productions, 2010), plus de 2000 personnes, sans jamais faire payer un franc à quiconque.

Et nous avions encadré, formé en leur payant des défraiements, aux comédiens sélectionnés, aux
frais de nos productions (film Notre Etrangère de Sarah Bouyain 2009, et film « Gris gris, de Mahamat
Saleh Haroun cannes 2013).

Aucune raison, je dis bien aucune, ne donne le droit à une production de faire payer une somme
quelconque à un prétendant à un rôle.

Ne profitons pas des rêves des gens, de la naïveté des gens., et de la précarité de vie des gens.
Pour beaucoup de ceux qui viennent participer à un casting, jouer dans un film est comme avoir
n’importe quel boulot dans une usine, une administration, etc…De ce fait, même à Dix mille francs
cfa, l’inscription pour votre casting, ils paieront, parce qu’ils cherchent du boulot. J’ai appris par les
participants au casting qu’il y a eu près de 700 inscrits !!! je n’ai pas encore pu vérifier cette
information.

Je demande respectueusement et solennellement donc à la Direction du Cinéma du Burkina, je
demande à l’Union Nationale des Cinéastes du Burkina, de dire à Disa Productions, production ,qui
est le maître d’œuvre de cette série « Zogona » d’arrêter de faire payer les candidats au casting.

C’est Disa Productions qui a besoin des comédiens et non le contraire.
A moins que ce casting soit une fin en soi ?

Et je suggère également qu’aucune production étrangère ou burkinabé ne puisse lancer un casting au
Burkina sans en informer les autorités de tutelle du Burkina Faso sur le scénario, le réalisateur, la
production, le lieu du casting, les conditions de son déroulement, et les conditions de
participation, tout comme on le fait déjà pour tous les tournages de film au Burkina Faso.

Sinon, c’est la porte ouverte à toutes les escroqueries.

Je m’exprime rarement sur UNCB groupe, je m’excuse pour cette lettre un peu longue, mais l’analyse
ne pouvait être plus courte et je me retiens beaucoup du fait de l’origine à priori étrangère de ladite
production.

Avec tous mes respects.

Sékou Traoré

Producteur-Réalisateur. Ouagadougou. Burkina Faso.

sekoutra@yahoo.fr

PARTAGER :                              

Vos réactions (34)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Jojo le comédien : Un regard neuf sur l’humoriste africain
Burkina/Musique : « 4.5 », le premier album de Privat